Euro 2016 : pourquoi il ne faut pas dénigrer l'équipe du Portugal, finaliste de la compétition
La stratégie trÚs défensive des Portugais, qui n'ont gagné qu'un match dans le temps rÚglementaire, est pointée du doigt. Mais la réussite des coéquipiers de Ronaldo n'est pas que le fruit du hasard.
Depuis le dĂ©but de l'Euro 2016, le Portugal traĂźne derriĂšre lui une rĂ©putation peu flatteuse. QualifiĂ©e d'Ă©quipe la plus ennuyeuse du tournoi, la Selecçao est tout de mĂȘme parvenue Ă se qualifier pour la finale qu'elle disputera dimanche 10 juillet au soir contre la France. Certains qualificatifs peu amĂšnes ont accompagnĂ© le parcours des coĂ©quipiers de Cristiano Ronaldo. Leurs dĂ©tracteurs rappellent ainsi qu'ils n'ont gagnĂ© qu'un seul match dans le temps rĂ©glementaire depuis le dĂ©but de la compĂ©tition. AprĂšs trois matchs nuls en phase de poules, ils ont en effet remportĂ© leur huitiĂšme de finale contre la Croatie 1-0 aprĂšs prolongations, avant de vaincre la Pologne aux tirs au but, puis de finalement battre le pays de Galles 2-0 en demi-finale.
Malgré les tombereaux de critiques, le jeu restrictif du Portugal leur a permis d'atteindre le sommet du foot européen. Francetv info explique en quatre points pourquoi, n'en déplaise aux amateurs de football samba, la stratégie des Portugais était la bonne.
Parce qu'elle est visionnaire
En octobre 2014, Fernando Santos, le sĂ©lectionneur portugais avait jouĂ© les oracles. Son Ă©quipe venait de s'incliner 2-1 contre la France, en match amical au Stade de France. Comme l'explique 20 Minutes, aprĂšs ce revers, dans les vestiaires, il avait promis Ă ces joueurs qu'ils reviendraient jouer dans ce mĂȘme stade, pour la finale de l'Euro 2016. Et deux ans plus tard, ils sont au rendez-vous.
Mais cette qualification n'est pas uniquement le fruit des talents de devin du coach portugais. Pour tenir sa promesse, il a surtout dĂ©cidĂ© dĂšs sa prise de fonction de construire "une Ă©quipe patiente, pragmatique, voire cynique", explique Le Figaro qui cite le journaliste sportif portugais Luis Mateus : "Avoir le ballon, contrĂŽler le match, guetter lâerreur adverse, sâappuyer sur son banc pour apporter du sang neuf : voilĂ la philosophie de la sĂ©lection du Portugal depuis deux ans."
Si cette vision trÚs pragmatique du foot donne des nausées aux esthÚtes du ballon rond, elle fait pourtant mouche à l'Euro. Une tendance que l'on retrouve dans les chiffres globaux de la compétition. La moyenne de buts marqués par match est de 2,14 avant la finale, trÚs en dessous des précédents tournois : 2,45 pour l'Euro 2012, 2,48 pour l'Euro 2008 ou encore 2,74 pour l'Euro 2004.
Durant le tournoi, de nombreuses Ă©quipes ont ainsi dĂ©cidĂ© de miser sur une dĂ©fense solide, un bloc trĂšs bas, et de ne compter que sur les contres et les coups de pieds arrĂȘtĂ©s pour marquer. On pense Ă Â l'Irlande, Ă l'Islande, Ă la Slovaquie, Ă l'Italie ou au pays de Galles, autant d'Ă©quipes parvenues Ă s'extraire de la phase de poules en pratiquant elles aussi un football trĂšs pragmatique. Et Ă ce jeu trĂšs en vogue, ce sont bien les Portugais qui s'en sont le mieux tirĂ©s en assumant ouvertement : "Si on peut ĂȘtre champions uniquement avec des matchs nuls, on ne sâen privera pas", a clamĂ©Â Fernando Santos.
Parce que sa stratégie a déjà fonctionné
Ceux qui ont assisté au huitiÚme de finale Croatie-Portugal s'en souviendront longtemps. Dans cette rencontre difficilement qualifiable de match de foot, les Portugais ont totalement annihilé le jeu réputé trÚs technique des Croates, sans s'approcher une seule fois de leur but. Ah si, à la 117e minute, lorsque Quaresma a inscrit le but vainqueur sur leur seul tir cadré.
Des cascades d'insultes sont encore tombĂ©es sur le jeu portugais. C'Ă©tait oublier un peu vite que ce type de jeu restrictif, tout en Ă©tant gagnant, Ă©tait loin d'ĂȘtre une premiĂšre. En 2004, Ă la surprise gĂ©nĂ©rale, la GrĂšce avait conquis le titre de champion d'Europe en pratiquant un football sans fioriture, gagnant tous ses matchs de phase finale 1-0. A l'Ă©poque, cette victoire de la GrĂšce est vĂ©cue comme un  traumatisme au Portugal, pays hĂŽte du tournoi, battu par les Grecs lors du match d'ouverture et en finale.
