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Ligue 1 - Ligue 2 : Comment les barrages ont cédé

Rétablis il y a trois ans, les barrages n’auront pas résisté au Covid-19 cette saison. De quoi légitimement s’interroger sur leur avenir.
Article rédigé par Manu Roux
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 6min
 

"Boulogne va jouer les barrages !" Reinold Delattre n’en démord pas. Après l’annulation par la FFF du passage de la Ligue 2 à 22 clubs la saison prochaine, pourtant souhaité lors de l’AG de la LFP, le président boulonnais a très vite réaffirmé dans les médias sa détermination à faire organiser coûte que coûte cette double confrontation, que son club (3e de National au moment de l’arrêt) devrait en principe disputer face à Niort, 18e de Ligue 2.

Mais le combat dans lequel s’est engagé l’US Boulogne Côte d’Opale (USBCO) rappelle déjà à certains égards celui vainement mené par Luzenac il y a quelques années pour accéder à la L2. Un club seul ne peut pas grand chose contre les institutions FFF et LFP. En s’y mettant à trois pour exiger la tenue des pré-barrages et barrages L1-L2, Ajaccio, Troyes et Clermont n’ont guère eu plus de réussite. Leur demande a été rejetée par le CNOSF mais Ajaccio, soutenu par l’Assemblée de Corse, a d’ores déjà fait appel de cette décision devant le Conseil d’Etat, sans doute rejoint prochainement par ses deux compagnons d’infortune.

“On est les dindons de la farce!”

"On est les dindons de la farce!" tempête Christian Leca, le président de l’ACA qui ne désespère de voir son club intégrer la Ligue 1 ou d’obtenir une compensation financière. "On rouvre les plages et les restaurants, on parle d’organiser des finales de Coupes et on nous empêche de jouer les barrages" renchérit son collègue clermontois Ahmet Schaefer. Des objections restées pour l’heure lettres mortes. Lors de la dernière AG de la LFP le 20 mai dernier, la tenue des barrages n’a même pas été évoquée...

Des barrages trop peu filtrants

Curieusement, la LFP semble aujourd’hui bien indifférente au sort réservé à ces barrages, qu’elle a pourtant souhaité  réintroduire en 2017 pour pimenter la fin de saison et arrondir au passage ses droits TV de quelques dizaines de milliers d’euros supplémentaires. Ce retour en grâce résultait en fait d’un compromis trouvé entre la LFP et la FFF; la première souhaitant carrément réduire le nombre de relégations de trois à deux, afin d’offrir plus de garanties aux clubs déjà installés parmi l’élite.

Devant le tollé provoqué par cette proposition, la formule des barrages est ressortie de sa boîte, après 24 ans d’oubli... Mais la LFP peine toujours à dissimuler un certain favoritisme à l’égard des clubs déjà "en place."  La preuve: dans le cadre d’une double confrontation L1-L2, c’est toujours le club de L1 qui a l’avantage de recevoir au retour. Et après avoir opté pour un barrage sec sur deux matches lors de la saison 2016/2017 entre le 18e de L1 et le 3e de L2, la LFP a décidé, dès l’année suivante, de compliquer la tâche des clubs de L2 en instaurant des «play-offs » ou pré-barrages entre équipes classées 3e, 4e et 5e. Résultat: déjà émoussé par deux matches-couperets face au Paris FC et Troyes la saison dernière, le RC Lens avait complètement sombré par la suite face à Dijon, 18e de L1... Ce statut de protégé, perçu par beaucoup comme une "priorité au descendant", on le retrouve précisément cette année dans l’absence de barrages, qui fait bien les affaires des clubs plus huppés, s’épargnant ainsi une fin de saison sous haute tension pour assurer leur maintien.

Très tôt après l’arrêt du championnat et avant que LFP et FFF ne se prononcent sur le format des compétitions à venir, le Nîmes Olympique, 18e de L1 et donc virtuellement barragiste, s’est considéré "auto-maintenu" parmi l’élite. "Je ne vois pas comment il pourrait y avoir un barrage" déclarait Bernard Blaquart, l’entraîneur des Crocos nîmois dès le 29 avril. "Étant donné que la saison est terminée, c’est impossible!"

Plus discret mais pas moins confiant, Niort, 18e de L2 et donc concerné par un potentiel barrage au moment de l’arrêt du championnat, a au moins attendu la décision du dernier comité exécutif de la FFF (qui n’a pourtant pas évoqué les barrages) pour s’exprimer, "prenant ce maintien particulier (sic) avec beaucoup de pudeur" et "sans triomphalisme" selon les mots du président Karim Fradin, bien content au fond de lui d’éviter un "rab" de matches qui historiquement n’a pas réussi à son club (relégation en Ligue 2 face à Caen en 1987-88), face à un adversaire, Boulogne, véritable bête noire des Chamois par le passé.

Des barrages fragilisés par le mutisme de la FFF et la LFP 

Pendant ce temps-là, Reinold Delattre attend, lui, toujours des nouvelles de la FFF... "Nous aimerions maintenant une réponse rapide", confie le président boulonnais, qui se prépare à tous les scenarii possibles en vue de la saison prochaine  (National ou Ligue 2), sans envisager de recours juridique pour le moment. "On ne peut pas faire un recours contre rien !". S’il semble désormais très peu probable que Boulogne obtienne gain de cause, le mutisme de la FFF et la LFP fragilisent considérablement ces barrages pour les années à venir, même si certains "oubliés" semblent déjà prêts à replonger. "Je reste favorable aux barrages. Ils permettent de tenir en haleine une dizaine d’équipes pendant une bonne partie de la saison", explique Pascal Gastien, l’entraîneur clermontois, pas rancunier. A condition qu’à l’avenir, la digue et la Ligue résistent aux virus...

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