Pourquoi un mercato franco-français ouvre-t-il ce lundi ?
► Un mercato pour équilibrer les comptes des clubs
L'ouverture inédite d'un marché des transferts franco-français ce lundi 8 juin répond en priorité à un besoin des clubs qui n'ont pas réalisé autant de plus-values sur la période comptable, allant du 1er juillet 2019 au 30 juin 2020, que ce qu'ils avaient espéré. Jean-Marc Mickeler, président de la DNCG, a récemment précisé aux Échos que les équipes françaises avaient budgété 840 millions de plus-value sur cette saison, et que seuls 630 millions de plus-value ont été réalisés à l'été 2019 et en janvier dernier. "Ce mercato franco-français va donc permettre aux clubs français de terminer l'exercice comptable avec des pertes qui seront moindres", souligne Luc Arrondel, directeur de recherche au CNRS et spécialiste de l'économie du sport.
Grâce à cette fenêtre de transferts, les clubs français vont pouvoir multiplier les transactions financières avant la clôture des comptes le 30 juin prochain et leur remise à la DNCG. Mais la question de la capacité d'investissement des clubs dans la période actuelle se pose forcément. "Je pense que le marché sera moins dynamique et déflationniste pour la première fois depuis longtemps", juge Christophe Lepetit, responsable d'études au CDES de Limoges. Pour Luc Arrondel, "ce qu'il peut se passer, c'est qu'il y ait un effet domino. Un moyen transfert peut entraîner d'autres mouvements" sur le marché.
Mais reste à savoir si les clubs seront réellement prêts à réinvestir l'argent qui va rentrer dans les caisses. "Même s'il y a une impulsion de départ, il y aura une volonté de certains clubs de ne pas réengager des revenus, avec une approche plus prudente avec une saison 2020-2021 qui s'annonce compliquée", souligne Christophe Lepetit avant de poursuivre : "On va sur des systèmes beaucoup plus différents, avec des prêts, des prêts avec option d'achat obligatoire ou non, peut-être des échanges de joueurs, des résiliations pour s'engager sans transaction financière". Un transfert à la Jeff Reine-Adélaïde - passé d'Angers à l'OL à l'été 2019 pour 25 millions d'euros - permettrait de créer un ruissellement, en cas de réinvestissement, entre clubs de Ligue 1, puis de Ligue 2 et National. Reste donc à savoir si les clubs seront prêts à mettre de l'argent sur la table, afin d'équilibrer leurs comptes d'ici au 30 juin.
► Certains clubs vont pouvoir mieux préparer la saison prochaine
À défaut de dépenser énormément lors de ce marché des transferts à l'échelle nationale, l'occasion est belle pour les clubs français de préparer au mieux leur effectif pour le début de la saison prochaine. Mais de ce point de vue-là, certaines équipes seront plus avantagées que d'autres. "Tous les joueurs et toutes les équipes ne sont pas autant intégrés au marché international. Ce marché franco-français va servir essentiellement les clubs peu intégrés à ce marché", explique Christophe Lepetit. Car les dates du marché international ne sont pas encore fixées, en raison de la poursuite de la Bundesliga et de la reprise prochaine de la Liga, de la Premier League et de la Serie A.
Pour les clubs qui ne négocient peu ou pas avec des clubs étrangers, ce mercato franco-français ne changera donc pas grand chose et permettra simplement de préparer au mieux le début de la saison 2020-2021 prévu pour le week-end du 22-23 août. Tous les clubs de Ligue 1 ont déjà prévu un retour à l'entraînement entre le 11 juin pour l'OL et le 1er juillet pour Angers. L'objectif est donc de pouvoir compter sur un effectif déjà bien consolidé lors de la préparation estivale. Et pour cela, les clubs de Ligue 2 habitués à négocier avec certains clubs de Ligue 1 profiteront de cette période pour débuter la saison prochaine dans les meilleures conditions. De même, les clubs intermédiaires de Ligue 1 peu intégrés au marché international s'activeront donc sur le marché français, comme en temps normal. Mais leur capacité d'investissement pourrait dépendre des dépenses des cadors du championnat.
► Les cadors devront encore patienter quelques semaines
Pour les clubs davantage intégrés au marché international, ce marché franco-français ne devrait pas changer grand chose. "Nos grands clubs français vont être desservis un peu à l'achat mais surtout à la vente", estime Christophe Lepetit. Comme l'a rappelé il y a un mois Bernard Caïazzo, président de Saint-Étienne, "nous sommes un pays vendeur, on doit se caler sur les pays acheteurs". Pour cela, il faudra attendre l'ouverture du marché international qui ne devrait pas se faire avant la fin des championnats étrangers, probablement à la fin du mois de juillet. Pour des clubs comme le LOSC et l'AS Monaco, qui ont l'habitude de vendre - principalement à l'étranger - avant d'acheter, les prochaines semaines pourraient être longues.
"Pour les grands clubs français, ça risque d'être compliqué parce qu'ils risquent de ne pas avoir d'effectif stabilisé d'ici au 22 août (le début de la saison prochaine, ndlr)", souligne Christophe Lepetit. Le PSG et l'OL ne pourront pas vendre tout de suite avec la Ligue des champions à jouer en août et ne pourront investir qu'en France. L'OL peut se rassurer après avoir annoncé la signature de Karl Toko-Ekambi, prêté jusque-là par Villarreal, et l'arrivée prochaine de Tino Kadewere, le buteur du Havre, dont le transfert avait été réglé en janvier dernier.
L'un des premiers gros transferts de ce marché franco-français pourrait être celui de M'Baye Niang du Stade Rennais à l'Olympique de Marseille. Et cette opération, si elle venait à se faire, résume bien la situation autour de ce mercato qui ouvre ce lundi. Selon des informations divulguées par le Canal Football Club dimanche soir, l'attaquant sénégalais devrait signer à l'OM pour 20 millions d'euros, notamment grâce à une potentielle injection dans le club de 30 à 40 millions d'euros par le propriétaire Frank McCourt. Si ces deux informations venaient à être confirmées, un cercle vertueux se créerait, le Stade Rennais réinvestissant la somme reçue dans d'autres clubs de Ligue 1, de Ligue 2 ou de National, qui pourraient ensuite rééquilibrer leurs comptes de la saison en cours. Ce mercato franco-français prendrait alors tout son sens.
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