Football : comment Luis Enrique a redonné vie au PSG, champion de France et en lice pour un quadruplé inédit

Arrivé l'été dernier sur le banc d'un club en fin de cycle, l'entraîneur espagnol a tout changé et insufflé un élan quasi inattendu dans la capitale.
Article rédigé par Andréa La Perna
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 10min
Luis Enrique après la victoire de son PSG chez le FC Barcelone en quarts de finale retour de Ligue des champions, le 16 avril 2024. (FRANCK FIFE / AFP)

Sur les rotules, essoufflé et démotivé. C'est dans cet esprit qu'on avait quitté le Paris Saint-Germain il y a un an à peine. L'exaspération et la lassitude générées par l'impuissante élimination en Ligue des champions à Munich avaient accouché d'une fin de saison terminée en roue libre. Incapable de franchir les huitièmes de finale de la compétition pour la seconde année consécutive, le club de la capitale écartait Christophe Galtier au terme de sa première saison, faisant de lui le coach le plus éphémère de l'ère qatarienne, pour le remplacer par Luis Enrique.

Un grand ménage estival et onze mois plus tard, le même PSG est en lice pour un quadruplé inédit. Il vient de s'assurer du titre de champion de France, dimanche 28 avril, à trois journées de la fin de la saison, après son match nul contre Le Havre la veille et la victoire de l'OL contre Monaco dimanche soir.

Ce sacre précoce va lui permettre de se focaliser pleinement sur ses deux derniers objectifs de la saison. Les Rouge et Bleu doivent encore disputer la finale de la Coupe de France, contre Lyon fin mai, et attendent surtout avec impatience de se frotter au Borussia Dortmund en demi-finales de C1, mercredi. Au total, ils peuvent boucler la saison avec quatre trophées, le Trophée des champions étant déjà en poche depuis janvier.

"C'est une motivation de faire quelque chose qui n'a jamais été fait en France, marquer l'histoire du club, de la ville et si ça peut être pour le pays, tant mieux".

Luis Enrique, l'entraîneur du PSG

en conférence de presse avant Lorient-PSG

Ce scénario, les supporters parisiens le doivent en grande partie à Luis Enrique, auteur d'un véritable tour de force. Depuis son arrivée sur le banc en juillet, l'entraîneur espagnol a enclenché une nouvelle ère. On lui promettait l'Everest, et ce dernier a tout changé, du projet sportif à l'atmosphère autour de ce club habituellement tourmenté par une forme de pression irrationnelle. C'est comme si le PSG avait enfin appris de certaines de ses erreurs.

Un projet de jeu ambitieux et identifiable

Dès leur arrivée en 2011, les investisseurs qatariens avaient annoncé viser le sacre en Ligue des champions sous cinq ans. Depuis, l'attente était devenue trop pesante. Il fallait absolument dégonfler l'obsession pour la C1. Lors de ses premières sorties médiatiques, Luis Enrique a toujours refusé de fixer des ambitions concrètes. "Mon objectif, c’est que les supporters du Paris Saint-Germain soient fiers de leur équipe, qu'ils soient fiers de ce qu'ils voient sur le terrain, qu'ils apprécient le spectacle. Et ils l'apprécieront s'ils voient des efforts, du travail, une équipe qui attaque bien et qui défend bien, une équipe qui joue ensemble", avait-il annoncé lors de sa première interview sur le site du club.

Les départs de Lionel Messi et de Neymar, aussi déconnectés du public que talentueux, lui ont permis de déconstruire cette image collante d'équipe de solistes, tout en s'appuyant sur des têtes d'affiche françaises fraîchement recrutées d'Ousmane Dembélé à Randal Kolo Muani, en passant par Bradley Barcola. Le coach ibérique est revenu à des choses plus simples et a mis un point d'honneur à remettre le collectif au centre des débats. Le message a rapidement été transmis. La recrue Lucas Hernandez en faisait l'écho début septembre au micro de Canal+ : "Ce que veut le coach est clair : être une équipe, on attaque tous et on défend tous. Si tu joues contre une équipe et que tu as deux ou trois joueurs qui ne défendent pas, tu auras des problèmes".

"L’identité offensive, c’est non-négociable. Si on ne pense pas que l’on peut jouer de manière offensive, on ne vient pas, c’est ma philosophie."

Luis Enrique, l'entraîneur du PSG

lors de sa première conférence de presse

En peu de temps, Luis Enrique a mis le Parc des Princes dans sa poche. Sur le terrain, l'équipe a montré une identité marquée avec une volonté de maîtriser le ballon et de presser l'adversaire. Et, dans son discours, l'enfant de Gijon a toujours eu un mot pour les supporters. "C’est compliqué d’être patient avec de tels supporters. Ils ont été impressionnants ce soir et je les remercie. Nous les avons déçus, c’est dommage", s'est-il excusé dès son premier match, terminé sur le score de 0-0 contre Lorient. Deux semaines plus tard, il leur a "dédié" la première victoire de la saison, face à Lens.

