Comment Zinédine Zidane est redevenu indiscutable au Real Madrid
Ce n'est qu'une Liga. Pour l'entraîneur-star qui a glané trois Ligue des champions lors de ses trois premières années sur le banc du Real Madrid, il serait tentant de modérer la portée de ce titre. Oui, Zinédine Zidane a rajouté un titre à son imposante armoire à trophées, et il ne s'agit que de la Liga. Le Real est d'ailleurs aux portes de l'élimination en Ligue des Champions face à Manchester City : la fête risque donc d'être très vite écourtée dans la capitale espagnole. Et pourtant. Cette Liga 2019/2020, si elle n'a pas le prestige d'un titre européen, constitue un accomplissement inédit pour l'entraîneur français. Peut-être même son plus grand.
Ses trois premières saisons ont été celles de l'état de grâce, celles où rien ne pouvait lui arriver, à tel point que certains s'étaient même permis de suggérer que "Zizou" avait simplement tiré profit d'une génération dorée et d'un champion - Cristiano Ronaldo - au sommet de son art. Cette saison 2019/2020 est en tout point différentes : le Real de Zidane est plus friable, plus imparfait, les leaders ont, par moments, manqué d'autorité, les victoires ont été étriquées, parfois imméritées. Pourtant, le Real est champion. Mais un champion laborieux n'enlève rien au prestige de son entraîneur, bien au contraire.
Du cauchemar de l'automne...
Souvenez-vous, c'était à l'automne dernier. La France du football exultait après une soirée européenne de rêve. Le Paris Saint-Germain venait de pulvériser l'immense Real Madrid, 3-0. Plus que le score, c'est la manière avec laquelle les joueurs de Thomas Tuchel avaient réduit ceux de Zinédine Zidane à l'impuissance qui avait impressionné. A Madrid en revanche, les lendemains avaient été douloureux pour les Merengue. La presse s'était lâchée, et avait particulièrement ciblé leur chouchou habituel, Zinédine Zidane.
"Dans le viseur", titrait Marca, avec le coach français à l'arrière plan. Avec sept défaites en seize matches depuis son retour, Zidane peinait à redonner du rythme à une équipe qui, il est vrai, avait déjà perdu beaucoup de lustre sous Julen Lopetegui puis Santiago Solari. On reprochait à Zidane un mercato "raté" et des choix tactiques douteux. Le club merengue lui avait pourtant ouvert le portefeuille comme jamais, avec plus de 300 millions d'euros de budget et une carte blanche totale sur le choix des recrues. Zidane avait opté pour la continuité, en gardant les cadres avec lesquels il avait triomphé quelques années plus tôt : Toni Kroos, Marcelo ou Luka Modric. Mais ceux-ci allaient s'avérer sur le déclin. Parmi les recrues, Eden Hazard, le chouchou de Zidane, était arrivé hors de forme à Madrid et n'était que rarement titularisé. Pendant ce temps, Dani Ceballos flambait avec Arsenal, alors que Zidane avait fait le choix de s'en débarrasser quelques semaines plus tôt.
"Le responsable, c'est moi"
A toutes ces critiques, le Français ne bronchait pas. Il reconnaissait les lacunes de son équipe, mais souhaitait garder le cap, comme convaincu que la courbe se redresserait bien un jour. "Je ne sais pas", avait-il indiqué lorsqu'on lui demandait s'il était en danger. "Il faut demander aux bonnes personnes. Mais je vais continuer à essayer de gagner des titres. Mais il ne faut pas oublier qu'à la fin, il n'y a jamais qu'une seule équipe qui gagne. Bien sûr qu'il y a matière à critique dans mon travail, c'est ce que vous faites (les journalistes), et je le comprends. Le responsable, c'est moi. Ça arrive. Mais j'ai la force de continuer".
Un mois après la défaite face au PSG, la situation ne s'améliorait pas. Après un nul face à Bruges (2-2), le Real végétait au dernier rang de son groupe A, et avait à l'horizon au moment d'affronter Galatasaray, une élimination historique au 1er tour de la Ligue des Champions. Nous-mêmes écrivions sur ce match : "défaite interdite" pour le technicien français. A l'époque, face aux rumeurs qui envoyaient même José Mourinho à la rescousse de l'équipe Merengue, Sergio Ramos avait dû intervenir pour défendre son coach. "Tout le monde sait que le vestiaire est à la vie et à la mort avec Zizou", avait souligné le capitaine de la "Maison Blanche", ajoutant que Zidane "mérite le respect après tout ce qu'il a fait".
