"On joue trop souvent", la fausse bonne excuse du foot français
Chaque année, les entraîneurs des clubs engagés en Coupe d'Europe se plaignent de trop jouer. Mais jouer tous les trois jours est-il au-dessus des forces des stars du ballon rond ?
FOOT - Il aura donc fallu attendre six journées de championnat pour entendre un
des refrains les plus fredonnés du foot français. A Bordeaux : "On ne peut pas jouer le jeudi et le dimanche." A Montpellier : "On a moins de récupération, c’est complètement illogique." Avec le retour de la Coupe d'Europe revient l'antienne du "on-joue-tous-les-trois-jours-c'est-trop-injuste-on-perd-des-points-en-route". Et si on démêlait le vrai du faux sur les cadences infernales des forçats du ballon rond ?
Il n'y a qu'en France qu'on se plaint d'enchaîner trois matchs par semaine
FAUX Contrairement à une idée reçue, il n'y a pas qu'en France qu'on se lamente des cadences infernales des footballeurs. Dès que les résultats ne suivent plus, les entraîneurs sont prompts à dégainer l'excuse du calendrier. A l'Udinese l'an passé, on qualifiait le calendrier d'"inhumain" quand à Arsenal on qualifiait le défi de "difficile" (lien en anglais).
Mais en France, c'est un sport national. "Jouer tous les trois jours à fond la caisse, ça me paraît bien difficile. L'organisme ne peut pas suivre", expliquait déjà Elie Baup du temps où il entraînait Bordeaux, en 1999, dans Libération. Elie Baup, devenu entraîneur de l'OM, engagé en Ligue Europa cette année, remet régulièrement sur le tapis l'idée de sacrifier les matchs du jeudi : "Nous verrons si on doit faire un choix entre la Ligue 1 et la Ligue Europa."
Jouer tous les trois jours est mauvais pour la santé des joueurs
VRAI Footballeur de haut niveau est un métier à risque. D'après une étude de l'université de Linköping, en Suède (en anglais), un forçat du ballon rond a mille fois plus de chances d'être victime d'un accident du travail qu'un ouvrier dans une industrie très dangereuse. "Des études ont montré que jouer tous les trois jours multiplie par six le risque de blessure", explique le préparateur physique du Losc sur le site de Nord Eclair.
Et pour cause : après un match de foot, l'organisme a besoin de quatre ou cinq jours pour pleinement récupérer. Grâce à des méthodes de préparation poussées, on peut faire passer ce délai à trois jours. Mais un footballeur a aussi besoin de s'entraîner pour maintenir une condition de forme optimale. Avec 72 heures de délai entre les rencontres, on n'a plus le temps d'effectuer des entraînements poussés. "Inévitablement, la condition physique des joueurs va se dégrader", conclut l'entraîneur hollandais Raymond Verheijen dans son livre Conditioning for Soccer (en anglais).
Qui joue le mercredi souffrira le week-end
EN PARTIE VRAI Raymond Verheijen s'est penché sur l'impact de la Coupe d'Europe sur les prestations des clubs engagés. La conclusion de son étude (en anglais) est sans appel : "N'avoir que deux jours de récupération n'entraîne pas forcément un mauvais résultat, mais un mauvais résultat peut souvent s'expliquer par le manque de récupération par rapport au match de Coupe d'Europe." Après avoir étudié 27 000 matchs, il affirme que jouer six matchs de championnat le dimanche fait perdre trois points au club concerné sur toute la saison. Ce qui n'aurait pas changé fondamentalement le classement de la Ligue 1… mais aurait empêché Bordeaux de se qualifier en Ligue Europa cette année.
Verheijen explique que perdre des points n'est pas une fatalité. Il faut juste faire comme dans le championnat portugais, où aucun match de championnat ne peut avoir lieu moins de quatre jours après ou avant une rencontre de Coupe d'Europe. Ce qui serait théoriquement possible vu que la Ligue 1 s'étend du vendredi au dimanche. Théoriquement…
Moralité : non aux cadences infernales ? Pas vraiment. L'année dernière, Lionel Messi et Cristiano Ronaldo ont joué près de 70 matchs chacun. Et la Fifa a décidé de réduire le nombre de jours entre les matchs internationaux de quatre à trois. L'exemple ne vient donc pas d'en haut.
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