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OM-PSG : à l’origine du Classique, un arrangement entre amis pour devenir les meilleurs ennemis

L'Olympique de Marseille reçoit, dimanche, le Paris Saint-Germain dans un choc devenu historique. Franceinfo sport revient sur cette rivalité née dans les années 1980 et fruit d'une entente entre Bernard Tapie, d'un cÎté, et Michel Denisot, représentant Canal+, de l'autre.

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France Télévisions
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Bernard Brochand, président de l'association PSG, Pierre Lescure, co-fondateur de Canal+ et Bernard Tapie, président de l'OM, discutent en 1993 au stade Vélodrome. (COLIN MAX/ SIPA)

Des relations "empreintes d'animositĂ© depuis de trĂšs nombreuses annĂ©es" entre les deux clubs. C'est par ces termes qu'un arrĂȘtĂ© prĂ©fectoral a justifiĂ© la mesure interdisant aux supporters parisiens de se dĂ©placer dans les Bouches-du-RhĂŽne, Ă  l'occasion de la rencontre OM-PSG, dimanche 24 octobre. Cette "animositĂ©" date du dĂ©but des annĂ©es 1990. Auparavant, les rencontres entre les deux clubs passaient plutĂŽt inaperçues. Cette inimitiĂ© a Ă©tĂ© créée de toutes piĂšces par les dirigeants des deux clubs, Bernard Tapie et Canal+, pour construire une saga et satisfaire leurs propres intĂ©rĂȘts. Une saga qui dure depuis trente ans.

La premiĂšre rencontre entre l’Olympique de Marseille et le PSG a lieu le 12 septembre 1971. Le club de la capitale a Ă©tĂ© fondĂ© un an plus tĂŽt, alors que l’OM est dĂ©jĂ  vieux de plus de 70 ans : "Il y avait du respect entre les deux clubs. L’OM voit le PSG comme un petit nouveau", explique Jean-François PĂ©rĂšs, chef du service des sports d’Europe 1 et co-auteur du livre PSG-OM / OM-PSG, Histoire d'une rivalitĂ© avec Daniel Riolo. Laurent Fournier jouait en 1990 sous les couleurs marseillaises et ne souvient pas de tensions avec les Parisiens : "La rivalitĂ©, c’était plutĂŽt avec Bordeaux, entre Bernard Tapie et Claude Bez. Mais il n’y avait aucune animositĂ© avec Paris".

IntĂ©rĂȘt sportif pour les uns, intĂ©rĂȘt Ă©conomique pour les autres

En 1986, Bernard Tapie rachĂšte l’Olympique de Marseille. S’en suivent quatre titres consĂ©cutifs de champion de France entre 1989 et 1992. Dans le mĂȘme temps, les Bordelais sont relĂ©guĂ©s en deuxiĂšme division. Bernard Tapie se met alors Ă  la recherche d’un nouveau rival. Il le trouve avec le PSG, qui vient d’ĂȘtre rachetĂ© par Canal+ en 1991. Les dirigeants parisiens et marseillais s’entendent, avec chacun des intĂ©rĂȘts propres. "Tapie a toujours voulu gagner la Coupe d’Europe, et pour cela il fallait un bon championnat. Donc il s’est dit qu’il lui fallait des vrais rivaux, solides. Et cĂŽtĂ© Canal + on avait tout intĂ©rĂȘt Ă  mettre en avant les droits achetĂ©s au milieu des annĂ©es 80. Avec une rivalitĂ© et des matchs comme ça, les abonnĂ©s Ă©taient davantage attirĂ©s", explique Jean-François PĂ©rĂšs. 

C’est une rivalitĂ© artificielle, montĂ©e par des dirigeants, qui ne voulait pas dire grand chose sportivement, parce que jamais les deux clubs n’avaient rivalisĂ© pour des titres.

Jean-François PérÚs

Bernard Tapie et Michel Denisot, nommĂ© prĂ©sident du PSG par Canal+, s’entendent alors pour que leurs clubs se dĂ©testent. Un vĂ©ritable coup marketing pour la chaĂźne cryptĂ©e, qui tient sa grosse affiche de premiĂšre division, et une bonne affaire pour Marseille, qui peut s’endurcir. "Historiquement, Marseille a toujours eu des rapports trĂšs compliquĂ©s avec Paris, s’est toujours sentie mal traitĂ©e, mĂȘme Ă  l’époque de la Monarchie. C’est quand mĂȘme la seule ville oĂč les fortifications royales ont Ă©tĂ© Ă©rigĂ©es non pas pour protĂ©ger la ville, mais protĂ©ger de la ville, avec les canons tournĂ©s vers l’intĂ©rieur de la citĂ©. Les dirigeants se sont servis du football pour mettre le feu Ă  quelque chose qui Ă©tait sous jacent. Tout Ă©tait rĂ©uni pour que ça devienne ‘le derby de la France’", raconte Jean-François PĂ©rĂšs. 

Tapie-Marseille, opération séduction

Au delĂ  de la rivalitĂ© sociologique entre les deux plus grandes villes de France, Bernard Tapie avait aussi un intĂ©rĂȘt politique Ă  sĂ©duire le peuple marseillais. Il est arrivĂ© dans la citĂ© phocĂ©enne avec l’idĂ©e de devenir dĂ©putĂ© d'une cireconscription de la ville. "Et dĂšs 1988, Ă  la fin d’un OM-PSG, Tapie descend sur la pelouse pour s’en prendre verbalement Ă  l’arbitre. Il envoie le message que les instances sont peut-ĂȘtre Ă  Paris, mais qu’à Marseille, ce ne sont pas elles qui font la loi. Il a mis une premiĂšre Ă©tincelle et on n’est plus jamais reparti en arriĂšre aprĂšs ça", explique le chef du service des sports d’Europe 1. 

