Pape Diouf, mort à 68 ans du Covid-19, à jamais Marseillais
Pape Diouf n’est pas né sur le Vieux-Port. Il n’y a pas non plus grandi. Ce qui explique qu’il n’ait jamais eu l’accent marseillais. Mais, arrivé dans la cité phocéenne à ses 18 ans, il s’y est construit, avant de reconstruire le club, son club : l’OM. Ses premiers pas sur le sol phocéen, c’était il y a cinquante ans. Entre temps, le Franco-sénégalais a vécu plusieurs vies pleines de succès sur le Canebière, et est devenu une véritable légende phocéenne.
De l’armée à Sciences Po
Né au Tchad en 1951, le jeune Pape Diouf a vécu une enfance entre Mauritanie et Sénégal, avant de poser ses valises à Marseille en 1977. Ancien soldat, son père voulait voir son fils lui emboîter le pas, et se lancer dans une carrière militaire. Mais c’était sans compter sur le caractère déjà affirmé de Pape Diouf - que le foot français découvrira quelques années plus tard -. En France, le jeune Pape intègre Sciences Po à Aix-en-Provence, avant de se lancer dans le journalisme à La Marseillaise, où il suit l’Olympique de Marseille au quotidien. Première approche entre Diouf et l’OM de sa vie.
Après douze années à suivre le club, Pape Diouf tente l’aventure au journal Le Sport. Un pari qui s’avère raté. Après cet échec et quelques organisations de jubilés en Afrique, il se reconverti en agent de joueurs. De plus en plus influent, le Franco-Sénégalais à la gouaille légendaire représente alors de nombreux joueurs de l’OM (Basile Boli, Josep-Antoine Bell, Marcel Desailly, William Gallas, Didier Drogba, Samir Nasri…). Peu à peu, il prend aussi sous son aile des joueurs d’autres écuries françaises, comme Grégory Coupet, Sylvain Armand ou Laurent Robert.
Diouf, le bâtisseur
A force de tourner autour du club, d’abord en tant que journaliste, puis en tant qu’agent, ce qui devait arriver arriva. En 2004, Pape Diouf intègre l’organigramme de l’Olympique de Marseille, en tant que président du directoire. Quelques mois plus tard, il conclut définitivement son approche et devient président de l’OM, dès 2005, avec la bénédiction du propriétaire d’alors, Robert Louis-Dreyfus.
De 2005 et 2009, Pape Diouf s’attèle à la reconstruction d’un OM remarquablement instable depuis la fin de l’ère Tapie. S’il récupère une équipe finaliste de la dernière Ligue Europa à son arrivée, il s’agit bien d’un OM en chantier. Et Diouf va se révéler être un excellent bâtisseur. Sous son mandat, Marseille ne cesse de progresser en Ligue 1, et s’installe durablement sur le podium. Cette stabilité permet au club de participer régulièrement à la Ligue des champions. En parallèle, sous la présidence Diouf, l’OM se hisse deux fois en finale de coupe de France, perdues contre Sochaux et le PSG.
Au-delà du sportif, Pape Diouf redonne aussi des couleurs à l’OM dans le paysage footballistique français. Avec son caractère bien trempé et sa gouaille bien marseillaise, il n’hésite pas à s’opposer frontalement à Jean-Michel Aulas. Le 5 mars 2006, le président marseillais envoie même l’équipe réserve de l’OM disputer le classique au Parc des princes contre le PSG, n’en déplaise à la LFP et Canal+, fous de rages. Outre le résultat héroïque des minots (0-0), cet épisode témoigne aussi de la proximité entre Pape Diouf et les tribunes marseillaises. Pour beaucoup, il reste d’ailleurs le dernier grand président du club. Et ce, malgré l’absence de trophées sous son mandat.
Dans l’ombre du titre de 2010
En conflit avec Vincent Labrune, Pape Diouf est écarté le 17 juin 2009, avant d’être remplacé par Jean-Claude Dassier. Après quatre années à reconstruire le club, Diouf ne récoltera donc pas les fruits qu’il a semés. L’année de son départ, l’OM de Didier Deschamps réalise le doublé championnat - Coupe de la Ligue, les premiers titres pour Marseille depuis dix-sept ans. Le président de ce doublé, c’est Dassier, mais aux yeux des supporters marseillais, cette renaissance porte bien la patte Diouf. En quatre ans au club, le Franco-sénégalais aura posé les bases du retour de l’OM au premier plan, un retour devenu effectif alors que lui venait de s’éclipser. Cruel.
Voir sur Twitter
Depuis son éviction du club, Pape Diouf avait pris du recul sur le monde du foot. Entre deux conférences, il se retirait dans sa villa marseillaise, et quittait rarement Marseille : une ville qui l’aimait tant, qu’il aimait tant. A tel point qu’en 2014, il s’était présenté à la mairie sur une liste de la société civile, récoltant plus de 5% des voix. Deux ans plus tard, il était mis en examen dans l'affaire des transferts douteux de l’OM, avant d’être reconnu comme témoin assisté en 2018. Suite à ses ennuis judiciaires, Pape Diouf avait rejoint une partie de sa famille à Dakar.
C’est dans son autre chez lui, au Sénégal, que l’ancien président de l’OM a été infecté par le coronavirus. Hospitalisé depuis samedi, il est décédé le 31 mars, lors de son rapatriement vers la France. Adulé des supporters, proches des joueurs et jamais avare d’un bon mot sur son OM, Pape Diouf quitte Marseille cinquante ans après y être arrivé, et laisse un vide aussi grand que l’a été son passage à la tête de l’OM. Il n’est pas celui qui a apporté l’étoile au-dessus de l’écusson, mais celui qui lui a permis de redorer ce blason. Là-haut, il rejoint une autre étoile marseillaise disparue il y a peu, Michel Hidalgo. Marseille vient de perdre deux héros.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.