Une communication réfléchie pour plus de sérénité

La communication de Luis Enrique est savamment pesée, bien que souvent conflictuelle avec les journalistes. Un choix assumé et un héritage de son temps sur le banc du Barça et de la sélection espagnole. Il a par exemple repris de volée un journaliste de Free Ligue 1 à cause de critiques formulées après la victoire 3-1 du PSG à Rennes : "Toi, tu ne vois que les choses négatives. Tu es corrosif. Tu es le plus négatif de l'histoire du football ! Un jour, on a gagné 4-1 et il m'a dit qu'on méritait de perdre. Tu ne comprends rien."

Décidé à jouer les paratonnerres, Luis Enrique est du genre à bondir sur tout ce qui peut ressembler à une attaque contre son groupe. Comme le PSG, dont les relations avec les médias sont crispées, l'Espagnol envisage le fourmillement médiatique comme un bruit parasite et préfère se livrer sur Twitch. Il n'a donné aucune interview à un média français, mais en a donné plusieurs au site psg.fr. Ces entretiens complaisants, où des salariés du club en interrogent un autre, permettent l'alimentation d'un récit médiatique entièrement contrôlé, plus attractif pour les supporters et boosté par la force de frappe du club sur les réseaux sociaux.

S'il ne s'est pas fait beaucoup d'amis dans la presse, l'entraîneur espagnol a réussi dans son entreprise. Il a enfin amené de la sérénité dans ce club qui paraissait traumatisé à vie. Délesté de l'obligation de gagner la Ligue des champions, le PSG s'est tiré du "groupe de la mort" et a surtout renversé le FC Barcelone en quarts de finale après avoir perdu le match aller à domicile. La performance n'avait jamais été réalisée par un club français mais Luis Enrique l'avait pronostiquée en conférence de presse d'avant-match. Une telle confiance est forcément contagieuse dans un vestiaire.

Fermé à double tour, ce même vestiaire suscite énormément de curiosité. Luis Enrique n'a cessé de répéter qu'il "n'y avait pas d'ego" dans son groupe. Malgré la moue de Kylian Mbappé à sa sortie lors d'OM-PSG ou de son tour de stade lunaire à Monaco, il n'y a jamais eu de fracture concrète entre les deux hommes. On a même pu les voir se prendre dans les bras à plusieurs reprises, à Barcelone notamment. La seule fois où Luis Enrique a osé émettre des réserves sur sa star remonte à la mi-novembre, après un triplé de Kylian Mbappé à Reims. 

Une gestion des temps de jeu intelligente

"Je ne suis pas très content de Kylian [Mbappé]. Je pense qu’il peut aider l’équipe davantage, d’une différente manière", avait déclaré l'Espagnol, très méticuleux, sur le plateau de Prime Video. Une fois que le départ du prodige de Bondy a fuité dans la presse, les questions sur son avenir se sont multipliées. Luis Enrique n'a jamais répondu. Il a d'abord fait mine de ne pas comprendre un journaliste la veille de Real Sociedad-PSG, puis il a décidé d'invoquer le collectif à chaque question un peu trop individuelle.

En plus de garder un Kylian Mbappé concerné (43 buts en 44 matchs) malgré quelques repos forcés, Luis Enrique a comme fait d'armes d'avoir réussi à mettre au point une équipe qui marche avec et sans son surdoué. Lors de sa dernière sortie, le PSG n'a mis que trente minutes pour tuer le match à Lyon en laissant une partie des titulaires sur le banc. Avec une seule défaite sur les 31 premières rencontres de la saison en Ligue 1, Paris a survolé le championnat et a profité de la faible concurrence qu'on lui a proposée pour entrer en mode gestion.

Luis Enrique et Kylian Mbappé en pleine conversation lors de PSG-Metz en Ligue 1, le 20 décembre 2023, au Parc des Princes. (FRANCK FIFE / AFP)

En début de saison, Luis Enrique alertait sur le fait qu'il comptait sur "20 titulaires". Au total, 21 de ses joueurs ont joué au moins 10 matchs, soit déjà deux de plus que sur l'exercice précédent, avec un mois et demi de compétition en moins. En répartissant le temps de jeu, il a impliqué une plus large partie de son effectif et limité le risque de blessures. Il est important de noter que le PSG n'a connu que très peu de blessures musculaires cette saison. Moqué pour ses allers-retours à l'infirmerie à Barcelone, Ousmane Dembélé n'a connu aucun pépin physique. Il était disponible pour les deux derniers matchs de Ligue 1 mais Luis Enrique a préféré limiter son temps de jeu en pensant aux grandes échéances à venir.

C'est avec un groupe au complet, à l'exception de Presnel Kimpembe et Sergio Rico, blessés de longue durée, qu'il aborde cette fin de saison excitante. Les conditions sont presque optimales alors que la patience et l'indulgence étaient de mise l'été dernier. Après tout, le club parisien voulait repartir de zéro. Il pourrait désormais basculer dans une forme d'irrationalité s'il atteint tous ses objectifs l'année où les premières briques de son nouvel édifice devaient être posées.

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