Match Ajaccio-OM : ce que l'on sait de l'agression de Kenzo, 8 ans, et de ses parents en marge de la rencontre de Ligue 1
"Cruauté", "folie absolue", "scandaleuse agression"... Depuis dimanche, les réactions se multiplient pour dénoncer l'agression dont a été victime Kenzo, 8 ans, en marge du match de la dernière journée de Ligue 1 entre Ajaccio et l'Olympique de Marseille, samedi 3 juin. Invité au stade François-Coty, en Corse, pour voir jouer son club de cœur, ce jeune supporter marseillais atteint d'un cancer du cerveau ainsi que ses parents ont été pris à partie "par des individus qui se sont introduits dans leur loge", a déclaré le club corse dans un communiqué.
Le président de la République Emmanuel Macron a réclamé lundi des sanctions "claires" et "fortes" contre les responsables. "Pour l'instant, il n'y a pas eu d'interpellation", a pour sa part ajouté le procureur d'Ajaccio, Nicolas Septe, lundi soir. Franceinfo vous résume ce que l'on sait de cette agression.
Un enfant malade invité pour réaliser son rêve
Kenzo et sa famille vivent près de Cassis (Bouches-du-Rhône). Supporter de l'OM, l'enfant avait fait part de son rêve de rencontrer les joueurs olympiens lors de la visite, au stade François-Coty, de l'association Des coccinelles rouges pour Thomas, dont Kenzo fait partie et qui vise à améliorer les conditions d'hospitalisation des enfants atteints de cancer. "On est venus ici en vacances avec l'association et plusieurs enfants en avril. Les Corses avaient été formidables et nous avaient reçus comme des rois. Il ne voulait plus repartir. Ça lui tenait à cœur de revenir et supporter l'OM", raconte au Parisien (article pour abonnés) Sabine Matina, la présidente de l’association.
Un vœu exaucé grâce à la présidente d'Air Corsica, Marie-Hélène Casanova-Servas, et la présidente du Rotary Parata, Sandra Peraldi, rapporte Corse Matin. "Je suis demeurée en contact avec ce petit garçon. Sa vie, c'est l'OM. Alors lorsqu'il m'a demandé de l'aider à voir le match à Ajaccio, j'ai fait ce qu'il fallait", retrace la présidente du Rotary auprès du quotidien.
Kenzo agressé à cause de son maillot
Vêtu aux couleurs de l'OM, Kenzo enfile, à son arrivée au stade, d'autres habits prêtés par la présidente du Rotary "pour qu'il puisse entrer tranquillement dans le stade avec toute la tension de ces derniers jours", justifie la présidente dans Corse-Matin. A la veille du match, des incidents entre supporters avaient eu lieu.
L'enfant et ses parents prennent place dans la loge appartenant à la compagnie aérienne, qui surplombe la tribune. Une fois installé, Kenzo remet son maillot du club phocéen et assiste à l'entrée des joueurs sur la pelouse. Au même moment, des supporters d'Ajaccio l'aperçoivent "et tout a dérapé", assure sa mère dans Corse-Matin. "Ils ont crié : 'Le fils de pute, il a le maillot de l'OM, il faut qu'on le nique, précise Amandine au micro de France Bleu Provence. Je leur ai dit : 'C'est de mon fils que vous parlez comme ça ? Vous rigolez, c'est un enfant de 8 ans, il a un cancer !'".
Toujours selon la mère de Kenzo, les individus s'introduisent alors dans la loge. "Ils m'ont marché dessus, ils sont passés, ils étaient quinze alors, je ne pouvais rien faire. Ils sont montés (...), ils ont mis deux coups de poing dans le visage de mon mari, poursuit-elle sur France Bleu Provence. Ils ont poussé mon fils donc il est tombé et il a tapé tout le visage sur la barre en fer du siège." Selon son témoignage, ces supporters arrachent les maillots puis les brûlent, en lâchant : "Voilà, on vous a brûlés, fils de pute." "On l'a retrouvé sanglotant, tremblant, j'ai vraiment eu très très peur pour lui", ajoute Laurent, le père de Kenzo, également au micro de France Bleu Provence. "Il a perdu confiance, il a très peur, ça l'a vraiment traumatisé", ajoute-t-il.
