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Football : "Rien n'empêche les Saoudiens d'utiliser leur argent comme bon leur semble" pour recruter Karim Benzema, selon l'économiste du sport Christophe Lepetit

Alors que l'ex international français Karim Benzema a rejoint en grande pompes le club d'Al-Ittihad en Arabie saoudite, le manque de régulation du marché des transferts inquiète l'économiste du sport.
Article rédigé par franceinfo
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Karim Benzema accueilli par un stade plein au club saoudien d'Al-Ittihad (- / AFP)

Le ballon d'Or et ex-international français Karim Benzema a été accueilli jeudi 8 juin dans son nouveau club d'Al-Ittihad, en Arabie saoudite. Une autre star du football, l'Argentin Lionel Messi, a annoncé il y a deux jours son départ du PSG pour rejoindre l'Inter Miami, aux États-Unis. Deux "très très grands joueurs", mais "deux projets totalement différents", assure sur franceinfo ce vendredi Christophe Lepetit, économiste du sport au Centre de droit et d'économie du sport de l'université de Limoges.

franceinfo : Y a-t-il des comparaisons à faire entre ces deux parcours que choisissent de faire Karim Benzema et Lionel Messi ?

Christophe Lepetit : "Des comparaisons, je ne sais pas, des analogies très probablement. On a deux joueurs qui sont de très très grands joueurs. Ils arrivent plutôt au crépuscule de leur carrière sportive, et ils font un choix de carrière qui les voit s'éloigner de l'épicentre du football mondial, à savoir l'Europe, pour gagner d'autres destinations, l'Arabie saoudite d'un côté et les États-Unis de l'autre. Avec deux projets totalement différents et pour des motivations très probablement qui sont différentes d'un côté comme de l'autre. Donc des comparaisons, mais aussi quelques différences entre ces deux choix."

Alors justement, quels objectifs et quelles motivations pour chacun de ces joueurs ?

"Alors, pour l'un comme pour l'autre, ils arrivent vraiment à la fin de leur carrière. Donc ils sont à la recherche d'un dernier challenge qui est en partie sportif, mais pas forcément de façon prioritaire, puisqu'ils ont déjà tout gagné et beaucoup gagné, que ce soit avec le FC Barcelone, le Real Madrid ou le Paris Saint-Germain. Et donc, d'autres considérations entrent en ligne de compte. En particulier, et il faut bien l'avouer, la dimension financière. Quand on sait le salaire qui est offert à Karim Benzema du côté de l'Arabie saoudite, il est probable que c'est une offre qui est difficile à refuser. [Il aura] la possibilité d'intégrer le cercle des ultra-riches, qui lui ouvriront des projets qu'il n'aurait pas forcément pu avoir, même s'il a déjà très bien gagné sa vie. De l'autre côté, on a Lionel Messi, qui lui fait le choix de rejoindre les États-Unis dans une Ligue en pleine expansion, la MLS, donc la Major League Soccer, la Ligue nord-américaine de football, avec la perspective de pouvoir aussi devenir demain quelqu'un qui compte à l'Inter Miami, puisqu'il obtiendrait une partie des parts du club qui appartient déjà à David Beckham, et il va être la tête de gondole, l'égérie du club. 

On voit de retombées économiques immédiates pour le club et le championnat ?

"Oui, tout à fait. Il y a un chiffre qui est très très impressionnant : toutes les places pour les matches de Lionel Messi pour la saison qui va arriver sont d'ores et déjà vendues. Donc l'impact, il est direct pour la Ligue. Il est très important puisqu'on sait que la Major League Soccer aux États-Unis est dans une phase d'expansion très forte et d'internationalisation. Donc c'est un accélérateur incroyable. Et c'est vrai qu'on a déjà ces chiffres qui sont à peine croyables : des matchs à guichets fermés, le nombre de followers de l'Inter Miami qui a quintuplé. Et puis on a vu de l'autre côté Karim Benzema être salué comme un dieu vivant lors de son arrivée en Arabie saoudite, avec une cérémonie extrêmement bien mise en scène, spectacle pyrotechnique, etc. Et donc, là aussi, je pense que ça va contribuer à développer la notoriété qui est très faible, il faut bien l'avouer aujourd'hui, du championnat saoudien. Même si les clubs saoudiens sont sportivement très compétitifs sur la zone asiatique"

Le football, c'est une forme de soft power pour l'Arabie saoudite ? Sachant que le club d'Al-Ittihad que vient de rejoindre Karim Benzema pourrait compter en autre Bleu : N'Golo Kanté ?

"Oui, tout à fait. Cristiano Ronaldo avait rejoint l'Arabie saoudite il y a quelques mois, puis Karim Benzema et peut-être N'Golo Kanté... d'autres joueurs, mais qui ne sont pas sur le marché des superstars, sont aussi dragués par les clubs saoudiens. Donc oui, on voit qu'il y a un investissement massif, avec des moyens qui sont sans commune mesure. Personne ne peut véritablement s'aligner sur les moyens qui sont mis à la disposition des joueurs par les clubs saoudiens. On voit par exemple sur le côté Inter Miami : la Ligue a été obligée d'imaginer un montage très particulier pour faire venir Messi et être en capacité de pouvoir payer son salaire, là où les Saoudiens sont capables de dépenser 200, 300 ou 500 millions d'euros sans aucune difficulté. Donc effectivement, il y a des joueurs qui arrivent, d'autres vont suivre. Jusqu'où cela ira-t-il? Il faudra suivre ça avec une grande attention parce que ce pays a des moyens très conséquents. Et il faut bien avouer qu'en l'absence de régulation du football mondial aujourd'hui, rien n'empêche les Saoudiens d'utiliser leur argent comme bon leur semble pour devenir l'une des plaques tournantes du football."

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