Football : les entraîneurs noirs brésiliens peinent à se faire une place au milieu des préjugés racistes
Le Brésil ne compte, actuellement, qu'un seul entraîneur noir sur les vingt clubs de première division.
Majorité invisible ? Dans un pays où plus d'un habitant sur deux est noir ou métis (55,8% de la population), seule une équipe de première division brésilienne est dirigée par un entraîneur noir. Jair Ventura, fils de Jairzinho, mythique attaquant champion du monde en 1970, et passé par l'Olympique de Marseille, fait office d'exception à Goias.
Pourtant habitué à acclamer des stars du football noires comme Pelé, le Brésil n'a donc quasiment que des entraîneurs blancs dans ses clubs, une des conséquences du racisme qui mine encore le pays, dernier d'Amérique à avoir aboli l'esclavage. "Les racistes, qui se cachaient auparavant, sont désinhibés par l'attitude du chef de l'Etat (Jair Bolsonaro), ils savent qu'il pense comme eux. Il faut résister !", a réagi à l'AFP, Roger Machado, un des seuls entraîneurs noirs brésiliens à quelques mois de la prochaine élection présidentielle prévue en octobre.
Racisme structurel
Le plus souvent, des saisons entières se déroulent avec uniquement des techniciens blancs aux commandes des clubs de l'élite, alors que la population noire est ultra majoritaire en ce qui concerne les joueurs sur le terrain.
''Le vrai problème, c'est que ce débat est inexistant au sein du football brésilien. La société brésilienne n'est pas choquée par l'absence de personnes noires aux postes à responsabilité. Le football reflète notre société raciste''
Marcelo Carvalho, directeur de l'Observatoire de la discrimination raciale dans le footballà l'AFP
Dans le dernier pays d'Amérique à avoir aboli l'esclavage, en 1888, les entraîneurs noirs ayant dirigé des clubs de l'élite ces dernières années se comptent sur les doigts d'une main : Andrade, Cristovao Borges, Marcao, Roger Machado et Jair Ventura. Et ce, même si le Brésil est considéré comme le champion du monde de la valse des entraîneurs. Une question de compétences ? Dur à défendre alors que certains ont disparu de la circulation alors qu'ils avaient fait leurs preuves, comme Andrade, champion du Brésil à la tête de Flamengo en 2009.
"Il y a un préjugé, très enraciné, structurel, (...) contre les entraîneurs noirs, et il faut lutter contre ce préjugé", a reconnu le sélectionneur actuel Tite, en octobre. La Seleçao, quintuple championne du monde, n'a eu que deux sélectionneurs noirs, Gentil Cardoso (1959) et Vanderlei Luxemburgo (1998-2000), métis qui a tardé à se reconnaître comme un homme noir.
Absents des cercles de pouvoir
Contrairement à la plupart des joueurs, les entraîneurs exercent un vrai pouvoir au sein des clubs, ce qui expliquerait selon les experts les préjugés hérités de l'esclavage, qui remettent en cause leur capacité de meneurs d'hommes.
"Au moment de l'abolition de l'esclavage, les personnes noires ont été livrées à elles-mêmes, sans une politique pour leur donner des opportunités. Dans l'imaginaire collectif, les Noirs sont absents des cercles du pouvoir et des postes à responsabilité parce qu'ils n'y aspirent pas, ou parce qu'ils ne possèdent pas les qualités intellectuelles nécessaires", insiste Marcelo Carvalho.
Roger Machado, entraîneur du club historique du Gremio, confie avoir été régulièrement victime de racisme, étant parfois pris pour un garde du corps de sa fille métisse. "Les premières fois où j'ai été limogé, on disait que je n'étais pas capable de gérer l'effectif, alors que, quand j'étais joueur, j'étais souvent capitaine et j'étais justement loué pour mes qualités de meneur d'hommes", raconte-t-il à l'AFP.
Un constat mondial
Si la lutte antiraciste a connu des avancées ces dernières années au Brésil, Machado ne voit pas le même élan du côté du football. "Il y a encore beaucoup de marge pour que les joueurs et entraîneurs s'impliquent plus, mais je ne leur en veux pas. Les joueurs sont conditionnés pour ne pas se prononcer sur les sujets qui ne touchent pas directement au terrain", poursuit-il.
Le Brésil n'est, malheureusement, pas une exception : lors du dernier Mondial, en 2018, seule une des 32 nations en lice, le Sénégal, avait un sélectionneur noir, à savoir Aliou Cissé.
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