Bernard Tapie, alors président de l'OM, ici sur la pelouse du Vélodrome en octobre 1987. (AFP)

Le dirigeant marseillais Ă©tait trĂšs prĂ©sent auprĂšs de ses joueurs avant les rencontres face aux Parisiens : "Contre Paris, il allait toujours au journal tĂ©lĂ©visĂ© de 13 heures. Il nous faisait aussi passer des articles qu’il mettait au mur en nous disant : 'On n’a plus rien Ă  vous dire.' Puis il parlait quarante minutes, le coach dix. Goethals nous faisait la compo puis disait : 'PrĂ©sident, c’est Ă  vous !' Tapie expliquait alors sa tactique Ă  lui", racontait Basile Boli dans France Football en 2017.

En 1992 et 1993, une rivalité à son paroxysme

En 1992, au Parc des Princes, se joue l’une des rencontres les plus violentes de l’histoire du football français. L’avant-match est ponctuĂ© d’attaques verbales. "Certains ont fait des dĂ©clarations, ce qui a envenimĂ© les choses. Et connaissant des joueurs Ă  Marseille, je ne me suis dit que ça n’allait pas passer auprĂšs d’eux", raconte Laurent Fournier. En Une du quotidien L’Equipe, Artur Jorge, l’entraĂźneur du PSG, annonce aux Marseillais que son Ă©quipe va leur marcher dessus. David Ginola en remet une couche en promettant "la guerre". 

Une mise en condition qui mĂšnera Ă  de excĂšs d’engagement sur le terrain, avec 55 fautes pendant le match, donc plusieurs tacles extrĂȘmement violents. "Je pense qu’aujourd’hui on ne le terminerait pas, il y aurait trop d’expulsĂ©s", remarque Jean-François PĂ©rĂšs. Pourtant Ă  l’époque, l’arbitre Michel GĂ©rard ne distribue que six cartons jaunes et pas un seul carton rouge. "C’était un match engagĂ© mais chacun dĂ©fendait son club. C’est aussi cette agressivitĂ©-lĂ  qui a ensuite permis aux deux clubs de gagner une coupe d’Europe", tempĂšre Laurent Fournier.

Le match de 1992 n’est pas le seul Ă  avoir mal tournĂ©. Rebelotte en 1993, au Stade VĂ©lodrome, alors que l’OM vient de remporter la Ligue des Champions et a l’occasion de remporter le championnat de France en cas de victoire. "Les Marseillais font la fĂȘte depuis trois joueurs, ils ne dorment pas, mais il y a ce match qui est crucial pour le titre de champion de France. Le stade VĂ©lodrome est plein comme rarement. C’est une arĂšne de taureaux ce jour-lĂ  . Et les gens sont fous, les supporters parisiens sont partis en cacahuĂštes. Ils ont lancĂ© des fusĂ©es traçantes dans les tribunes marseillaises, il y a eu des blessĂ©s. Et le match s’est terminĂ© dans une ambiance totalement dĂ©lĂ©tĂšre, avec une victoire et un titre pour l’OM", se souvient Jean François PĂ©rĂšs. 

Le scandale VA-OM et la relégation calment le jeu

A la fin de la saison 1993, l’affaire VA-OM Ă©clate. Quatre jours avant la finale de la Ligue des Champions remportĂ©e contre le Milan AC, le club de Valenciennes rĂ©vĂšle qu’une somme d’argent a Ă©tĂ© promise par un dirigeant marseillais Ă  des joueurs nordistes pour qu’ils laissent filer le match et que les PhocĂ©ens arrivent en pleine forme pour la finale. Ce scandale de corruption a de graves consĂ©quences pour l’OM, qui se voit retirer son titre de champion acquis contre le PSG, est relĂ©guĂ© en deuxiĂšme division, et est exclu des compĂ©titions europĂ©ennes. 

Bernard Tapie, prĂ©sident de l'OM, discute avec Jean-Louis Borloo, membre du comitĂ© directeur de l'USVA, le 20 mai 1993, sur le terrain de Valenciennes, avant le coup d'envoi du match Valenciennes-Marseille. (JACQUES DEMARTHON / AFP)

Pendant les annĂ©es de disette marseillaise, le PSG en profite pour empocher la premiĂšre Coupe de la Ligue, une Coupe de France et se hisser en demi-finale de la Ligue des Champions. Les Parisiens remportent aussi la Coupe des Coupes en battant le Rapid Vienne en finale. La mĂȘme annĂ©e, en 1996, l’OM remonte en premiĂšre division. Depuis, l’intensitĂ© sur le terrain est beaucoup plus modĂ©rĂ©e, bien que des Ă©tincelles viennent parfois dĂ©clencher des altercations, comme en septembre 2020, oĂč cinq cartons rouges avaient Ă©tĂ© distribuĂ©s aprĂšs une bagarre collective en fin de rencontre. 

Mais en tribune l’ambiance reste Ă©lectrique. Depuis 2000, plusieurs dizaines d’interpellations sont rĂ©guliĂšrement effectuĂ©es lors des rencontres. Si les fans parisiens sont interdits de dĂ©placement dimanche, le prĂ©sident de l’OM, Pablo Longoria, a tout de mĂȘme lancĂ© un appel au calme aux supporters phocĂ©ens, pour Ă©viter tout dĂ©bordement, "pour que cet instant reste un instant de football". 



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