Mondial 2018 : "La première Coupe du monde avec les données en temps réel" pour le staff des Bleus
Comment gérez-vous les données au quotidien ?
Grégory Dupont : "Les joueurs portent des GPS lors des séances, que je prépare le matin et dont je télécharge les données ensuite. On parle de GPS, mais cet outil intègre un accéléromètre, un magnétomètre, et un gyroscope. On obtient aussi les distances parcourues, les courses à haute intensité, les accélérations, et décélérations. Cela permet de faire des recommandations pour les prochaines séances d'entraînement ou le match, en terme d'intensité, de durée, de type d'exercices. Il faut maximiser le niveau physique du joueur tout en prévenant les risques ou récidives de blessures et en optimisant la récupération. Mon quotidien consiste à gérer cet équilibre."
Est-ce nouveau chez les Bleus ?
G.D. : "Je pense qu'ils les utilisaient auparavant, mais c'est une approche qui est utilisée aujourd'hui dans tous les grands clubs. C'est assez récent. Il nous a paru évident de les utiliser avec une approche spécifique à la Coupe du monde. J'ai rejoint la Fédération en décembre 2017 après avoir notamment mis en place les départements "performance" à Lille et au Celtic Glasgow en 2007-2009."
Cette approche vient-elle de votre passage au Celtic Glasgow ?
G.D. : "Oui, c'est pour ça que j'étais parti au Celtic. Les Anglo-Saxons ont une vision plus large du métier, ça intègre la diététique, la prévention des blessures, les analyses, les sciences... Je suis ensuite revenu à Lille pour mettre en place un département "performance" sur les mêmes principes. Cette vision me plaisait parce que je faisais de la recherche aussi. J'ai toujours travaillé dans le football et parallèlement à ça, j'étais maître de conférences à l'université de Lille et puis l'université d'Artois en STAPS. Aujourd'hui, je suis toujours attaché à des instituts de recherche."
"On va essayer de comprendre si un joueur se dépense inutilement sur certaines actions"
La France est-elle en retard ?
G.D. : "La France a un atout majeur à jouer dans l'utilisation des données et des nouvelles technologies. Certaines structures sont effectivement en retard, mais aujourd'hui, globalement, tout le monde est à l'affût de l'apport de ces technologies."
Comment se passe la transmission des informations auprès de Didier Deschamps ?
G.D. : "Aujourd'hui, on est dans une société où l'on reçoit énormément d'informations dont beaucoup sont inutiles et nous parasitent. Mon travail consiste à sélectionner, trier dans les milliers, voire les dizaines de milliers d'informations, les informations pertinentes, puis mettre en forme les indicateurs clés utiles à la prise de décision. Chaque rapport de données peut être sur mesure, en fonction de l'objectif du sélectionneur. Le contexte est essentiel. Par exemple, on va essayer de comprendre pourquoi un joueur a beaucoup couru. Est-ce que la dimension tactique justifiait tous ses déplacements ? Ou s'est-il dépensé inutilement sur certaines actions ?"
C'est quoi une info utile ?
G.D. : "C'est une information qui sert à prendre des décisions, comme par exemple de réajuster le volume et l'intensité d'un entrainement. Avant d'être utile, on s'assure que la donnée soit fiable, et l'on vérifie sa reproductibilité et la validité de la mesure. Sur certaines marques de GPS, on peut avoir jusqu'à 30% d'écart sur une même mesure, dans les mêmes conditions. Tout matériel est donc testé avant achat."
"Didier Deschamps ne veut pas être parasité par des données inutiles"
Interviendrez-vous pendant les matches ?
G.D. : "Oui, on y travaille. L'objectif sera de communiquer les données utiles au staff, selon un protocole défini ensemble, sans le parasiter. C'est la première Coupe du monde où l'on aura les données en temps réel sur le banc, alors qu'auparavant, on les avait à la mi-temps ou à la fin du match. Le réajustement devrait être plus réactif."
Les joueurs s'intéressent-ils à votre travail ? Sont-ils demandeurs ?
G.D. : "Les joueurs sont impliqués dans cette démarche et ils sont effectivement demandeurs car ils aiment comprendre et prendre leur situation en main. Dans ce métier, tout se joue à très peu, et chacun cherche à optimiser son potentiel."
On se dit comme ça que Didier Deschamps n'est pas un "geek" branché data, se trompe-t-on ?
G.D. : "Ce sont des idées reçues. Il est bien évidemment intéressé par les données et la technologie quand elles l'aident à être performant. Mais il ne veut pas être parasité par des données inutiles."
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.