Stade Rennais : L'étrange libération d'un ex-maudit
Quand François Pinault prend les rênes du Stade Rennais en 1998, le club breton sort d’une saison exténuante, avec un maintien obtenu in extremis sur une tête de Kaba Diawara face à Toulouse. Déjà sponsor du club depuis 1993, le milliardaire, propriétaire du groupe Pinault-Printemps-Redoute-Fnac, accède à la demande de la municipalité. Prêt à investir massivement, il veut “rendre à la Bretagne ce qu’elle [lui] a donné”. Avec l’ère Pinault naissent des ambitions nouvelles sur une scène française accaparée par d’autres. Le stade de la Route de Lorient se refait rapidement une beauté et La Piverdière sort de terre.
L'apprentissage de l'échec
Mais c’est seulement 22 ans après que le club breton valide sa première qualification en Ligue des Champions, et d’une drôle de manière. Interrompue par la pandémie de Covid-19, la saison 2019/20 de Ligue 1 est figée à la 28e journée par la LFP. Rennes n’aura pas à défendre sa 3e place. Pas de liesse populaire pour fêter l’événement, mais c’est tout de même une consécration. “Vous connaissez la blague. Qu’est-ce qui monte et qui descend et qui est rouge et noir, c’est le Stade Rennais. Cette phase-là est terminée”, prophétisait François Pinault père à RTL, il y a quasiment un an jour pour jour.
Quelques semaines après, son Stade Rennais mettait fin à une disette de 48 ans en battant le réputé invincible PSG en finale de Coupe de France. Le 27 avril 2019, le club breton a contredit sa réputation de 'loser' patenté. Le déclic sévillan en Ligue Europa n’y est pas étranger non plus. La ferveur qui a enveloppé le club dans sa double confrontation contre le Betis (1-3, 3-3) a permis aux Rennais de se reprendre à rêver.
Le traumatisme Fauvergue
Il faut dire que les supporters bretons avaient pris l’habitude de refréner leurs espoirs. La dernière fois que les Rouge et Noir ont touché du doigt une qualification en C1, ils s’en sont difficilement remis. N’importe quel supporter rennais pourra vous dire où il était lorsqu’il a assisté au coup de tête assassin de Nicolas Fauvergue lors de l’ultime journée de Ligue 1 2006/07. La 4e place décrochée par Rennes cette saison-là a laissé un goût aigre et est restée jusqu’à cette année la dernière lutte du club pour un podium.
Des années suivant cet échec cuisant, le grand public retiendra trois finales de coupe perdues consécutivement face à Guingamp (2009 et 2014) et face à Saint-Etienne (2013). Comme si le Stade Rennais était condamné à voir chaque lueur s’éteindre. Maudit. En championnat, il navigue entre la 6e et la 13e places, alternant le correct et le médiocre. Pierre Dréossi, qui a assuré le poste de manager général pendant 11 ans, en vient à qualifier le club de "surcoté". "Ce club ne peut pas aller plus haut. Monsieur Pinault ne met que moyennement d'argent dans le club. Il y a un manque de sentiment football dans la ville, dans la région. Je l’ai vu à Lille, pas à Rennes", déclare-t-il sans détour en 2016 dans l’émission Le Vestiaire.
Etrange timing
Ironie du sort, Rennes disputera la C1 en 2020-2021, privant le LOSC pour un petit point, le même LOSC qui avait fermé la porte à ses espoirs européens en 2007. Alors, qu’est-ce qui a fait que cette saison fut la bonne pour les Rouge et Noir ? Difficile de le dire. Après avoir mis presque 20 ans à digérer ses folies brésiliennes sur le marché des transferts, la famille Pinault a réinjecté 50 millions d’euros à l’été 2019. Aucun des nouveaux venus n’a été particulièrement flamboyant. Raphinha a mis du temps à se mettre en route, Flavien Tait a été décevant et Jonas Martin n’a pas joué le moindre match depuis septembre. Surtout, la saison 2019/20 ne sera pas la plus mémorable pour les supporters, d’un point de vue sportif. L’enchaînement septembre-octobre a été particulièrement poussif, à cause d’une série de 7 matches sans victoire. Un limogeage de Julien Stéphan a même été évoqué. Celui d'Olivier Létang a quelque peu surpris.
La seule vraie étincelle de la saison aura été le succès arraché dans le temps additionnel contre le rival nantais au Roazhon Park (3-2), début février. Menés 2-1 à après trois minutes de temps additionnel, les Rennais avaient finalement décroché les trois points grâce à Benjamin Bourigeaud (90+5’) et Raphinha (90+6’). Ce match fondateur aura permis de faire la différence au moment où la saison a été arrêtée. La liesse de cette soirée-là restera, au contraire de celle du 30 avril 2020, une journée bizarre pour le peuple rennais. Il s'en contentera volontiers.
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