L'AC Ajaccio condamne, les supporters corses démentent la version des parents
Le club corse a réagi et vivement dénoncé les événements dans un communiqué : "Le rêve s'est rapidement transformé en cauchemar lorsque Kenzo et ses parents, venus aux couleurs de l'Olympique de Marseille, ont été honteusement violentés par des individus qui se sont introduits dans leur loge." Le président de l'AC Ajaccio, Alain Orsoni, a également condamné "avec la plus grande fermeté", sur franceinfo dimanche, la "folie absolue" des agresseurs. "Je présente au nom du club toutes mes excuses au papa et à la maman et au petit garçon", a-t-il poursuivi, rappelant que Kenzo et ses parents ont pu, après la rencontre, "s'approcher des vestiaires" pour voir les joueurs de près.
Dans Corse-Matin, le président du groupe de supporters l'Orsi Ribelli a, lui, contesté des détails du récit des parents, tout en en confirmant d'autres. "C'est le père qui portait le maillot de l'OM et qui narguait les supporters en dessous. Alors effectivement, quelques personnes assises en tribune Faedda sont montées, ont porté deux coups de poing au père pour lui faire enlever le maillot avant de redescendre avec la tenue. Cent personnes en tribune sont capables de témoigner en ce sens. Le groupe des Orsi Ribelli compte bien clarifier la situation", a déclaré Lisandru Leca.
Des réactions indignées dans le monde du sport et la classe politique
Depuis dimanche, des voix du monde du sport et de la classe politique s'élèvent. Emmanuel Macron a réclamé lundi les "sanctions les plus claires" et "fortes" contre les agresseurs de Kenzo. "Cela montre une espèce de dérive et on a raison de ne pas s'y habituer", a déclaré le président de la République devant la presse lors d'un déplacement au Mont-Saint-Michel (Manche), promettant de "continuer d'être au côté de la famille aussi pour qu'il puisse se relever de ce traumatisme".
Jean-Michel Aulas, président d'honneur de l'Olympique lyonnais, s'est dit "horrifié", lundi sur franceinfo, déplorant un "effet de cruauté qui se génère au travers de ces matchs. Il faut que ces gens-là prennent conscience qu'en faisant du mal comme cela à un enfant malade, on attire l'attention sur tout le football de manière abjecte." Le maire de Marseille, Benoît Payan, a également commenté l'affaire sur Twitter : "Pas de mot pour décrire cette scandaleuse agression. Force à toi Kenzo ainsi qu'à ta famille."
Le maire d'Ajaccio, Stéphane Sbraggia, a lui aussi exprimé sur Twitter son indignation face cette "agression gratuite et scandaleuse". La ministre des Sports s'est, elle, entretenue au téléphone lundi matin avec la famille de Kenzo, a appris franceinfo. Amélia Oudéa-Castéra avait déjà réagi au micro de BFMTV : "Je pense extrêmement fort à lui, à sa maman Amandine, à son papa, qui ont été victimes de ces violences absolument intolérables (...) Ces événements sont inadmissibles. La réaction du club d'Ajaccio a été bonne pour dénoncer l'horreur de ce geste : ce petit garçon qui perd la vue et qui voulait voir un beau spectacle. Tout ça, il faut le reléguer très loin de nous, et très loin du sport."
Une enquête ouverte par la justice
Après l'ouverture d'une enquête pour "violences aggravées et vol aggravé" à la suite de l'agression par des supporters marseillais d'un journaliste de France 3 Corse Via Stella, le procureur de la République d'Ajaccio, Nicolas Septe, a ouvert dimanche une autre enquête pour violences en réunion pour l'agression de Kenzo et de sa famille. "On a demandé que tous les moyens soient mis en œuvre pour identifier les auteurs de ces faits inqualifiables dans les plus brefs délais", a-t-il expliqué à l'AFP. Interrogé sur franceinfo lundi soir, il a précisé que pour l'heure, "il n'y a pas eu d'interpellation". Il a également affirmé attendre "un dépôt de plainte" de la part du club corse, une démarche "annoncée dans la presse".
L'enquête va pouvoir s'appuyer sur la collaboration du club corse. "Nous avons des images, nous allons les remettre à la police, porter plainte en bonne et due forme. Nous prendrons des sanctions à notre niveau", a précisé Alain Orsoni, le président du club corse, qui a ajouté que les "hooligans qui se sont livrés à cette agression ser[aie]nt interdits de stade à vie".
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