L'autobio, l'arme à double tranchant des sportifs
Le rugbyman Jonny Wilkinson et le footballeur Zlatan Ibrahimović sortent tous deux un livre. Point commun : ça balance pas mal.
Il existe deux types d'autobiographies. Celle qui ne révèle rien du tout et sent le pavé soporifique à 20 kilomètres, comme le remarquablement titré My Story So Far de Wayne Rooney, 26 ans, avant-centre vedette de Manchester United, et qui évacue le côté trash du footballeur qui fait pourtant les choux gras des tabloïds (articles en anglais).
L'autre catégorie, c'est l'autobiographie qui balance, régale les journalistes mais ostracise son auteur. Les exemples sont légion. Dernièrement, deux vedettes s'y sont encore attelées : l'avant-centre du Milan AC Zlatan Ibrahimović, dont la bio sort le 8 novembre (article en suédois), et le demi d'ouverture mythique de l'équipe d'Angleterre de rugby Jonny Wilkinson, qui publie la sienne le 10 novembre. Les bonnes feuilles sont déjà parues dans la presse, et ils n'y vont pas avec le dos de la cuillère.
• On s'y attendait, Zlatan Ibrahimović critique la Terre entière sauf lui : ses anciens équipiers du Barça, l'ancien entraîneur du club Pep Guardiola, coupable de l'avoir remplacé lors d'un match contre Villarreal en mai 2010 (il lui a crié "va en enfer" et des choses bien pires encore), son coéquipier du Milan AC Oguchi Onyewu - "il m'a pratiquement tué" lors d'une bagarre (article en anglais). "Ibra" y laissera une côte.
• Jonny Wilkinson, lui, a mis les points sur les "i" avec ses coéquipiers en équipe nationale, après la désastreuse Coupe du monde où les Anglais ont surtout brillé dans les tabloïds (article en anglais). C'est sobre, c'est posé, c'est du Jonny Wilkinson, mais le fond de sa pensée est là : "Il y a des individus qui jouent pour eux-mêmes, sans montrer aucun respect pour l’adversaire, en lançant des passes pour le spectacle sans que ça ne soit nécessaire et en ne jouant pas les uns pour les autres. (...) Il y avait parfois un manque de faim sur le terrain, un manque d'envie de faire les choses bien."
Un jour ou l'autre, ça leur reviendra à la figure
On ne compte plus le nombre de sportifs qui ont tout balancé dans leur autobiographie et qui ont dû le regretter ensuite.
• Emmanuel Petit, qui a clamé haut et fort dans A fleur de peau que Zidane et lui n'avaient pas grand-chose à se dire. Comme la majeure partie des joueurs de l'équipe de France 98. Comme la majorité des footballeurs. Au moins, le champion du monde 98 était lucide : "Avec ce bouquin, je ne vais pas me faire beaucoup d’amis."
• Jérôme Rothen, qui a expliqué dans Vous n'allez pas me croire que William Gallas était nul à l'école. "William était une vraie truffe. Un jour, la prof de maths nous colle un contrôle. Elle sait que William ne comprend rien au sujet, alors elle l'autorise à utiliser son livre de cours. Eh bien, même avec son bouquin sous les yeux, William récolte 4/20..." Ajoutez à cela une attaque sur Zidane qui l'aurait insulté alors qu'il simulait une blessure, et ce livre a pratiquement sonné le glas de sa carrière au plus haut niveau.
• William Gallas, qui a balancé dans La Parole est à la défense que c'était Samir Nasri le petit jeune qui avait piqué la place de Thierry Henry dans le bus (le bus de l'Euro 2008, hein). Samir Nasri et lui jouaient dans le même club, Arsenal, quand le livre est sorti. Du coup, il a perdu son brassard de capitaine tout de suite, la confiance de son entraîneur rapidement, et a été transféré à Tottenham.
• Andre Agassi, dans son autobiographie Open, révèle en 2009 que le tennis était pour lui une corvée. Corvée encore, son mariage avec l'actrice Brooke Shields, de cinq ans son aînée et qui le dominait d'une bonne tête avec ses talons, au point que le champion avait dû porter des talonnettes. Le tout entouré de "quatre hélicoptères bourrés à craquer de paparazzis". L'actrice, vexée, a promis de publier sa version en 2010 (articles en anglais). On l'attend toujours.
• Sébastien Chabal, dans Ma petite étoile, charge sur l'arbitrage dans le rugby français : "Le Top 14 est mal arbitré. Tout le monde le sait, mais personne ne fait rien pour améliorer la situation." Cela lui a valu plusieurs semaines de suspension et, en partie, sa non-sélection pour la Coupe du monde.
Et quand leur autobiographie ne leur porte pas préjudice tout de suite, elle leur revient dans les dents des années plus tard. Comme le judoka David Douillet, dont l'autobiographie modestement intitulée L'Ame du conquérant, passée inaperçue en 2000, comporte cette phrase : "Pour moi, une femme qui se bat au judo ou dans une autre discipline, ce n'est pas quelque chose de naturel, de valorisant. Pour l'équilibre des enfants, je pense que la femme est mieux au foyer." Et aussi le fameux : "On dit que je suis misogyne. Mais tous les hommes le sont. Sauf les tapettes !" Attendons qu'il devienne ministre du Travail pour qu'on déterre les extraits de son second livre, où il évoque ses idées en matière de retraites : pour lui, on devrait travailler jusqu'à la mort.
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