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Jeux asiatiques d'hiver en Arabie saoudite : "C'est une catastrophe pour l'environnement et les valeurs du sport", déplore un spécialiste

Après l'annonce, mardi, de l'attribution des Jeux asiatiques d'hiver 2029 à l'Arabie saoudite, un ancien responsable au WWF dénonce un projet qui relève de "l'aberration écologique" et compromet les valeurs du sport.

France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
En 2021, le tracé du Dakar a mené les pilotes entre Neom et Alula, au coeur d'un paysage désertique. (FRANCK FIFE / AFP)

Les réactions ne se sont pas fait attendre après l'annonce, mardi 4 octobre, de l'attribution des Jeux asiatiques d'hiver 2029 à l'Arabie saoudite. L'immense pays, connu pour ses vastes étendues désertiques, va accueillir dans sept ans une myriade de sports d'hiver au sein d'une mégapole fraîchement construite dans le nord-ouest du Royaume.

Contacté par franceinfo: sport, Mael Besson, spécialiste de la transition écologique du sport, ex-responsable au WWF et ancien chef de mission "développement durable et transition écologique" au ministère des sports, exprime son incompréhension après la validation d'un projet en opposition avec les urgences environnementales mondiales.

Franceinfo: sport : En pleine polémique sur la Coupe du monde au Qatar, comment peut-on accueillir cette nouvelle, à savoir l'organisation de Jeux d'hiver dans un pays comme l'Arabie saoudite ?

Mael Besson : C'est une catastrophe écologique assez claire. On est dans une urgence environnementale importante et les conséquences des dérèglements environnementaux et climatiques commencent à être présents et à impacter profondément le sport. On l'a vu cet été avec des périodes de très fortes chaleurs, on va le voir cet hiver avec des questions d'enneigement... J'ai piloté un rapport quand j'étais au WWF sur l'impact du dérèglement climatique sur le sport, et ce genre de décisions et d'aberrations sur le plan écologique, cela ne fait que compromettre sérieusement notre capacité à avoir une planète habitable, et donc à pouvoir faire du sport. C'est contre-productif. C'est une catastrophe pour l'environnement et pour les valeurs du sport.

Vous pointez du doigt les instances internationales comme le CIO ou la FIFA...

Oui, pour moi elles sont complètement décrédibilisées dans leur légitimité de porter les valeurs du sport. Le Comité international olympique, via le Conseil olympique d'Asie (instance regroupant 45 comités nationaux olympiques et affiliée au CIO), n'est pour moi plus légitime pour parler de vivre-ensemble, sur une planète vivable, de promouvoir des événements qui sont éco-responsables... Il y a une perte de crédibilité totale. On peut se poser la question de la légitimité du CIO et de la FIFA à pouvoir représenter le monde du sport.

Cela veut-il dire que nous ne sommes pas à l'abri de voir d'autres gros événements internationaux prendre la même direction ? Si les considérations éthiques et les responsabilités climatiques n'existent pas...

Tant que l'on ne montrera pas un désaccord, un désintérêt ou une opposition pour ce genre de projets, et que l'on continuera à alimenter le système économique tel qu'il existe, on aura malheureusement des projets de ce type-là.

L'argument de l'Arabie saoudite pourrait être de dire que c'est un projet financé à 100% par le Royaume, qu'il est souverain sur son territoire... ?

On a beau avoir des Etats souverains, on est sur un climat environnemental mondial. Donc les actions des uns impactent le climat de tous les autres. On ne peut pas réfléchir à l'échelle d'un État ou d'une région du monde sur le climat. Si l' on va dans cette direction, le sport risque de devenir le symbole d'une injustice sociale face au dérèglement climatique. Certaines populations, certains sportifs, certaines compétitions auraient le droit de consommer des ressources, émettre des gaz à effet de serre, là où d'autres types de population vont en subir les conséquences ? Le sport va se retrouver dans une lutte des classes, c'est un peu ce que l'on a sur certaines disciplines.

Comment est-il possible de faire pression pour que ce genre de projets et de candidatures ne voient pas le jour ?

Ces fédérations internationales ayant des difficultés à changer leurs modèles, il faut les aider à le faire. Les Etats et les villes qui sont en désaccord avec ces types de projets peuvent faire pression sur ces instances internationales pour qu'elles modifient leur cahier des charges, leurs règles et leurs visions. Les grandes villes, qui se mobilisent les unes après les autres pour annoncer qu'elles ne diffuseront pas le Mondial au Qatar, doivent affirmer auprès du CIO et de ces instances que tant qu'elles auront ces visions du sport mondial, elles ne candidateront plus. Il faut exclure ces projets climaticides de manière claire dans le cahier des charges. Ces projets ne doivent pas pouvoir exister à l'heure actuelle au regard des urgences environnementales. C'est contraire aux valeurs même de l'olympisme.

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