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Real Madrid-PSG : mais pourquoi tant de haine contre Laurent Blanc ?

L'entraîneur du PSG, invaincu cette saison, est la cible de critiques récurrentes malgré des résultats exceptionnels. Vous avez dit "injuste" ?

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
L'entraîneur du PSG, Laurent Blanc, lors de la finale de la Coupe de la Ligue PSG-Lyon, le 19 avril 2014 au Stade de France, à Saint-Denis.  (JEAN CATUFFE / GETTY IMAGES EUROPE)

Laurent Blanc a réalisé le triplé l'année dernière, a ramené 8 trophées dans la vitrine du club parisien en trois saisons, a battu le Barça et Chelsea, compte 10 points d'avance en tête du championnat... mais peine à convaincre. D'après L'Equipe, les dirigeants parisiens hésitent à lui proposer une prolongation de son contrat, qui expire en juin. Et une frange des supporters parisiens, active sur les réseaux sociaux autour du hashtag #blancdémission, lui est franchement hostile.

Alors que le PSG affronte mardi 3 novembre le Real Madrid en poule de Ligue des champions, francetv info a passé au crible les arguments des détracteurs de Laurent Blanc.

"Le PSG aurait aussi fait le triplé avec ma grand-mère sur le banc"

D'où ça vient. L'an passé, les joueurs de Laurent Blanc ont réussi un incroyable triplé championnat-Coupe de France-Coupe de la Ligue. Mais les dirigeants parisiens n'ont d'yeux que pour la scène européenne, où le PSG bute en quarts de finale depuis trois ans. Malheureusement pour Blanc, le poste d'entraîneur du PSG s'accompagne d'une exigence terrible, surtout dans les périodes fastes, comme quand Canal+ possédait le club dans les années 1990 : "L'entraîneur portugais Artur Jorge s'était fait laminer par la critique alors qu'il avait enchaîné 27 matchs sans défaite pendant la saison 1993-1994, raconte l'historien du club Michel Kollar. On disait que son PSG n'était pas souriant…"

Pourquoi c'est injuste. Les grandes équipes qu'a connues le championnat de France par le passé – l'OM de Tapie, l'OL qui a enchaîné sept titres au début des années 2000 – ne sont jamais parvenues à rafler tous les trophées nationaux. Au niveau des statistiques, c'est imparable : Laurent Blanc affiche le ratio incroyable de trois titres en cinq saisons sur un banc de L1 et 69% de victoires en championnat avec le club de la capitale. "On ne peut pas être jugé que sur la Ligue des champions, s'est défendu Laurent Blanc en septembre dernier dans Le ParisienJe trouve ça injuste, car on a l'impression que les autres compétitions ne sont pas intéressantes ou trop faciles à gagner."  

"Il n'a aucune autorité sur ses stars, comme Ibra"

D'où ça vient. Laurent Blanc souffre de son image d'entraîneur par défaut, arrivé au PSG parce que Mourinho, Guardiola, Conte et une demi-douzaine d'autres entraîneurs prestigieux ont snobé Paris. Son aura de champion du monde 1998 ne marche qu'avec les joueurs français, comme Mamadou Sakho, qui confiait dans le livre La face cachée du président"Quand il parle, je le revois en train de soulever la Coupe du monde. Cela inspire tout de suite le respect." Sa relation est plus compliquée avec les ego surdimensionnés du vestiaire parisien. Au premier rang desquels Zlatan Ibrahimovic, qui a déclaré à beIN Sports : "Il ne peut y avoir qu’un seul boss dans l’équipe et il est assis devant vous." De fait, Laurent Blanc ne met jamais sur le banc son attaquant suédois, qui a fêté ses 34 ans début octobre, même moins fringant, même moins efficace. Aveu de faiblesse ?

