Reportage Au RC Lens, une séance de yoga hebdomadaire pour relâcher les tensions
Depuis un an et demi, le yoga s'est invité dans l'emploi du temps de l'équipe professionnelle du Racing Club de Lens. Une séance hebdomadaire de relaxation, en complément du travail des préparateurs physiques et techniques.
Un après-midi de décembre à La Gaillette, le centre d'entraînement du RC Lens. Au détour d'un couloir, une voix chuchote, ponctuée de claquements de doigts : "Un deux trois, un deux trois." Depuis l'été 2020, les jeudis, c'est séance de yoga pour les joueurs de l'équipe professionnelle lensoise. Assis en tailleur, les yeux fermés, les cadres se laissent guider par Anne Lejot, leur professeur.
Quelques minutes plus tôt, pourtant, le spectacle était tout autre. Jets de balles, musique à plein volume sur les téléphones et rires aux éclats : l'installation des joueurs ressemblait à une animation de colonie de vacances. Au lendemain de la 16e journée de Ligue 1, qui s'était soldée par un match nul à Clermont-Ferrand (2-2), les Sang et Or, rentrés dans la nuit, semblaient épuisés. ""Annette", je n'ai dormi que trois heures, soit clémente avec nous aujourd'hui", lâchait avec un sourire en coin le capitaine Seko Fofana. "J'ai les yeux lourds, renchérissait Gaël Kakuta dans le fond de la salle. On peut éteindre la lumière ?" Pourtant, au fil des instructions de la coach, le calme a peu à peu gagné la salle de musculation, reconvertie en studio de yoga pendant trois quarts d'heure.
"Mettre le cerveau au repos"
Pratiqué depuis longtemps par de nombreux sportifs, notamment le numéro 1 mondial de tennis, Novak Djokovic, le yoga est de plus en plus plébiscité par les équipes encadrantes des sports collectifs. Le club de Lorient s'y est mis en décembre 2020 quelques semaines après le centre de formation du MHSC. Les Three Lions (la sélection anglaise de football) avaient quant à eux pleinement intégré un type de yoga à leur préparation pour l'Euro 2020, sur les conseils du XV de la Rose, qui l'avait testé pour la Coupe du Monde 2019 au Japon.
Pour Anne Lejot, les bienfaits de cette pratique sur les footballeurs sont réels, notamment en matière psychologique. Avec les Sang et Or, elle travaille sur la récupération ainsi que sur la régénération physique et mentale. "Je mets l'accent en priorité sur la dimension psycho-mentale, explique-t-elle. J'essaie de mettre leur cerveau au repos pour supporter toute la saison et toute la pression qu'il y a autour de leur métier. Le but est vraiment qu'ils se relâchent psychologiquement."
#Yoga
— Racing Club de Lens (@RCLens) July 2, 2020
Namasté,
Les pros ont effectué hier une séance de yoga à #LaGaillette hier.
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De réfractaires à adeptes
Et les techniques de la professeure, qui a commencé les sessions au RCL en 2017 avec l'équipe des U17, fonctionnent. "C'est dingue parce qu'on se concentre sur quelque chose et à un moment donné, on oublie le reste", confie le latéral droit Jonathan Clauss. Il apprécie ce moment de détente, lors duquel la pression baisse. "Les exercices, la musique, les chuchotements : tout est pensé pour optimiser la relaxation et la détente. Et ça marche. J'ai vraiment l'impression d'être complètement ailleurs, déconnecté et très calme."
L'équipe encadrante voit également la différence sur l'effectif. "Les gardiens sont toujours super contents d'aller à la séance du jeudi, indique l'entraîneur des portiers, Thierry Malaspina. Ça les régénère et en plus, ça compense le travail que je leur ai fait faire plus tôt dans l'après-midi." Selon lui, le yoga apporte quelque chose en plus à la préparation physique des joueurs. "C'est une approche très intéressante et différente, qui passe par le cerveau. À la fin de la journée, ils n'ont pas besoin de passer dans les mains d'un kiné." L'entraîneur Franck Haise a lui indiqué au Parisien que ce moment de récupération physique et de recentrage était "important pour que les joueurs se sentent bien et qu'ils soient assez relâchés pour oser sur le terrain."
Pourtant, comme beaucoup, Thierry Malaspina était sceptique à l'idée de se mettre au yoga : "Au début, j'y allais à reculons, mais maintenant, je sais que ça va m'aider à récupérer : j'ai l'impression que mes muscles sont complètement essorés, que toutes mes toxines sont parties. Après la séance, je ressens un certain bien-être." Un bien-être également ressenti par Franck Haise, qui apprécie cet instant de "déconnexion du cerveau" . "C'est bien d'avoir ces moments où on écoute juste son corps et ses sensations."
La moitié de l'effectif cadre se rend toutes les semaines aux sessions, obligatoires une fois par mois pour les joueurs et le staff. "Il y a des cadres qui n'ont pas loupé une seule séance, certains se sont découverts une passion pour la relaxation", sourit Anne Lejot. C'est le cas de Jonathan Clauss, qui met à profit les exercices au moment de se coucher. "Je suis un nerveux hyperactif. Avant, j'avais besoin d'épuiser mes yeux devant des écrans, regarder la télévision ou jouer à la console jusqu'à pas d'heure. Depuis un an et demi, je suis plus relâché, je pense à mes trois respirations, et je m'endors beaucoup plus facilement", indique le joueur de 28 ans.
Des séances adaptées à un public à part
Si le yoga a facilement trouvé sa place dans la préparation physique et technique des joueurs, c'est parce que les séances sont des compléments du travail du reste du staff. "Il faut respecter le travail de chacun. Mon rôle, comme tout le reste de l'équipe encadrante, est d'optimiser la performance pour qu'ils aillent le plus haut et le plus loin possible", précise Anne Lejot, qui échange régulièrement avec les autres membres du staff.
Les sessions demandent un travail conséquent à la professeure de yoga, également responsable de la filière préparation physique au STAPS d'Artois. "Le public du RCL est très différent de Monsieur et Madame tout le monde. Il y a beaucoup d'enjeux puisque leur corps est leur outil de travail", indique Anne Lejot, qui consacre deux heures à la préparation de chaque séance. "Certaines postures peuvent être bénéfiques pour les gymnastes, mais dangereuses pour les footballeurs, deux catégories de sportifs aux qualités musculaires et aux niveaux de souplesse très différents."
S'il faut adapter les postures à la personne, la coach adapte également les séances au calendrier et aux résultats. "Après le 4-0 contre Brest, j'avais organisé une séance 'tourner la page et rebondir'. Avant le derby en début de saison, c'était le thème 'préparer un match à enjeu fort'", explique Anne Lejot. Nul doute qu'une séance spéciale a eu lieu après le 16e de finale renversant de la Coupe de France, remporté au bout du suspense par les Lensois face à leurs voisins lillois.
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