Handball : Élohim Prandi, un nouvel homme à Paris
Il est de ces talents dont une action suffit à en prendre la mesure, de ceux qui marquent un formateur et laissent un souvenir durable aux joueurs qui croisent son chemin. Élohim Prandi est venu au monde sous une bonne étoile, ou plutôt grâce à l’union de deux d’entre elles, Raoul Prandi et Mézuela Servier. Les deux parents de l’enfant né à Istres sont d’anciens internationaux de handball. Sa mère fut capitaine de l’équipe de France à une époque où son père est devenu champion de "Division 1" avec l’US Ivry (1997), un an après avoir obtenu une quatrième place aux Jeux olympiques d’Atlanta, aux États-Unis, au sein de l'équipe des Barjots (1996).
"Il a hérité des principales qualités de deux parents internationaux, c’est une chance extraordinaire."
Pour satisfaire ses parents, l'arrière gauche a pioché un peu chez l’un, un peu chez l’autre. Franck Maurice, son entraîneur à Nîmes, résume : "La génétique a vraiment bien fait les choses avec lui. Il a pris les cannes et l’explosivité de sa mère et le corps de son père, qui est un buffle. Il est à la fois fort et explosif. Il a hérité des principales qualités de deux parents internationaux (rire). C’est une chance extraordinaire pour lui." Un cocktail rare. Le tout "dans mon propre physique" précise l’intéressé, comme pour s’émanciper : "Je suis fier de leur parcours et je resterai leur fils, mais je vais créer ma propre identité."
Un joueur explosif dans un corps surpuissant
Élohim Prandi culmine à 1,92 m de hauteur, soit trois centimètres de plus que son père. Sa balance, elle, affiche plus de 100 kilos lorsqu'il grimpe dessus. L’occasion de rappeler qu’il est "devenu plus costaud" que l’ancien demi-centre, en plus de "sauter plus haut et d’être encore plus rapide". Ces dernières années, Prandi fils a en effet choisi de renforcer sa masse musculaire afin de "tenir physiquement contre des gros défenseurs qui font parfois 2 m, voire 2,05 m, pour plus de 100 kilos". Et "il aime bien ça", sourit Franck Maurice, dont l’épouse n’est autre que la marraine du joueur de 22 ans. "Les jeunes sont très branchés sur l’apparence et la façon dont ils dégagent de la force. Il en dégage par le tir mais il avait besoin de se construire un peu plus physiquement."
"Il a une explosivité dans le tir d’une facilité et d’une puissance déconcertantes."
Dire que le shoot d’Élohim Prandi est puissant est un euphémisme. Parmi les 329 buts qu’il a inscrits en Lidl Starligue avec Ivry, Nîmes puis Paris, quelques uns ont marqué les esprits. Outre les tirs en extension à neuf voire à douze mètres, sa spécialité, le droitier s’est créé une autre marque de fabrique : les buts sur coups francs, en appuis et au buzzeur, dont trois pendant la seule saison dernière. L’un d’entre eux, inscrit à Créteil, a d’ailleurs été élu plus beau but de la saison 2019/20. "Sur le terrain, il a une explosivité dans le tir que je n’ai vue chez personne", complète Franck Maurice, qui l’a connu tout-petit et lui a "changé ses couches" lorsqu’il jouait avec son père, Raoul, à Ivry. "C’est d’une facilité et d’une puissance parfois déconcertantes."
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Pour autant, Élohim Prandi "n’est pas seulement un shooteur", tempère Daniel Hager, l’ancien responsable du centre de formation de l’US Ivry, que le grand brun a rejoint à l'âge de 16 ans. "C’est un très bon défenseur et un très bon passeur, capable de jouer avec le pivot, avec l’ailier… Il respire le handball." Michaël Guigou, ailier avec lequel il a partagé le côté gauche à Nîmes puis en sélection nationale, depuis octobre 2019, précise : "Il attire du monde parce qu’il a un beau shoot, donc ses adversaires sont obligés de sortir sur lui. Et sa qualité de passe pour les ailiers, les pivots et même les arrières va encore progresser au PSG, réputé pour ses sorties de balle."