Dix ans aprĂšs cette dĂ©route, les Portugais ont retenu la leçon. En vue de l'Euro 2016, ils engagent Fernando Santos, qui vient de quitter le poste de sĂ©lectionneur de... la GrĂšce. Entre 2010 et 2014, sur les bords de la mer EgĂ©e, le technicien portugais avait eu pour mission de prolonger le travail d'Otto Rehhagel, le sĂ©lectionneur du miracle de 2004. Sans suprise, c'est donc avec un Ă©tat d'esprit trĂšs pragmatique qu'il a pris les rĂȘnes d'une Selecçao en manque de repĂšres.
Parce qu'elle a fait une force de ses faiblesses
En septembre 2014, la situation du Portugal est peu brillante. Eliminé dÚs la phase de poule du Mondial brésilien l'été précédent, il vient de s'incliner à domicile contre l'Albanie 1-0, en match de qualification pour l'Euro 2016. L'affront est immense pour les Portugais, qui vivent toujours dans le souvenir de la génération dorée des artistes Figo, Rui Costa et Deco, finalistes de l'Euro 2004. Fernando Santos, l'homme chargé de redonner sa fierté au pays, décide de le vacciner contre cette nostalgie.
Depuis plusieurs années, les dérapages défensifs sont réguliers, à l'image du 4-0 encaissé face à l'Allemagne pendant le Mondial, ou du 3-3 concédé en Israël un an plus tÎt. Souvent brillant dans ses stratégies offensives, le Portugal laisse des boulevards en défense. Santos inverse la logique et met la stratégie au service des briseurs de mouvement, s'appuyant sur le rugueux Pepe et le massif Fonte.
Sur le front de l'attaque, il fait Ă©galement face au casse-tĂȘte de tous les entraĂźneurs portugais depuis 10 ans : il ne dispose d'aucun avant-centre de niveau international. AprĂšs quelques mois de recherche pour trouver un candidat capable d'Ă©pauler l'ailier star Cristiano Ronaldo, il dĂ©cide de titulariser... un autre ailier, Nani.
"Je nâai aucun doute sur lâoption que jâadopterai : un 4-4-2 avec deux joueurs mobiles sur le front, expliquait en 2015 le coach, relayĂ© par Eurosport. Ăa nous donne plus de possibilitĂ©s de potentialiser notre meilleur joueur : Ronaldo." L'idĂ©e est de profiter de la pĂ©nurie d'avant-centre pour permettre au Ballon d'or gominĂ© de bĂ©nĂ©ficier, enfin, d'un systĂšme taillĂ© pour lui. Peu en rĂ©ussite au dĂ©but de l'Euro, le capitaine portugais a finalement profitĂ© de sa grande libertĂ© offensive pour marquer un but et offrir une passe dĂ©cisive Ă Nani lors de la demi-finale contre le pays de Galles dont il fut l'homme du match. Tout un pays rĂȘve maintenant qu'il rĂ©cidive en finale.
Parce qu'elle mise tout sur l'Ă©tat d'esprit
AprĂšs le huitiĂšme de finale contre la Croatie, Fernando Santos a insistĂ© sur l'importance de l'Ă©lan collectif qui porte ses joueurs : "Ils forment vraiment lâĂ©quipe la plus unie de la compĂ©tition. Ils sont prĂȘts Ă se battre, Ă tout donner sur le terrain." Au cours du match suivant, la scĂšne prĂ©cĂ©dant la sĂ©ance de tirs au but, durant laquelle Ronaldo motive JoĂŁo Moutinho, a symbolisĂ© cet Ă©tat d'esprit, loin du clichĂ© des stars Ă©goĂŻstes.
Pour encadrer les jeunes pousses prometteuses comme Renato Sanches, le sélectionneur a rappelé les anciens Bruno Alves, Ricardo Carvalho ou Ricardo Quaresma. Ce dernier, avec son envie de revanche, a ainsi amené une dose de rage supplémentaire à cette équipe. C'est d'ailleurs lui qui, au bout d'interminables prolongations, a qualifié le Portugal lors du huitiÚme de finale contre la Croatie.
Un jeu pragmatique, une stratĂ©gie adaptĂ©e Ă ses moyens, un Ă©tat d'esprit de combattant, des ingrĂ©dients qui rappellent ceux mis en Ćuvre par l'Irlande du Nord, le pays de Galles ou l'Islande. MalgrĂ© leur qualitĂ© de jeu limitĂ©e, ces pays ont suscitĂ© un Ă©norme Ă©lan de sympathie, Ă l'opposĂ© de l'opprobre jetĂ©e sur le Portugal.
La raison de ce "traitement de faveur" provient sĂ»rement de la prĂ©sence de Cristiano Ronaldo, star aussi admirĂ©e que dĂ©testĂ©e, notamment depuis ses dĂ©clarations envers la "petite mentalitĂ©" des Islandais aprĂšs leur confrontation en matchs de poule de l'Euro. S'il soulĂšve le trophĂ©e de champion d'Europe dimanche soir, il n'effacera pas les critiques, mais il aura le droit de crier bien haut, contre vents et marĂ©es, que gagner "moche", c'est quand mĂȘme gagner.
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