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Reportage A Clairefontaine, le football français a célébré les 50 ans de son modèle de formation

Plusieurs centaines d’anciens pensionnaires de l’INF Clairefontaine se sont réunis mardi pour louer la formation à la française des jeunes joueuses et joueurs. Mais aussi réfléchir à l’avenir de celle-ci.
Article rédigé par Denis Ménétrier, franceinfo: sport - À Clairefontaine
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 7min
Alphonse Aréola, Arsène Wenger, Thierry Henry, Sabrina Viguier, Marcus Thuram, Didier Deschamps, Kylian Mbappé et Youssouf Fofana lors de la journée consacrée aux 50 ans de la formation à la française à Clairefontaine, le 14 novembre 2023. (MAXPPP)

Dans les escaliers du Centre national de football (CNF) de Clairefontaine (Yvelines), mardi 14 novembre, les générations s’entrechoquent. Une marche en-dessous de Mathys Tel (18 ans) et Maghnes Akliouche (21 ans), Thierry Henry, leur sélectionneur chez les Espoirs, a pris un coup de jeune : Aimé Jacquet, son entraîneur chez les Bleus lors de la victoire à la Coupe du monde 1998, lui pince affectueusement les joues. "Titi" répond avec déférence.

Ces scènes se sont multipliées à Clairefontaine mardi : 700 anciens stagiaires et éducateurs ont été invités par la Fédération française de football (FFF) à célébrer "les 50 ans d’excellence de la formation à la française". Généralement habitué au calme à quelques jours d’un match de l’équipe de France, le CNF bourdonne en ce début de journée. La bonne humeur diffuse donne à l’événement un air de réunion d’anciens camarades de classe.

"C’est plus une réunion de famille", nous corrige Ricardo Faty, membre de la promotion 1999 de l’INF (Institut national du football, le nom du programme de formation), devenue célèbre pour avoir été suivie pendant trois ans par les caméras du documentaire "À La Clairefontaine". Faty, qui a récemment pris sa retraite, fait partie des 1 400 stagiaires passés par l’INF depuis 1972, d’abord à Vichy puis à Clairefontaine après une délocalisation en 1988. Les 50 ans de la création de l'INF sont donc fêtés... lors de sa 51e année.

Les anciens sélectionneurs Roger Lemerre et Aimé Jacquet lors de la journée consacrée aux 50 ans de la formation à la française à Clairefontaine, le 14 novembre 2023. (MAXPPP)

"Ce sont les 51 ans, c’est un peu paradoxal, je le reconnais, sourit Philippe Diallo, président de la FFF. L’année dernière, il y a eu beaucoup de contretemps qui ont fait que les dates qu’on avait prévues sont arrivées trop tardivement." Devant un auditorium plein à craquer, le dirigeant rappelle en début de journée, avant deux tables rondes qui dureront deux heures, "que le système de formation à la française est envié par beaucoup de monde".

"Quand on a fait l'INF, on peut passer partout"

Au premier rang, Thierry Henry est assis aux côtés d’Arsène Wenger, son ancien entraîneur à Arsenal, et de Roger Lemerre, vainqueur de l’Euro 2000. Dans l’auditoire, Raymond Domenech et Frédéric Antonetti partagent un moment de rigolade, avant d’écouter plusieurs intervenants évoquer sur scène les clés de la réussite de la formation tricolore : projet sportif mais aussi éducatif, mixité entre joueuses et joueurs ou encore développement du football féminin…

Chez les hommes, les deux Euros (1984, 2000) et les deux Coupes du monde (1998, 2018) remportés, ainsi que le nombre de joueurs professionnels exportés dans le monde (plus de 1 000) témoignent de la réussite du modèle. Chez les femmes, "il manque peut-être un titre majeur pour mettre en lumière le travail que l’on fait depuis 50 ans", souligne Sabrina Delannoy, directrice sportive adjointe de la section féminine du Paris Saint-Germain.

Parmi les invités, tous n’ont pas connu le même parcours que des joueurs titrés comme Didier Deschamps ou Kylian Mbappé. Certains profitent donc de l’instant pour discuter avec certaines stars de l’équipe de France dont le capitaine des Bleus, Youssouf Fofana, Alphonse Aréola ou Marcus Thuram, qui se prêtent au jeu des selfies. D’autres se prennent en photo devant les répliques géantes de la Coupe du monde qui trône à l’entrée du CNF.

Christian Skubiszewski et Mathieu Zimmermann, deux anciens pensionnaires de l'INF Vichy, le 14 novembre à Clairefontaine lors de la journée organisée par la FFF pour célébrer le modèle de formation à la française. (Denis Ménétrier)

Mais tous partagent le fait d'avoir bénéficié d’un accompagnement lors de leur formation, qui leur a été utile par la suite. "On dit tout le temps que quand on a fait l’INF, on peut passer partout. On a cette adaptabilité, on peut se fondre dans le collectif", avance Christian Skubiszewski, de la promotion 1983 à Vichy. Ce dernier n'a pas évolué au-delà de la deuxième division. Comme lui, son ex-coéquipier à Mulhouse, Mathieu Zimmermann, travaille désormais dans le BTP. "Beaucoup de stagiaires ont connu l’échec, mais l’INF a permis de mieux s’en sortir", poursuit Zimmermann.

La santé mentale, une priorité

C’est l’un des axes d’amélioration que nous décrit Benjamin Nivet, désormais consultant pour Amazon Prime Video, qui enchaîne les discussions avec ses anciens compères de la promotion 1990 : "Il faut travailler sur le bien-être, la préparation mentale. 90-95% des stagiaires ne réussissent pas, il faut donc pouvoir les accompagner." Une conviction partagée par Hubert Fournier, directeur technique national : "La santé, le bien-être doivent être traités comme un vecteur de performance comme le technique, le physique, le tactique."

Célébrer la formation à la française, c’est aussi réfléchir aux solutions d’avenir pour la pérenniser. Après une matinée à s’enorgueillir des réussites tricolores devant les anciens stagiaires, Philippe Diallo revient face aux journalistes sur l’inauguration en septembre à Clairefontaine d’un centre de recherche pour "l’utilisation des nouvelles technologies appliquées au football", quand Jean-Michel Aulas, impliqué auprès de la FFF pour le développement du football féminin, annonce vouloir passer de 235 000 jeunes joueuses licenciées aujourd’hui "à 500 000 d’ici cinq ans".

Comme tout n’est pas parfait, Didier Deschamps déplore, de son côté, que "certains joueurs partent tôt (à l’étranger). Trop tôt peut-être". Des départs très jeunes qui bénéficient souvent aux sélections nationales tricolores, mais dont la Ligue 1 pâtit. D’où la volonté affichée d'allonger les premiers contrats professionnels, de trois ans actuellement, jusqu'à cinq ans. "Une petite anomalie française", que le président Diallo souhaite corriger "le plus rapidement possible" pour permettre aux clubs de convaincre leurs pépites de s’inscrire davantage dans la durée.

Si tous sont bien conscients des enjeux à venir, à l'heure d'assister à l'entraînement de l'équipe de France en fin d'après-midi, le moment est surtout à l'union sacrée entre toutes les générations. "Ça fait presque 20 ans qu’on ne s’est pas vu pour certains, mais c’est comme si on s’était quittés hier", décrit Abou Diaby. L’ex-international français (16 sélections) s’interrompt quelques secondes pour enlacer un ancien coéquipier. Les heures passent et l’heure est encore aux retrouvailles d’une famille qui ne veut pas s'arrêter de grandir.

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