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Football Leaks : le point sur l'affaire de "fichage ethnique" qui touche le PSG

Déjà accusé d’avoir gonflé ses contrats de sponsoring avec l’aval de l’UEFA, le Paris Saint-Germain est depuis jeudi de nouveau au cœur des Football Leaks. Selon ces derniers, relayés par Mediapart et Envoyé Spécial, le PSG et ses recruteurs auraient mis en place un système de "fichage ethnique" concernant les jeunes talents supervisés par le club. Une pratique illégale en France et qui a déjà fait réagir politiques et associations. On vous résume tout.
Article rédigé par Mathieu Aellen
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 9min
Le PSG au coeur des Football Leaks (BENJAMIN CREMEL / BENJAMIN CREMEL)

• De quoi est accusé le PSG ?

Le Paris Saint-Germain s’est-il interdit de recruter de jeunes talents des quatre coins de la France en raison de leur origine ou de leur couleur de peau ? C’est ce qu’affirme le site d’information Mediapart et l’émission Envoyé Spécial. Selon ces nouvelles révélations issues des "Football Leaks" (fuite de millions de documents récupérés par le journal allemand Der Spiegel et analysés par plusieurs médias réunis au sein de l’European Investigative Collaborations (EIC) dont fait partie Mediapart), le PSG aurait, entre 2013 et le printemps 2018, fiché et recruté des jeunes joueurs selon leur origine ethnique.

Dans les fiches d’évaluation récupérées par Mediapart, le PSG demande ainsi à ses recruteurs de renseigner l’origine des joueurs repérés selon quatre catégories : "Français", "Maghrébin", "Afrique noire" et "Antillais". Une pratique illégale en France et punie par la loi d’une peine de cinq ans d'emprisonnement et 300 000 euros d'amende selon l'article 226-19 du code pénal.

"Il y a un problème sur l'orientation du club, il faut un équilibre sur la mixité"

Une politique de recrutement dont aurait fait les frais au moins un jeune. Mediapart met ainsi en avant le cas de Yann Gboho. Le joueur a 13 ans, joue au FC Rouen et impressionne Serge Fournier, recruteur du PSG pour la région normande. Ce dernier s’empresse alors de remplir une fiche d’évaluation, où sera précisé que le joueur est d’origine antillaise. Mais son profil ne plaisait pas à Marc Westerloppe. Selon le compte-rendu d’une réunion du 14 mars 2014 tiré des Football Leaks, le directeur de la cellule recrutement hors Île-de-France "tarde à se positionner" sur cet "excellent profil" et explique son choix par le fait qu’"il y a un problème sur l'orientation du club, il faut un équilibre sur la mixité, trop d'Antillais et d'Africains sur Paris."

Des déclarations qui ont provoqué un véritable malaise au sein même de l’institution PSG. "J’ai rencontré une équipe ébranlée, particulièrement touchée par ce qui pourrait apparaître comme étant la nouvelle philosophie de notre entreprise", écrit ainsi la secrétaire du comité d’entreprise à la directrice de ressources humaines du club, comme le raconte Mediapart dans son enquête. Un inceident qui remonte jusqu’aux oreilles de Jean-Claude Blanc. Ce dernier, N°2 du PSG, est informé lors d’une réunion le 16 juin 2014 que les propos de Westerloppe sont pénalement répréhensibles et justifient un licenciement pour faute grave. Westerloppe sera convoqué "à un entretien préalable" le 27 juin, où il affirme auprès de Jean-Claude Blanc que les accusations portées contre lui sont "fausses, malveillantes et stupides". Aucune sanction ne sera prononcée contre lui.

• Le PSG s’est-il expliqué ?

Oui, d’abord par l’intermédiaire de l’ancien député PS Malek Boutih, qui a expliqué travailler auprès de la fondation PSG depuis une quinzaine d’années autour des questions de racisme. Auprès de Mediapart, l’ancien président de SOS Racisme a confirmé que ce fichage avait bien été mis en place, mais sans que la direction ne soit au courant. "Jean-Claude Blanc n’était pas au courant de l’existence de ces formulaires."

Une ligne de défense suivie par le PSG qui, dans un communiqué publié jeudi après-midi, confirme que "des formulaires avec des contenus illégaux ont été utilisés entre 2013 et 2018 par la cellule de recrutement du centre de formation, dédiée aux territoires hors Île de France", tout en dénonçant une "initiative personnelle du responsable de ce département".

