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Thé empoisonné, vestiaires minés... les traquenards qui attendent les équipes à l'extérieur

A Ajaccio, le PSG a eu la surprise de ne plus avoir d'eau chaude dans les douches. Un petit incident par rapport à ce qui a été tenté par le passé...

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
L'attaquant du PSG Zlatan Ibrahimovic chargé par le défenseur ajaccien Cédric Hengbart, lors du match Ajaccio-PSG, le 11 janvier 2014, à Ajaccio.  (PASCAL POCHARD-CASABIANCA / AFP)

Le milieu de terrain du PSG Thiago Motta conservera sans doute un souvenir ému du déplacement de son club à Ajaccio, samedi 11 janvier. "En guise de cadeau d'au revoir, ils ne nous ont laissé que de l'eau froide dans les douches. Je trouve ça bien... Mais bon, c'est ce qui se passait dans les années 1980." Le traquenard de l'équipe hôte, un phénomène limité à la Corse ou aux années 1980 ? Absolument pas ! Jugez plutôt avec notre parcours du combattant, qui retrace les pires coups tordus qu'ont dû affronter les équipes en déplacement, de l'aéroport au terrain.

De l'aéroport à l'hôtel : "Bienvenue en enfer"

Au palmarès des déplacements mémorables, les joueurs de Manchester United ont sans doute inscrit celui en Turquie, à Galatasaray, pour la Ligue des champions, en 1993. "C'est comme si ça avait été autorisé de nous attaquer, se souvient le défenseur Gary Pallister dans The Independant (en anglais). Ils avaient laissé les supporters venir avec des banderoles 'Bienvenue en enfer' à l'aéroport." "Ils s'étaient relayés pour chanter toute la nuit devant notre hôtel, histoire d'être bien sûrs qu'on ne dorme pas. Et ils appelaient une par une nos chambres d'hôtel", se rappelle Ryan Giggs, qui jouait déjà à l'époque, dans le Daily Mail. "Je croise un des grooms de l'hôtel, et je le vois mimer un égorgement avec son doigt. Là, je me dis : 'On n'est pas en sécurité'", renchérit Pallister. Faut-il vous préciser que Manchester a été éliminé, et que Cantona s'est fait expulser puis matraquer par un CRS turc sur le terrain ?

Eric Cantona est escorté hors du terrain à la suite de son expulsion lors du match Galatasaray-Manchester United, au stade Ali Sami Yen d'Istanbul (Turquie), le 3 novembre 1993.  (TOM JENKINS / GETTY IMAGES EUROPE)

Le vestiaire visiteurs, repère de tous les sadismes

Pendant des années, aller jouer à Millwall, berceau du hooliganisme anglais, faisait peur à toutes les équipes adverses. Outre la réputation de brutalité du public et des joueurs, le vestiaire dévolu aux visiteurs n'y était pas pour rien : "Le vestiaire visiteurs ressemblait à un donjon, sans fenêtre et sans lumière", se souvient Eamon Dunphy, footballeur irlandais qui a joué plus de dix ans en Angleterre, dans son livre Only a Game ? The Diary of a Professional Footballer.

N'allez pas croire que ce machiavélisme est réservé aux stades vétustes et lugubres. Dans l'Emirates Stadium d'Arsenal, flambant neuf, le vestiaire visiteurs est deux fois plus petit que celui dévolu à l'équipe d'Arsène Wenger. La peinture, criarde, a été choisie pour perturber les joueurs, note le Daily Mail. Des études très sérieuses montrent que certaines couleurs favorisent la performance. A Middlesbrough, toujours en Angleterre, le vestiaire visiteurs a été conçu en forme de L, de façon à empêcher l'ensemble des joueurs de voir le tableau noir avec les consignes de l'entraîneur. A Chelsea, les joueurs doivent se mettre à genoux pour ranger bijoux et vêtements personnels dans le casier qui leur est destiné. "En obligeant les visiteurs à adopter une posture de défaite, Chelsea parvient à réduire le niveau de testostérone des joueurs adverses, et les prépare à la défaite", écrit très sérieusement la BBC (en anglais)