Nouveau club, nouveau système de jeu à assimiler
Dès son premier match officiel avec le club de la capitale, en Ligue des champions, à Coubertin, la recrue a montré un aperçu de ses talents, le 23 septembre dernier. Avec une Tour Eiffel sur la poitrine, il a inscrit un but tout en vivacité, après avoir éliminé son vis-à-vis en un-contre-un, et délivré quelques passes bien senties à ses pivots. Et ce malgré la défaite face à Flensburg (28-29), le manque d’automatismes avec certains de ses équipiers, un début de match sur le banc, où il est resté assis près de vingt minutes, et du déchet dans le tir (1 but sur 4 tentatives). "J’étais frustré parce que je sentais que je pouvais faire plus", confesse Élohim Prandi. "Dans ma tête je me sens bien mais je sens aussi qu’il me manque quelque chose. À Paris, ce n’est pas un jeu de courses comme à Nîmes, où j’arrivais sur des situations où l’on me mettait en position de shoot. C’était beaucoup plus simple."
"Je dois travailler différemment pour m’adapter, notamment mes tirs sur un seul appui ou mes tirs « surprise »."
Sous les ordres de Raul Gonzalez Gutierrez, Élohim Prandi découvre une autre manière de jouer : "C’est du jeu tactique, précis, il y a moins de courses. Je dois travailler différemment pour m’adapter à ce système de jeu, notamment mes tirs sur un seul appui ou mes tirs « surprise », pour surprendre les défenses." Il n’a d’ailleurs pas perdu de temps pour s’exercer. Avec Nedim Remili, arrière droit qui peut jouer demi-centre, et Yann Genty, gardien de but, ils s’imposent des séances supplémentaires pour travailler divers systèmes.
Un jeune homme pressé, comme son pote Mbappé
Après deux matches en demi-teinte lors de la défaite face à Flensburg, en coupe d'Europe, puis la victoire contre Aix, en championnat (2 buts au total), Élohim Prandi ne veut déjà plus perdre de temps : "J’ai vraiment envie de travailler le plus rapidement possible pour assimiler et m’adapter très vite. Même si on me dit « t’as le temps, t’es jeune, nanana… », pour moi, deux matches manqués, c’est déjà une perte de temps." Comme l'autre pépite du PSG, membre de la section football, Kylian Mbappé, il ne faut pas lui parler d’âge mais de niveau. Les mères des deux hommes, handballeuses, sont d'ailleurs de bonnes amies. C'est pourquoi le champion du monde 2018, qu'il connaît depuis l'enfance, était dans les tribunes du stade Pierre-de-Coubertin, en mars 2020, un soir où Nîmes jouait contre le Paris-Saint-Germain.
"Parfois il s’entraînait avec les pros et il venait me voir pour refaire une partie de la séance."
L'envie de se dépasser et d'être meilleur que les autres l'a guidé dans toute son évolution, selon Daniel Hager : "Parfois il s’entraînait avec les pros et il venait me voir pour refaire une partie de la séance", se souvient celui qui est désormais professeur de sport dans un lycée, à Vitry. Une autre anecdote, qui témoigne de la mentalité du droitier, l'a marqué : "Avec les moins de 18 ans, une année, ils sont allés en finale et ont raté le titre de champion de France (en 2015, défaite face à Créteil). L’année d’après, comme il jouait déjà avec les pros et le centre de formation, on ne voulait pas qu’il joue avec les -18. Mais il avait dit : "L’an dernier on a raté le titre, cette année il faut qu’on l’ait." Il y est allé, il a réussi à se fondre dans le collectif et ils ont été champions."
À Ivry, Daniel Hager a surtout décelé "des qualités mentales" chez l'adolescent. Il le compare d’ailleurs à Luc Abalo, autre talent formé dans le Val-de-Marne, sur cet aspect : "Dans les moments compliqués, ce sont des joueurs sur lesquels on peut compter. (…) Plus il y avait de l’adversité, plus Élohim avait envie de montrer qu’il allait s’en sortir. Le gamin était en échec et disait : "Attends, je vais te montrer ce que je suis capable de faire." (rire) Il cherchait les solutions dans des conditions difficiles et il a prouvé sur des matches à enjeux qu’il pouvait marquer les buts décisifs. C’est vraiment une des qualités des joueurs de haut niveau."
