Quand les footballeurs rivalisent d'imagination pour ne pas rentrer à temps dans leur club
Deux joueurs du PSG ont été sanctionnés pour avoir séché un stage de reprise. Mais d'autres avant eux ont fait plus fort. Et avec de meilleurs prétextes.
Le verdict de Laurent Blanc est sans appel : "Inadmissible et inacceptable". Pour avoir séché un stage de reprise au Maroc, fin décembre, les deux attaquants sud-américains du PSG Ezequiel Lavezzi et Edinson Cavani ont été sanctionnés financièrement et sportivement, dimanche 4 janvier. Privés du déplacement à Montpellier en Coupe du France, le 5 janvier, ils ne seront pas non plus de la réception de Bastia, cinq jours plus tard.
Des joueurs qui reviennent en retard après la trêve hivernale ou après une grande compétition, c'est du classique. En voici un petit florilège.
Le champion : Romario, "vidé" après son succès lors du Mondial
1994. Romario porte la Seleçao sur le toit du monde. L'attaquant est l'un des grands artisans de la victoire brésilienne lors du Mondial disputé aux Etats-Unis. La finale a lieu le 17 juillet. Deux semaines plus tard, il est attendu dans son club de Barcelone, qui entame sa pré-saison. C'est beaucoup trop tôt pour l'avant-centre, fêté par son pays, qui attendait un sacre mondial depuis vingt ans. Parades, parties de foot-volley sur la plage, matchs improvisés dans les bidonvilles de Rio, l'emploi du temps de Romario est très chargé. "Je voulais montrer à mes amis que je n'avais pas pris la grosse tête, se justifie alors Romario, cité par The Independent (en anglais). J'ai essayé de contacter les dirigeants de Barcelone pour leur dire que j'étais encore vidé après les célébrations de la victoire. Je pense que je mérite quinze jours de vacances en plus. Je pense qu'ils comprendront."
Trois semaines plus tard, Romario fait son retour en Catalogne, le moral dans les chaussettes et lesté d'une amende de 80 000 euros. L'attaquant ne sera plus que l'ombre de celui qui avait fait trembler les filets une trentaine de fois les deux saisons précédentes. C'est son coéquipier Hristo Stoïchkov qui parle le mieux de cette période sur le site d'ESPN (en anglais) : "Romario n'est jamais vraiment revenu. Son corps était à Barcelone, mais son esprit était à Rio."
Le menteur : Ronaldinho, victime de dents qui poussent
C'est un Ronaldinho auréolé de son titre de champion du monde qui s'autorise une semaine de vacances supplémentaire au Brésil à l'hiver 2002-2003. Là où le bât blesse, c'est sur son mot d'excuse : l'entourage de Ronaldinho prétexte que le joueur a été victime d'un problème qui relève de l'orthodontie, qui l'a obligé à consulter plusieurs spécialistes de la mâchoire. Ce qui ne tient pas une seconde : les dents des joueurs du PSG étaient surveillées toutes les deux semaines, note le Guardian (en anglais). Pire : le quotidien brésilien Zero Hora l'a suivi dans une école de samba et lors d'un match de bienfaisance, deux activités déconseillées aux convalescents.
L'entraîneur du Paris Saint-Germain, Luis Fernandez, est furieux, mais ses dirigeants capitulent en rase campagne devant un joueur courtisé par les plus grands clubs européens. Xavier Couture, alors PDG de Canal +, propriétaire du PSG, donne une interview surréaliste au Parisien : "Il fait beau au Brésil, c’est l’été. Que Ronaldinho ait eu envie de passer deux jours de plus là-bas, je peux le comprendre." La sanction sera à l'avenant : seulement 2 000 euros d'amende, quelques footings tout seul ou en compagnie de Francis Llacer, un joueur vieillissant en marge du groupe, quelques matchs manqués, et on n'en parle plus. Pour la petite histoire, la fameuse opération pour remettre ses dents d'équerre n'aura lieu qu'en 2013.
