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Football : boudée par les fans, critiquée par les joueurs... Mais pourquoi la Coupe de la Ligue existe toujours ?

Cette compétition, dont la finale entre le PSG et Monaco se tient samedi à 21 heures à Lyon, est la mal-aimée du football français depuis vingt-deux ans. Mais elle n'est pas près de disparaître.

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 9min
L'attaquant du PSG, Edinson Cavani, brandit la Coupe de la Ligue remportée face à Lyon, le 19 avril 2014 au Stade de France. (JEAN CATUFFE / GETTY IMAGES EUROPE)

"Il faut que ceux qui veulent voir disparaître la Coupe de la Ligue arrêtent de rêver." Didier Quillot, directeur général de la LFP, avait déjà sorti les crocs en amont de la finale 2016. Il faut dire que depuis vingt-deux ans, cette compétition, qualifiée de "Coupe Moustache" quand elle était défendue par l'ancien président de la Ligue de football, Frédéric Thiriez, est brocardée par les acteurs du ballon rond. Qualifiée de "Coupe Machin" par Raymond Domenech, alors sélectionneur national ou de "danseuse" par Pape Diouf, ex-président de l'OM, elle fait de la résistance. Et peut même se targuer d'offrir la plus belle affiche possible en finale avec l'opposition entre le PSG et Monaco, samedi 1er avril à 21 heures à Lyon. Mais pourquoi la Coupe de la Ligue ne peut pas disparaître ?

Parce qu'elle permet de relancer des clubs prestigieux à la dérive

Si, un jour, la Coupe de la Ligue est supprimée, elle laissera une once de regret à ses détracteurs. Le souvenir d'une compétition critiquée, certes, mais qui a relancé plusieurs grands clubs en péril. En 1997, Strasbourg met fin à dix-huit années sans titre en brandissant le trophée dans la tribune d'honneur du Parc des Princes. En 2001, Lyon débute son insolente domination sur le foot français par un succès dans l'épreuve face à Monaco (2-1 a.p.), le premier trophée des Gones depuis vingt-huit ans. En 2004, Sochaux et sa génération dorée dépoussièrent face à Nantes l'armoire à trophées, qui sentait la naphtaline depuis 1938 et le dernier de champion de France. Les deux clubs les plus prestigieux du foot français ont aussi mis fin à de longues périodes de vaches maigres grâce à la "Coupe Moustache" : Marseille (vainqueur en 2010, après dix-sept ans d'attente) et Saint-Etienne (victorieux en 2013 après trente-deux ans de disette).

On passera sur les nombreuses victoires du PSG, ce qui permettait au club de la capitale d'égayer une saison pourrie. Comme en 1995, lorsque le club avait laissé échapper à la surprise générale le titre de champion. Ou en 1998, une saison où les présidents et les entraîneurs se succèdent. Ou encore en 2008, quand le club frôle la relégation. La Coupe de la Ligue, c'est un peut le lot de consolation par excellence. Paris ne dira pas le contraire s'il l'emporte cette année et qu'il finit deuxième de L1 derrière Monaco. 

Parce que ses affluences sont comparables à la Coupe de France

"Petite finale, petite Coupe, petite joie." Ainsi commence le compte-rendu de la première finale, PSG-Bastia, remportée sans gloire (2-0) par les joueurs de la capitale, en 1995, dans Le Monde. Vingt ans plus tard, les choses n'ont pas changé : il n'y a guère que la finale qui attire les foules. Des matchs couperets joués dans des stades qui sonnent un peu vide, des déclarations d'après-match qui laissent transpirer un enthousiasme modéré, à l'image du Strasbourgeois Mickaël Pagis, vainqueur de l'épreuve en 2005 : "On ne va pas non plus sauter au plafond, ce n'est pas la Coupe du monde."

N'empêche : d'un strict point de vue comptable, la Coupe de la Ligue fait à peu près aussi bien que son aînée, la Coupe de France. 

Comme le souligne Bastien Drut, dans son Economie du football professionnel, c'est d'abord la Coupe de France qui a perdu de son attrait, quand les matchs allers-retours ont disparu de la compétition. Puis, quand les trois premières places du championnat sont devenues qualificatives pour la Ligue des champions. "La Coupe de France attirait plus de spectateurs que le championnat jusque dans les années 1990, précise l'économiste. A partir de cette période, le public s'en est désintéressé et les affluences ont fortement diminué." 

