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Chelsea-PSG : Petit Chelsea, tout petit Mourinho

José Mourinho avait mis le feu aux poudres par ses déclarations avant le tirage et avant 8e de finale retour de Ligue des Champions entre PSG et Chelsea. Fidèle à sa ligne de conduite, le Portugais a déplacé les débats sur le terrain de la communication. Il en a oublié la pelouse et le jeu. Comme (trop) souvent.
Article rédigé par franceinfo
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L’an dernier, José Mourinho tapait un sprint après le but de Demba Ba. Battu 3-1 à Paris, Chelsea se qualifiait finalement pour les demi-finales de la Ligue des Champions (2-0 au retour). L’entrée de l’attaquant sénégalais avait été un pari gagnant du Portugais. Il pouvait mettre en scène sa joie et prouver qu’à 51 ans, il savait encore courir vite. L’homme aux deux Ligue des Champions (Porto 2004 et Inter Milan 2010) avait gagné la partie contre Laurent Blanc.

Quand on lui demandait au moment du tirage au sort des 8e de finale qui il voudrait affronter, le "Special One" pouvait répondre avec le sourire, le PSG. Ce "serait une bonne chose", avait-il dit. Le technicien en avait remis une couche en conférence de presse mardi soir, parlant de l’agressivité des Parisiens. "J'ai été surpris de voir une équipe avec des joueurs fantastiques, qui a fait faute après faute, qui a stoppé Hazard avec des fautes à chaque fois. Même Zlatan taclait pour stopper les contre-attaques". Du pur Mourinho. Ou comment détourner le débat et l’emmener sur un terrain qu’il gère parfaitement : la communication. 

Paroles, paroles, paroles

En agissant de la sorte et en rappelant le traitement dont ont été victimes ses joueurs, Mourinho mettait la pression sur l’arbitre Björn Kuipers. Une pression qui a eu son effet puisque l’arbitre néerlandais n’a pas hésité à exclure directement Zlatan Ibrahimovic pour un tacle plus spectaculaire que violent à l’encontre d'Oscar (31e). Une pression qui reposait d’ailleurs sur des mensonges puisqu’au match aller, les deux équipes avaient commis le même nombre de fautes, 20.

Autre contre-vérité énoncée avant la rencontre, le manque de jeu proposé par le PSG. "C'est une vraie surprise parce qu'avec des joueurs de cette qualité, je m'attendais à plus de foot et moins d'agressivité." Là encore, c’est oublier le contenu du match aller puisque le PSG avait outrageusement dominé la seconde période au point d’égaliser par Edinson Cavani, quand Chelsea attendait sagement, recroquevillé en défense.

Cette élimination, la première avant les quarts de finale depuis 2009 - son Inter Milan avait été sorti par Manchester United -, Mourinho ne l’attendait pas. Il a fait étonnamment profil bas. "Ils ont mérité de gagner. Quand une équipe encaisse deux buts sur corner, qu'elle ne gère pas la pression à domicile avec un joueur de plus, elle ne mérite pas de gagner", a-t-il analysé. Avant de retrouver un peu de sa verve. "On n'a pas su gérer cela (la supériorité numérique, ndlr) et Paris a pu plutôt jouer facilement à dix avec deux lignes de quatre qui balançaient des longs ballons en attendant le bon moment". Pour le Portugais, Paris, après l’exclusion de son phare suédois, n’aurait plus rien proposé, laissant venir Chelsea. Encore une fois Mourinho fait fausse route. Le PSG a eu la possession (51%-49%) à 10 contre 11, a obtenu plus de corners (11 contre 7), a pratiquement tiré autant (12 contre 15) et a commis moins de fautes (17 contre 24). Surtout, les Parisiens se sont procuré l'action la plus chaude avant le but de Tim Cahill (81e) avec ce poteau de Cavani (58e).