Le diplomate : Adebayor, trop bien élevé pour poser un lapin au président
Quand le Togo est éliminé de la Coupe d'Afrique des nations le 3 février 2013, les dirigeants de Tottenham, le club d'Emmanuel Adebayor, s'attendent à récupérer leur attaquant pour le match contre Newcastle, six jours plus tard. Ce n'est que le 8 février, dans la soirée, que l'avant-centre revient en Angleterre. Trop tard pour faire partie de l'équipe. Et tant pis si le club n'a plus aucun attaquant valide. Deux semaines après ce feuilleton qui a tenu en haleine les tabloïds sur l'air du "reviendra/reviendra pas", l'attaquant togolais s'explique, dans The Independent : "J'aurais pu affréter un jet privé pour revenir directement à Londres. Mais je ne voulais pas abandonner mon équipe [nationale]."
"Il a fallu quatre jours à la fédération pour envoyer un avion nous chercher en Afrique du Sud. J'ai été obligé d'appeler le président Faure Gnassingbé pour lui dire que nous devions nous en aller. Mais le président a tenu à nous féliciter en personne pour notre bon parcours [les Eperviers se sont hissés en quarts de finale], donc nous avons dû passer par le Togo. Je ne pouvais simplement pas m'embarquer sur le premier vol pour Londres. Je suis le capitaine. Je devais être là." L'attaquant réclamera le paiement de ses 200 000 euros d'amende à sa fédération, en vain.
L'inquiet : Diabaté, effrayé par les jihadistes maliens
L'attaquant des Girondins de Bordeaux Cheick Diabaté est un habitué des petits extras après la Coupe d'Afrique des nations. Déjà sanctionné par son club en 2012, l'avant-centre a remis ça l'année suivante. L'attaquant malien a une excuse recevable : à l'époque, les troupes françaises sont en pleine intervention dans le pays, pour chasser les jihadistes du Sahel. "Je suis rentré à Bamako avec le reste de l’équipe, raconte Cheick Diabaté sur RFI. J’y suis resté quelques jours pour être auprès de ma famille. Durant la CAN, j’étais très préoccupé par la guerre qui sévit dans le nord du pays. J’avais peur que Bamako soit à son tour touchée par les combats et que mes proches soient en danger. Les voir en bonne santé m’a rassuré, j’ai pu repartir le cœur léger."
L'attaquant a aussi dû faire face à l'annulation de son vol vers la France. "Je n'allais pas rentrer à pied", ironise-t-il, philosophe face à la sanction – on ignore sa nature exacte – que lui a infligé son club. Pourtant, en janvier, l'entraîneur Francis Gillot, qui comptait des Brésiliens fêtards dans son effectif, avait prévenu. "S’ils ne sont pas là, ils auront une amende et ne joueront pas. C’est bon, le coup de 'maman j’ai raté l’avion'… Non, ça ne se passera pas comme ça !"
Le pionnier : Ramon Heredia, rétif aux entraînements
Le défenseur argentin Ramon Heredia débarque à Paris en 1977, nanti de l'aura d'un défenseur incontournable en équipe d'Argentine – il joue tous les matchs de la Celeste entre 1971 et 1974 – et d'un statut de finaliste de la Coupe des champions avec l'Atletico Madrid, battu in extremis par le Bayern Munich en 1974. Mais les plus belles années de celui qu'on surnomme "El Cacho" sont derrière lui. Epitaphe de sa courte carrière parisienne dans les Cahiers du Foot : "Les esthètes retiendront son buste moulé par le maillot Pony et sa chevelure de jais façon 'Arumbaya' [une tribu amazonienne fictive qui apparaît dans Les aventures de Tintin]". A Paris, en trois ans, il ne joue que 24 matchs. Victime d'une grave blessure au printemps 1978, lesté de plusieurs kilos en trop, il peine à retrouver un niveau digne de ce nom.
Il brille par son absence à la reprise de l'entraînement, en janvier 1979. Colère de l'entraîneur Velibor Vasovic, cité par le blog PSG Canal historique de l'historien du club Michel Kollar : "Avant de partir en vacances, il m’avait demandé si je comptais sur lui pour la deuxième partie du championnat. Je lui avais dit 'oui', à condition qu’il reprenne sérieusement l’entraînement." Heredia est purement et simplement remercié. Une sanction impensable aujourd'hui.
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