Jeu de mains, jeu de vilains ? Le billet d'humeur d'Alexandre Boyon
On peut posséder un palmarès aussi grand que son envergure (champion d’Europe, champion du monde) et avoir l’humilité d’un poussin. Cyril Dumoulin en est l’archétype. Il est au handball ce qui Steve Mandanda est au football et à Hugo Lloris, la parfaite doublure de Thierry Omeyer ou Vincent Gérard, une référence.
Pendant le confinement, il aurait pu attendre la reprise dans sa cage dorée (Ndlr : pas trop non plus, ce n’est que du handball). Est-ce parce qu’il a été éloigné des terrains de longs mois à cause de ce "fameux" ligament croisé antérieur, toujours est-il qu’il s’est retrouvé, à 35 ans, à la croisée des chemins, ceux qui vous mènent parfois sur les sentiers de la générosité. De chez lui, il a lancé une vente solidaire où les plus grands champions ont mis aux enchères leurs tenues. En un mois, le gardien a récolté dans ses filets 300 000 € pour venir en aide aux personnels soignants. De mémoire, on ne l’avait jamais vu encaisser (autant) avec un tel sourire !
Champion de soi-même
Walid Badi lui ne joue pas en équipe de France mais est professionnel dans l’équipe d’Ivry où peut-être plus qu’ailleurs le handball joue un rôle social exemplaire. Walid est dans la vie comme sur un terrain, vif et généreux. Il ne recherche pas la lumière, la seule chose qui l’anime, c’est le collectif. Son premier pas nous emmène là où on ne l’attend pas. Depuis deux ans, avec ses copains d’enfance, il a créé l’association Solidaritess pour venir en aide aux SDF. Après l’entraînement, le joueur fait lui-même les livraisons de repas. Avec la pandémie il vient désormais également en aide aux personnes âgées et de sa ville et à ceux qui sont touchés financièrement. Les distributions de repas se font d’ailleurs dans l’ancien local du club. Walid n’est pas ce que l’on appelle communément une star du sport, il est bien plus que cela, un héros du quotidien. Comme le répète si souvent Stéphane Diagana, sage parmi les sages, "avant de devenir champion du Monde, il faut d’abord devenir champion de soi-même !"
Mouiller le maillot
On a les joueurs que l’on mérite, il en va de même des supporters. A Montpellier, les "Blue Fox" sont le véritable 8e homme de l’équipe de handball. Après l’annonce de l’arrêt anticipé de la saison pour cause de Covid-19, le président de l’association a demandé aux siens de ne pas réclamer le remboursement partiel de leur abonnement par solidarité envers le club. La passion et la raison, il n’y a pas que les joueurs qui mouillent le maillot.
Reste les instances dirigeantes. Contrairement à ce que l’on déplore dans le foot ou le rugby, ici les enjeux n’ont pas pris le pas sur le jeu. La Ligue Nationale de Handball a décidé à l’unanimité des votes et avec un an d’avance de passer de 14 à 16 clubs en Lidl Starligue. Pas de descente, 2 montées, personne n’est lésé. Pour la Proligue (Deuxième division professionnelle masculine) la LNH va et voit plus loin. Le cahier des charges a été révisé : le budget minimum est passé de 1,1 millions à 900 000 € et le nombre minimum de joueurs professionnels dans l’effectif de 11 à 9. Un message fort envoyé aux clubs qui souffriront économiquement lors de la sortie de crise. Une pression en moins en cette période d’incertitude.
Anticiper l’après pour mieux construire l’avenir. L’obsession de ce sport qui compte plus de 500 000 licenciés. Bien sûr tout n’y est pas parfait mais le handball dans son ensemble – joueurs, supporters, dirigeants - se montre précurseur. Ce n’est d’ailleurs peut-être pas un hasard s’il y a bientôt 25 ans, ses joueurs devenaient les premiers champions du Monde d’un sport collectif français.
Les Barjots ont ouvert la voie aux Costauds, les Costauds aux Experts. Dans d’autres sports, Fédérations et Ligues feraient bien de s’inspirer de cette humilité et de cette volonté de transmettre. Ce n’est pas parce qu’on joue avec les mains qu’on a de mauvaises intentions.
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