Le tunnel, idéal pour une embuscade

Le moment du face-à-face entre les deux équipes est souvent propice à l'intimidation. En France, on se souvient surtout du passage à tabac du meneur de jeu de Monaco Marcelo Gallardo, dans le tunnel du stade Vélodrome, qui mène du vestiaire au terrain, en 2000. C'est l'entraîneur adjoint de l'OM à l'époque, Christophe Galtier, qui exécute les basses œuvres, et écope de six mois de suspension. "T’attendre dans le tunnel à la mi-temps comme ça pour te filer une trempe pareille, c’est quelque chose de très 'argentin' finalement. Heureusement, j’étais encore habitué", se souvient l'Argentin, interrogé par So Foot dix ans plus tard.

Outre-Manche, c'est la rivalité entre Roy Keane, "l'aboyeur" de Manchester United, et Patrick Vieira, "le mastodonte" d'Arsenal, qui a beaucoup marqué. Dans le tunnel, avant un match à Highbury, Keane provoque le Français : "Si tu aimes tant que ça le Sénégal [Vieira est né à Dakar], pourquoi tu ne joues pas pour eux !" L'arbitre tente de s'interposer entre les deux hommes. Vieira reconnaît dans le quotidien Metro en 2013 que c'est lui qui a commencé à le narguer. "J'étais très calme, je le regardais en souriant, quand soudain, il a pété un plomb."

Les boissons, 100% pur jus ou presque

"A vaincre sans péril, on évite les ennuis", affirme, sentencieux, un légionnaire dans Astérix chez les Bretons. A l'Olympique de Marseille, au début des années 90, on applique à la lettre cette maxime. Le club phocéen se trouve mêlé à trois affaires d'empoisonnement à la fin de l'ère Tapie. En coupe d'Europe, les Polonais du Lech Poznan affirment avoir perdu 6-0 à cause d'un jus d'orange suspect. En 1993, le CSKA Moscou subit pareille déroute, peut-être à cause d'un thé trafiqué. Dans son livre Je ne joue plus, le milieu olympien Jean-Jacques Eydelie rappelle cet épisode : "Nos dirigeants avaient récupéré les packs d'eau des joueurs moscovites. Devant nous, avec un large sourire, ils se sont servis d'une seringue avec une aiguille très fine pour injecter je ne sais quoi à travers le bouchon." 

Le Stade rennais, après un match de championnat perdu en 1991, a accusé l'OM d'avoir trafiqué son jus d'orange. "Certains, dans le groupe, avaient l’équivalent de deux comprimés de Tranxène dans les veines", se souvient le défenseur Serge Le Dizet, cité par So Foot. Le club a porté plainte, sans suite.

Les odeurs, pour empoisonner l'ambiance

16 novembre 2005. Le PSG se déplace sur le terrain de l'Olympique de Marseille, pour un match au sommet du championnat. Une heure avant le coup d'envoi, une vive odeur d'ammoniac se répand dans le vestiaire parisien. L'entraîneur parisien, Laurent Fournier, est fortement incommodé : il finit la première période avec une poche de glace sur la nuque. "J'ai l'impression d'être revenu vingt ans en arrière", dit-il après la rencontre, cité par Le Parisien.

La mairie de Marseille, gênée, affirme que la même quantité d'ammoniac a été versée dans les deux vestiaires pour faire disparaître des remontées d'égout. La municipalité diligente même une analyse chimique... qui ne révèle rien d'anormal. Ce qui permet à Pape Diouf, directeur sportif du club à l'époque, de répliquer : "Je pense qu'il y a eu, tout au moins, une volonté délibérée de la part de l'entraîneur [Laurent Fournier] d'empoisonner l'ambiance de l'avant-match, du match et de l'après-match."

Le banc, un moyen de rappeler qui est le chef

Une rumeur tenace veut qu'à Auxerre, le banc dévolu à l'entraîneur et aux remplaçants adverses soit plus enfoncé dans le sol que celui occupé pendant des décennies par Guy Roux. Double objectif : donner un complexe d'infériorité aux visiteurs, et empêcher l'entraîneur adverse de voir correctement le jeu. 

Et on vous passe les douches glacées, hors service, ou encore les vestiaires surchauffés qui font toujours partie du folklore. 

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