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Nostalgie, maillots de légende et poteaux carrés : l'AS Saint-Etienne ouvre son musée

C'est une première en France, mais l'OM et le PSG vont suivre.

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7min
Les supporters des Verts au stade Geoffroy-Guichard lors du match opposant Saint-Etienne à Guingamp, le 18 août 2013. (  MAXPPP)

"Je pense que si un club devait avoir un musée en France, c'est bien l'AS Saint-Etienne." Pour Julien Pradel comme pour beaucoup d'autres supporters des Verts, l'ouverture du musée du club, premier du genre en France, vendredi 20 décembre, sonne comme une évidence. La preuve que l'AS Saint-Etienne occupe toujours une place à part dans le cœur des supporters... voire des Français. 

"Quand mon père va voir les poteaux carrés, il va pleurer"

"L'ASSE est l'un, sinon LE club le plus historique et le plus aimé en France. C'est un club aux valeurs assez simples et qui semble encore relativement sain dans le monde de football moderne", poursuit Julien Pradel, amoureux du club qui dirige le site web des Verts de Saint-Etienne, contacté par francetv info. "Quand je jouais, petit, il y avait toujours quelqu'un avec un bonnet ou une écharpe verte", renchérit Philippe, 27 ans, lui aussi passionné des Verts. Celui qui anime le site Poteaux-Carrés.com ajoute : "Pourtant, je n'ai aucune attache géographique avec Saint-Etienne, je viens du fin fond de la Côte d'Or. La passion m'a été transmise par mon père. Quand il va aller voir le musée, quand il va voir les poteaux carrés, il va avoir envie de pleurer, j'en suis sûr."

Achetés 20 000 euros à des businessmen écossais qui s'en servaient pour décorer leur pub, les fameux poteaux qui ont renvoyé les frappes de Dominique Bathenay et Jacques Santini lors de la finale de Coupe d'Europe perdue face au Bayern Munich en 1976 sont sur toutes les lèvres. Une pièce symbolique, mais historique aussi. "Ce sont les derniers poteaux carrés qui ont existé dans le foot international", rappelle Philippe Gastal, conservateur du musée, sur France Bleu Loire"Les poteaux carrés relèvent presque du domaine du religieux : c'est une relique", commente Paul Dietschy, historien du sport, contacté par francetv info. Les trois morceaux de bois constituent le clou de la collection du musée, qui rassemble aussi des chaussures, des billets de matchs de légende et 150 maillots. Dont les maillots floqués du logo de Manufrance, l'emblématique fabrique d'armes de la région, dont la fermeture, dans les années 1980, coïncide avec la chute des Verts en deuxième division.

L'équipe de Saint-Etienne, le 12 mai 1976, à la veille de la finale de la Coupe d'Europe contre le Bayern Munich.  (AFP)

L'amour des Verts se transmet de père en fils

La riche histoire de l'AS Saint-Etienne a poussé les dirigeants à s'interroger sur la création d'un musée dès les années 90. Encore aujourd'hui, le club qui n'a gagné qu'un trophée en trente ans  la Coupe de la Ligue en avril 2013  figure au 4e rang des clubs préférés des Français. "La popularité est montée d'un seul coup, alors que le sport français connaissait un marasme terrible, explique à francetv info Pascal Charroin, maître de conférences en département Staps à l'université Jean-Monnet de Saint-Etienne. 

"En 1969, le président de l'époque a l'idée de créer des sections de supporters dans tout le pays, poursuit l'historien, qui a participé au projet de musée. L'épopée européenne de 1976 arrive en pleine médiatisation, quand la première chaîne de l'époque décide de retransmettre des matchs. Ajoutez à ça la dramaturgie des retournements de situation qui ont fait la force des Verts, et d'un seul coup, pour les matchs de championnat à l'extérieur, il y avait plus de supporters pour l'ASSE que pour l'équipe locale. Ce sont eux qui ont transmis la passion des Verts à leurs enfants."

Le Barça, plus fort que Picasso et Gaudi

"Si on se base sur les demandes de billets pour la finale de la Coupe de la Ligue l'an dernier, il y a au moins 200 000 personnes qui sont supporters des Verts", remarque Philippe. Mais le public visé est clairement un public averti. Si vous ne savez pas que Saint-Etienne a renversé une défaite 4 à 1 à l'aller en 8e de finale, il y a de fortes chances que le ballon du match retour contre Split (Croatie), remporté 5-1 le 23 octobre 1974 par les Verts, vous laisse de marbre. "Les passionnés de sport ne sont généralement pas intéressés par les musées, mais les passionnés de musées ne sont généralement pas intéressés par le sport, pointe Paul Dietschy. Si on se contente d'exposer des trophées et des maillots, ça peut vite devenir un vide-grenier."  

Le ballon du match retour des 8e de finale de la Coupe d'Europe Saint-Etienne-Split, exposé dans le musée des Verts, à Saint-Etienne (Loire), le 3 juillet 2013.  (  MAXPPP)

Même si l'entrée coûte 20 euros, le musée du Barça constitue une référence absolue : avec 1,6 million de visiteurs en 2012, c'est l'un des lieux les plus visités de Catalogne, avec la Sagrada Familia et le musée Picasso. "Là-bas, les clubs sont des institutions. Pas comme en France", rappelle Paul Dietschy. Le musée de Saint-Etienne s'est fixé un objectif plus modeste, avec 50 000 visites par an. 

"J'ai peur que le musée soit un PSG store déguisé"

D'autres clubs historiques du foot français envisagent sérieusement de créer leurs propres musées. Le projet le plus avancé est celui de l'Olympique de Marseille, qui profite du lifting du Stade Vélodrome pour installer, en 2014, une galerie de 800 m² consacrée à l'histoire du club. "A Saint-Etienne, on avait peur que l'OM ouvre son musée avant nous, confie Pascal Charroin. Ce qui a fait la différence, c'est que les pouvoirs publics ont été plus réactifs."

L'exemple de Saint-Etienne fait aussi des envieux du côté du PSG. D'après L'Equipe, les dirigeants du club ont visité des locaux de 2 000 m², boulevard Haussmann, non loin des grands magasins parisiens. "J'ai peur que ce projet ne soit qu'un PSG store déguisé avec les chaussures de Zlatan et le ballon de Thiago Silva lors de l'éventuelle victoire en la Ligue des champions, dans quelques mois", regrette Michel Kollar, l'historien du club, contacté par francetv info. D'autant que les archives du club ont été dispersées : ce qu'il en reste est stocké dans une petite pièce où personne ne passe jamais. "J'ai trouvé dedans des pièces rares, comme la première licence de Raï. Au PSG, il n'y a plus personne qui ait la culture du club, qui soit capable d'exploiter ces pièces. De toute façon, ce qui intéresse les dirigeants, ce n'est pas le passé, c'est l'avenir."

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