Le Real Madrid avait remporté son match d'une courte tête face à Galatasaray (1-0), et Zidane allait ainsi, progressivement, sans céder à la panique, remettre l'équipe sur de bons rails. Mine de rien, les Madrilènes ont enchaîné 19 matches sans défaite entre octobre et février. En s'appuyant sur quelques jeunes comme Federico Valverde au milieu ou Ferland Mendy en latéral, et en renouvelant sa confiance aux cadres comme Sergio Ramos, Raphael Varane et surtout Karim Benzema, Zinédine Zidane a réussi à maintenir son équipe à flot, à défaut de la voir tutoyer les sommets. Dans le même temps, le FC Barcelone connaissait les mêmes atermoiements. Sous Quique Setien, les compères de Lionel Messi ont eu beau faire la course en tête pendant la quasi-intégralité de la saison, le football n'était pas au rendez-vous. La presse espagnole parlait d'ailleurs régulièrement des "deux géants malades".
...à la renaissance de l'été
Les trois derniers matches avant la suspension de la saison en mars dernier furent à l'image de la saison du Real : d'une défaite très compromettante à domicile face à Manchester City en Ligue des Champions (1-2), à la victoire dans le Clasico face à un Barça leader mais méconnaissable (2-0), en passant par une ultime défaite face au Betis Séville (2-1), comme pour rappeler avant la trêve forcée que tout restait encore à faire.
Au moment où la Liga s'est arrêtée, l'avance du FC Barcelone sur le Real Madrid sembait suffisante pour permettre aux Catalans d'assurer la victoire la finale. Mais les hommes de Zinédine Zidane ont particulièrement bien géré l'après-confinement. "Quand on est revenu au travail après le confinement, après être resté près de trois mois à la maison, j'ai senti que les joueurs voulaient accomplir de grandes choses", a assuré l'entraîneur français en conférence de presse mercredi. "Ça se voyait aux entraînements. Je les voyais, ils voulaient quelque chose, ils restaient à la fin des sessions pour faire du travail supplémentaire. Cela veut tout dire de ce que cherche à accomplir cette équipe", a détaillé Zinédine Zidane.
Cette envie s'est clairement traduite dans les résultats depuis la reprise post-covid. Dix matches, dix victoires. Et les louanges ont tombées de la part de son président, Florentino Pérez, l'un de ses plus fervents défenseurs depuis toujours : "Il est béni des dieux, j'espère qu'il sera des nôtres encore pour longtemps. Qu'ils continuent à le critiquer, nous, nous continuerons à gagner des titres". Une première place retrouvée face à un Barça qui, à l'inverse, semble avoir encore régressé pendant pendant le confinement. Eden Hazard, le grand pari de Zidane cette saison, promis à une année blanche après une grave blessure (fissure du péroné), en a profité pour revenir dans le jeu, en pleine forme. Karim Benzema, déjà leader de l'équipe depuis le début de la saison et à peu près seul homme en forme pendant la débâcle, en est ressorti encore plus fort. Thibaut Courtois, très critiqué pour son manque d'implication en début de saison, est redevenu en quelques matches l'un des portiers les plus performants du monde.
Cette bonne dynamique s'est donc achevée par un titre. La Liga. Comme l'a révélé Marca ce jeudi, Zidane avait inscrit le championnat espagnol en tête de ses priorités. Avant même la Ligue des Champions. "La saison prochaine, gagner la Liga sera la priorité", aurait-il martelé à l'ensemble du groupe à son arrivée en mars 2019. "Je ne peux pas dire que nous allons la gagner, mais nous lutterons jusqu'à la fin." Il voulait sans doute que son onzième titre soit un championnat, lui que l'on a vite catalogué comme un entraîneur de Coupe. Comme s'il voulait prouver qu'il n'était pas seulement l'homme de l'éclat, mais également celui de la résilience, du labeur et du caractère. Mission accomplie.
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