“Toxic Chelsea”

Ce jeudi matin, la presse anglaise est tombée à boulets rouges sur l’entraîneur. "Chelsea a eu exactement ce qu'il méritait, c'est-à-dire rien", a lâché le Sun. Mourinho, auto-proclamé "Special One" à son arrivée à Londres en 2004 , est un maître pour transmettre à ses joueurs son envie et son agressivité. Pas à Porto, mais Chelsea, l’Inter Milan et le Real Madrid - lors des Clasico surtout - ont été des équipes qui se caractérisaient par cette capacité à casser le jeu adverse. Après Carvalho, Lucio, Samuel ou encore Pepe, il a trouvé en Diego Costa, le nouvel instrument de sa volonté. L’attaquant naturalisé espagnol a provoqué, poussé, taclé souvent à la limite de l’acceptable – son attentat sur Silva à la 72e minute aurait mérité un rouge –. Mais, contrairement à Zlatan, lui, a terminé le match, sans marquer alors qu’il est le meilleur buteur en Premier League (17 buts en 21 matches). Une mauvaise habitude pour l’ancien de l’Atletico qui dure depuis 8h28 en C1.

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Chelsea, qui peut être brillant en Premier League, est tombé dans les travers que Mourinho a lui-même établis. Rugueux, provocateurs, toujours prompts à mettre la pression – ils étaient 9 autour de l’arbitre pour faire expulser Ibra – ils se sont tellement appliqués à faire déjouer Paris qu’ils en ont oublié de jouer. Hazard a existé 45 minutes avant de disparaître. Les talents offensifs de Chelsea ont été incapables de mettre à mal une équipe réduite à 10. Sans la réussite de Chelsea – il en faut – ces deux rencontres auraient peut-être accouchées d’autres résultats. Le nul de l’aller ? Ivanovic marque sur la seule occasion de Chelsea et Courtois sauve la baraque en seconde période. Ce match retour ? La réalisation de Cahill arrive après un gros cafouillage et Hazard marque sur penalty. Les trois buts de Paris (1+2) ? Deux coups de pieds arrêtés, certes, mais qui arrivaient dans des temps forts parisiens et une action construite qui débouche sur un centre de Matuidi pour la tête de Cavani. Trois buts de la tête. Des têtes fortes qu’ils ont su garder froides au plus fort de la pression et malgré les coups du sort (le rouge, le poteau, l’agression de Costa, le penalty). Pendant ce temps-là, les hommes de Mourinho, eux, étaient trop occupés à se marquer mutuellement.


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Remise en question

Après l'élimination, José Mourinho avouait ne pas avoir d'explication. "Ce n'est pas le moment de le faire. Je veux être sur de ce que je dis", a-t-il précisé. Se posera-t-il pour autant les bonnes questions? Remettra-t-il en cause le jeu de son équipe? Se remettra-t-il en cause? Du temps du Real Madrid, Cristiano Ronaldo n'avait pas hésité à critiquer ouvertement ses choix tactiques. En Espagne, l'histoire s'était mal terminée. A Chelsea, où il est revenu en héros, quelqu'un osera-t-il? Sûr de lui, arrogant, José Mourinho n'est pas un maître dans l'art de l'auto-critique. Pourtant, le suspect numéro 1 dans cette débâcle, c'est lui. Et il le sait. Dans les tribunes de Stamford Bridge, un homme n'a pas du apprécier le spectacle. Roman Abramovich, le propriétaire russe qui a rappelé le Portugais, a accédé à ses requêtes (un attaquant de classe mondiale, un milieu de terrain créatif), voudra des explications. Une analyse à froid de "ce qui a mal tourné" est attendue. Car la saison n'est pas terminée. Car Chelsea a encore la Premier League à aller gagner. Avec le championnat "en plus de la Coupe de la Ligue, la saison sera quand même fantastique", a assuré Mourinho. Mais mercredi soir, le Portugais a surtout beaucoup perdu.

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