L'entraîneur du PSG Laurent Blanc (à droite) donne des consignes à son attaquant Zlatan Ibrahimovic, lors d'un match à Lille (Nord), le 10 mai 2014, au stade Pierre-Mauroy.  (JEAN CATUFFE / GETTY IMAGES EUROPE)

Pourquoi c'est injuste. Carlo Ancelotti, le prédécesseur de Laurent Blanc, n'osait pas non plus reléguer son attaquant vedette en tribune. Et avec un Ibra qui marche sur le terrain, Paris continue de gagner en s'épargnant une crise diplomatique. "Laurent Blanc est quelqu'un qui gère plutôt bien ses groupes", souligne Florent Toniutti, qui décrypte la tactique dans la "Data Room" de Canal+. Tout l'inverse d'un José Mourinho, qui entretient un rapport conflictuel avec ses propres joueurs. A Chelsea, il n'a pas hésité à enfoncer publiquement son joueur vedette Eden Hazard. Deux ans plus tôt, il avait commis l'erreur de se fâcher avec Cristiano Ronaldo, intouchable au Real Madrid. Laurent Blanc, lui, manie la diplomatie pour durer. "Pour trouver un entraîneur qui reste plus de trois ans sur le banc du PSG, il faut remonter à Georges Peyroche, entre 1979 et 1983", souligne Michel Kollar. 

"Avec toutes les stars dont il dispose, c'est anormal de ne pas gagner tous les matchs 5-0"

D'où ça vient. Aux origines du projet parisien, il y a la volonté du président Nasser Al-Khelaïfi de remporter la Ligue des champions en pratiquant un jeu séduisant, et ce dans les cinq ans. L'échéance approche dangereusement, mais le PSG semble toujours moins bien armé que le Barça, le Real ou le Bayern sur le papier.

Pourquoi c'est injuste. C'est précisément pour cette raison que Carlo Ancelotti a claqué la porte : "J'étais venu à Paris pour réaliser un grand projet, mais je compris tout à coup que chaque match était devenu un motif de tension. On voulait tout, tout de suite. Mais ce n'est pas possible", écrit l'entraîneur italien dans son livre Mes secrets d'entraîneur.

Chaque année, le club se doit d'ajouter une nouvelle star bling-bling pour briller sur le marché des transferts, peu importe l'intérêt sportif. A l'été 2013, le club achète Edinson Cavani 64 millions d'euros pour le faire jouer non pas à son poste d'avant-centre, mais comme ailier droit. Rebelote l'année suivante avec l'arrivée de David Luiz, surpayé 50 millions d'euros dans un secteur où le PSG n'a pas besoin de se renforcer. Et cette saison, Angel Di Maria a débarqué dans la capitale moyennant 60 millions d'euros, pour le faire jouer ailier gauche… poste qu'il découvre. 

Peut-on bâtir une équipe taillée pour l'Europe à partir de rien, en cinq ans ? Dans le passé, le Milan AC y est parvenu. Mais au prix d'un choix très clair, rappelle l'entraîneur Arrigo Sacchi, cité par le blog spécialisé Faute tactique : "Le projet technique a pu prendre plus de place que les intérêts qu’imposent le merchandising et le marketing. On a fait comprendre qu’il fallait prendre les joueurs les plus fonctionnels pour le jeu que nous voulions réaliser. "

"Le PSG ne progresse plus"

D'où ça vient. Le PSG de Laurent Blanc a d'abord proposé un jeu époustouflant lors de sa première saison, avant de se déliter et de devenir assez ennuyeux au fil des années, sauf lors de rares soirées européennes. "A la décharge de Laurent Blanc, il a bâti une équipe articulée autour de la paire Verratti-Motta au milieu et Ibrahimovic en attaque, des joueurs qui ne jouent pas à un rythme très élevé, concède Florent Toniutti. Mais l'effet de surprise a disparu. L'équipe B du Real Madrid a réussi à neutraliser les hommes forts du PSG au match aller (0-0) et à les obliger à jouer vite, ce qu'ils détestent.

Pourquoi c'est justifié (eh oui !). Sur le banc, Laurent Blanc n'a pas trouvé de plan B et fait jouer toujours le même onze, une habitude qu'il traîne depuis son passage à Bordeaux au début de sa carrière. "La marge de progression de l'équipe est mince, vu qu'il n'y a pas beaucoup de concurrence aux postes clés, poursuit Florent Toniutti. On attend plus d'un joueur comme Di Maria, qui marque des buts mais ne s'est pas encore intégré dans le collectif. Et il y a toujours Javier Pastore condamné au banc…" Réclamé par le Parc quand le PSG patauge, le fluet meneur argentin n'est pas parvenu à s'imposer comme un titulaire indiscutable, en trois ans. 

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