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Comment la Chine est devenue l'ogre des JO

Détection précoce des athlètes, patriotisme exacerbé, gros budget alloué au sport... L'Empire du Milieu s'est donné les moyens pour finir n° 1 au classement des médailles.

Article rédigé par Pierrick de Morel
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
La délégation chinoise lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques de Londres, le 27 juillet. (LEON NEAL / AFP)

Les Jeux olympiques de Londres ont débuté par une razzia de médailles chinoises. De quoi prouver que quelque chose a changé depuis quelques années au cœur de l'Empire du Milieu dans la manière de préparer les échéances olympiques.

L'obsession : battre les Américains

Officiellement reconnue par le Comité international olympique (CIO) en 1979, la République populaire de Chine participe à ses premiers JO en 1984, à Los Angeles. Elle se classe quatrième avec 32 médailles, dont 15 en or. Un résultat honorable, mais qui place le pays loin des Américains et de leurs 174 breloques.

Battre les Etats-Unis va alors devenir un objectif majeur pour le gouvernement communiste chinois, qui mettra vingt-neuf ans pour y parvenir. De 32 médailles en 1984, la Chine passe à 58 récompenses pour les premiers JO du XXIe siècle, à Sydney, en 2000.

L'année suivante, Pékin obtient l'organisation des Jeux de 2008. Le pouvoir chinois trouve dans cet événement l'occasion de montrer au monde entier que ses athlètes sont les meilleurs. Et l'objectif est atteint : si la Chine compte moins de breloques que son grand rival américain (100 contre 110), elle se classe en tête des nations en raison de son plus grand nombre de médailles d'or (51 pour la Chine, 36 pour les Etats-Unis).

Les moyens : un système de détection hors du commun 

Mais pour devenir la première nation olympique du monde, la Chine a dû se doter de moyens à la hauteur de ses ambitions. Bloomberg révèle que le pays aurait investi près de 4,5 milliards de dollars (3,7 milliards d'euros) dans le sport au cours des dernières décennies, tandis que le ministère des Sports local bénéficierait chaque année d'un budget de 117 millions de dollars (96 millions d'euros). "Pour les Chinois, une médaille olympique signifie quelque chose politiquement", confiait récemment Wei Jizhong, membre du conseil olympique asiatique, dans les colonnes du Denver Post

Le pays a ainsi développé un système de détection hors du commun pour sélectionner les meilleurs sportifs aux quatre coins du pays. Il faut dire qu'avec 1,34 milliard d'habitants, la Chine dispose du plus grand vivier d'athlètes au monde. Retenus dès leur plus jeune âge - parfois dès 3 ans - ces futurs champions sont formés dans l'une des 3 000 écoles de sport du pays. Avec un seul objectif : devenir un jour champion olympique.

Deux jeunes chinois lors d'une session d'entrainement dans une école d'halthérophilie à Xiamen (Chine), le 11 juillet 2012. (AFP / AFP)

Autre particularité du système sportif chinois : les jeunes sont orientés vers les disciplines non pas en fonction de leurs préférences, mais de leur aptitude physique. Dans un reportage diffusé sur France 2 avant les JO de Pékin, le maître d'armes français Christian Bauer, parti entraîner en Chine, faisait part de son étonnement devant le manque de motivation de certains de ses élèves : "Certains athlètes avaient une attitude sans passion, passive (...). On m'a expliqué qu'ils étaient obligés de faire certaines disciplines sportives. J'ai discuté avec certains d'entre eux qui me disaient qu'ils n'aimaient pas du tout l'escrime, mais qu'ils en faisaient parce que c'était leur métier."

Exemple récent : la nageuse Ye Shiwen, sacrée championne olympique du 400 m nage libre, confiait dans le Guardian qu'elle avait été orientée vers la natation en 2003 parce que sa "maîtresse d'école avait remarqué [qu'elle] avait de grandes mains". Une particularité physique intéressante pour briller dans les bassins.

Cette méthode permet à la Chine de se distinguer dans quasiment toutes les disciplines, mais n'est pas sans conséquence sur la vie des jeunes sportifs. Ainsi, le Daily Mail n'hésite ainsi pas à dénoncer des sessions d'entraînement dignes de séances de torture, ou à pointer du doigt le fait que ces jeunes soient séparés très tôt de leur famille. Mais pour le gouvernement, ces sacrifices sont le prix à payer pour obtenir de bons résultats sur la scène internationale.

Le résultat : des performances et des polémiques 

Multiplier les victoires, c'est cependant prendre le risque de susciter une certaine méfiance du côté de ses adversaires. C'est d'ailleurs devenu une habitude : chaque nouvelle édition des JO apporte son lot de polémiques autour des performances des athlètes chinois. A Londres, ils ont déjà dû faire face à deux scandales.

La nouvelle championne olympique du 400 m quatre nages, Ye Shiwen, tout juste âgée de 16 ans, a pulvérisé le record du monde en 4'28''43. Un temps qui lui aurait permis de briller sur la même distance face à des athlètes... masculins. Cette performance n'a pas tardé à éveiller des soupçons de dopage : John Leonard, patron de l'Association mondial des entraîneurs de natation, a lâché au Guardian que les derniers 100 m de la nageuse chinoise lui rappelaient "de vieilles nageuses est-allemandes". Le CIO a balayé ces doutes en rappelant que chaque médaillé olympique subissait un contrôle antidopage.

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Le second scandale touche deux joueuses de badminton. Yu Yang et Wang Xialo ont été accusées, ainsi que six autres athlètes, d'avoir volontairement perdu un match, mardi 31 juillet, pour bénéficier d'un tableau plus favorable pour la suite du tournoi olympique. Elles ont été disqualifiées.

Des scandales qui sont mal vus par le pouvoir chinois. Le patriotisme est l'un des éléments importants de la formation des athlètes : dès leur plus jeune âge, les sportifs chinois sont habitués à saluer le drapeau national avant chaque séance d'entraînement. 

Le gouvernement a déjà fait savoir qu'il avait demandé aux responsables du badminton et aux joueuses "de s'excuser publiquement et d'empêcher que ce genre d'incidents se produise encore". La Chine espère ainsi tourner la page, afin que sa délégation puisse se concentrer sur ses performances olympiques. Car comme en 2008, ses athlètes n'ont qu'un seul objectif : être en tête des nations au classement des médailles le 12 août, jour de la clôture des Jeux.

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