Le club parisien affirme également avoir lancé une enquête interne au début du mois d’octobre dernier, quand le PSG a été sollicité par les journalistes des Football Leaks, "pour comprendre comment de telles pratiques ont pu exister et décider des mesures qui s’imposent." Ce vendredi, le Paris Saint-Germain a fait savoir qu’elle partagerait les résultats de cette enquête la semaine prochaine "avec les instances et autorités de tutelle afin de faire toute la lumière sur le sujet."

• Les autres protagonistes ont-ils réagi ?

Jean-Claude Blanc a réagi à l’affaire dans un entretien publié ce vendredi matin dans le journal L’Equipe. Le directeur général délégué du PSG a suivi la ligne de défense de son club, expliquant que ce fichage ethnique était à l’initiative personnelle de Marc Westerloppe. "Le système a démarré à l'arrivée de Westerloppe. Et les recruteurs ont rajouté, à la demande de Westerloppe semble-t-il, ce critère qui est illégal et inadmissible."

Chargé par le Paris Saint-Germain, Marc Westerloppe n’a pas réagi officiellement à cette affaire. L’ancien directeur de la cellule recrutement, aujourd’hui en poste au Stade Rennais, s’est contenté de répondre aux journalistes de Mediapart que "cette affaire concernait le PSG."

Un argument aussi dégainé par Olivier Létang, aujourd’hui président du Stade Rennais et directeur sportif du PSG au moment des faits. Cité dans l’enquête de Mediapart, celui qui avait fait venir Marc Westerloppe au sein de la cellule recrutement du PSG a d’abord botté en touche, avant de s’exprimer dans un communiqué, s’estimant "choqué et blessé". "Dans le cadre de mes responsabilités au PSG, les objectifs fixés concernant le recrutement pour le centre de formation n’ont jamais varié : s’attacher les meilleurs jeunes joueurs dans le but de les faire évoluer à terme avec l’équipe professionnelle."

Quelles suites ?

Le gouvernement n’a pas tardé à réagir aux révélations de Mediapart. Jeudi après-midi, la ministre des Sports Roxana Maracineanu et la secrétaire d’Etat chargée de l’égalité entre les hommes et les femmes et de la lutte contre les discriminations Marlène Schiappa ont réagi au travers d’un communiqué commun. La ministre s’est dit "consternée" par ces révélations et a demandé à la Fédération française de football (FFF) ainsi qu’à la Ligue (LFP) "d’examiner ce dossier."

La FFF a ainsi annoncé ce vendredi matin saisir le Conseil National de l’Ethique. Ce dernier sera chargé d’examiner les pratiques présumées discriminatoires dans le recrutement du centre de formation du PSG et aura le pouvoir de saisir la commission de discipline de la Ligue pour évaluer les éventuelles suites disciplinaires à donner. De son côté, la LFP et sa présidente Nathalie Boy de la Tour ont condamné dans un communiqué publié jeudi "toutes formes de discrimination dans le football." "De telles pratiques sont inacceptables et contraires à la loi."

Nombreuses sont également les associations à avoir réagi et entamé des procédures judiciaires. Dès jeudi, la Licra (Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme) évoquait des faits "très graves". Dans un entretien accordé au Parisien, son président Mario Stasi a annoncé que l'association saisirait le parquet "pour que la justice enquête et qu’on puisse connaître les responsables."

La Ligue française des droits de l'Homme (LDH) a elle porté plainte contre X pour "discrimination ainsi que pour collecte et traitement de données à caractère personnel", a indiqué le président de l'association Malik Salemkour dans un courrier au procureur de la République de Paris consulté par l'AFP. "Au-delà de la violation flagrante des valeurs du sport, d’égalité et de respect, et des engagements affichés par le club de lutter contre le racisme et les discriminations, ces pratiques si elles sont confirmées tombent sous le coup de la loi", a réagi la LDH sur son site internet.

Le Conseil représentatif des associations noires de France (Cran) a lui fait savoir ce vendredi matin à Franceinfo qu'il "déposera une plainte contre le PSG qui a mis en place un système validant l’afrophobie et le racisme."

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