De l'envie à canaliser
Problème, cette envie et cette détermination se sont parfois transformées en impatience. "Il faut réussir à le canaliser sur et en dehors du terrain", témoigne Michaël Guigou, son équipier à Nîmes. "Il a la jeunesse et tout ce qu’il va avec, une grosse envie, de l’insolence dans le bon sens du terme : il tente et n’a pas peur de tenter. Mais il fallait l’empêcher de se disperser car par moments il a trop d’envie, trop de motivation." Avec son expérience, le triple champion d’Europe, quadruple champion du monde et double champion olympique l’a accompagné, en essayant de trouver les bons mots pour le conseiller, sur et en dehors du terrain. "On a beaucoup échangé sur plein de détails et ça m’a énormément enrichi", résume "Élo", qui considère "Micha" comme un ami. "Il m’a fait grandir parce qu'il m'a poussé à prendre mes responsabilités et j’ai dû gagner en maturité pour être encore plus serein sur le terrain."
"À Nîmes, Il s’est transformé en tant que handballeur et s’est construit en tant qu’homme."
Franck Maurice reconnaît d’ailleurs que son ailier "a été un accélérateur extraordinaire pour Élohim." Quand il est arrivé dans le Gard à 19 ans, en 2017, Prandi "manquait encore de maturité, de contrôle sur ce qui se passait hors du handball et dans sa manière d’appréhender sa vie de professionnel". Mais en trois saisons à Nîmes, il a vécu une véritable évolution : "Il s’est transformé en tant qu’handballeur puisqu’il est passé d’un jeune espoir à international A, après avoir remporté un titre de champion d'Europe et deux titres de champion du monde avec les sélections de jeunes. Il s’est aussi construit en tant qu’homme. Il a encore beaucoup de chemin à parcourir, il est très jeune, mais je pense qu’il en a déjà parcouru."
À Paris pour continuer à grandir, et tout gagner
Il ne faudrait pas oublier que le bonhomme n'a que 22 ans, même s'il répète à l'envi qu'il est "un joueur confirmé et tout le monde le sait". Il a quitté Nîmes, où il jouait la coupe EHF, pour jouer la Ligue des champions et son Final 4, pour ne plus jouer le top 3 mais le titre, chaque année, avec un club septuple champion de France. "Pour gagner le plus de titres possible", en résumé. À Paris, où il s'est engagé trois ans, il est entouré du Danois Mikel Hansen, meilleur buteur du club et son concurrent au poste d'arrière gauche, des frères Karabatic, de Nedim Remili et de Vincent Gérard, aussi, qu'il côtoie en sélection. "Il était la figure de prou à Nîmes, celui qui prenait la lumière. Aujourd'hui, il est un des joueurs d’une équipe qui joue le Final 4 de la Ligue des champions", résume Franck Maurice, l'entraîneur nîmois. "Il change de statut dans un monde différent."
"Ça peut paraître débile mais psychologiquement, avoir les cheveux longs, ça m’apporte beaucoup."
Élohim Prandi en a conscience : "Je savais qu’à Paris, ça allait être un challenge relevé et c’est ce que je recherchais", appuie le tatoué. "Je suis prêt à ça." Au PSG, il débute "un nouveau chapitre du livre et tout nouveau chapitre mérite changement". À commencer par sa coupe de cheveux : "Ça peut paraître débile pour beaucoup de personnes, mais psychologiquement, ça m’apporte beaucoup. J'ai toujours eu les cheveux longs petit donc je me suis dit : "Pourquoi ne pas revenir au fondamentaux ?" Que ça m’aille ou que ça ne m’aille pas, je me sens très bien comme je suis." À lui de démontrer qu'il se sent de mieux en mieux sur le terrain, aussi, avec Paris.
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