Parce qu'elle commence à imprimer sa marque

Visuellement, la Coupe de la Ligue a trouvé son identité, avec son trophée doré, commandé à l'artiste franco-argentin Pablo Reinoso en 2003. "Le plus beau qui existe dans le football", se vante son créateur. Son identité auditive aussi, avec son générique dance.

Sans oublier son avant-match, qui revendique une lointaine filiation avec le Super Bowl, la finale du championnat de football américain. En 2005, la compétition a même obtenu le prix de la "meilleure stratégie marketing d'une organisation ou d'un organisateur d'événements sportifs" lors des trophées Sporsora. Si, si.

Parce qu'en fait, tout est de la faute de la Coupe d'Europe

La Coupe de la Ligue a été créée en 1995 par Noël Le Graët, alors président de la Ligue de football professionnel (il dirige aujourd'hui la Fédération française de football), à la condition que la première division passe de 20 à 18 clubs. Promesse tenue... de 1998 à 2002, avant que les présidents de clubs ne ragrandissent l'élite. De quoi susciter le courroux des détracteurs de la Coupe de la Ligue, qui l'accusent de surcharger un calendrier déjà bien encombré. Monaco, encore en lice dans toutes les compétitions (L1, Ligue des champions, Coupe de France et Coupe de la Ligue), pourrait ainsi disputer près de 70 matchs en cas de quadruplé historique.

Mais, à en croire Frédéric Thiriez, l'ancien président de la LFP, c'est surtout l'UEFA qui a surchargé le calendrier : "Le nombre de jours de compétitions organisés pour les Coupes d'Europe est passé de 7 en 1955-56 à 45 aujourd'hui, écrivait-il dans son livre Le Foot mérite mieux que ça en 2013. Le problème du calendrier ne vient pas de l'intérieur."

Parce que les chaînes de télé continuent de payer

Même dévaluée, raillée, moquée et boudée, la Coupe de la Ligue continue de trouver preneur. La manne télévisuelle, qui a longtemps stagné autour des dix millions d'euros, a fait un bon spectaculaire en 2015. Canal+ acheté les droits de diffusion de tous les matchs, France Télévisions, partenaire historique, conservant les droits de la plus belle affiche de chaque journée, à partir des 16es de finale. Résultat : 23,9 millions tombent chaque année dans les caisses de la LFP. Les chaînes sont peut-être rassurées par la réforme de la compétition de 2009 qui exempte d'un tour les clubs qualifiés en Coupe d'Europe, et assure aux quatre premiers du dernier championnat de ne pas se rencontrer avant les demi-finales. On est loin du temps où la Ligue devait inscrire noir sur blanc dans le règlement (à l'article 706) que les clubs engagés n'avaient pas le droit d'aligner que des remplaçants.

De quoi refroidir les ardeurs de ses opposants les plus acharnés. En L1, seul le président de Guingamp, Bertrand Desplat, affiche encore ouvertement son opposition : "C’est une coupe qui n’a pas de ferveur populaire, dénonce-t-il sur la chaîne L'Equipe. Aujourd’hui, les grands clubs entrent en 8es de finale. Ils devraient entrer en finale directement… Ça allégerait le calendrier."

Parce qu'il est peut-être trop tard pour la supprimer

Notre Coupe de la Ligue a connu plusieurs vies : compétition bouche-trou d'été dans les années 1960 et au début des années 1990, avant de devenir un rendez-vous à part entière avec qualification européenne à la clé en 1995. Avec vingt-deux ans au compteur, la compétition est désormais la deuxième plus ancienne Coupe 100% réservée aux clubs pros d'Europe, loin derrière la League Cup anglaise, fondée en 1961. Les avatars espagnols ou allemands n'ont pas tenu plus de quelques années : dix ans outre-Rhin (1997-2007), quatre de l'autre côté des Pyrénées (1982-86). 

En Angleterre non plus, la League Cup ne fait pas l'unanimité, mais les demandes de suppression (dont une déposée devant le Parlement britannique) glissent sur elle. La meilleure preuve de l'indifférence relative dont pâtit la compétition demeure le geste du défenseur de Manchester United, Nemanja Vidic, qui a tout simplement donné sa médaille de vainqueur, en 2006, à son coéquipier Giuseppe Rossi, pourtant pas sur la feuille de match. "Je n'avais pas beaucoup contribué à la victoire, et je trouvais que c'était mieux de la donner à quelqu'un qui avait joué bien plus que moi dans la compétition", a confié le Serbe au site du club. Difficile de l'imaginer en train de faire le même geste après son succès en Ligue des champions.

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