France-Ecosse : le capitaine de l'équipe de France doit-il forcément prendre la parole face aux médias ?
Aurélien Tchouameni, Mike Maignan et même Jean-Clair Todibo, mais pas de Kylian Mbappé. Le capitaine de l'équipe de France ne s'est pas présenté en conférence de presse, que ce soit avant le match contre les Pays-Bas vendredi, ou celui contre l'Ecosse, prévu mardi 17 octobre, à Lille. La tradition instaurée sous le long mandat de Hugo Lloris, voulant que ce dernier soit l'interlocuteur des médias à chaque veille de match, a été brisée.
Après l'intronisation de l'attaquant en tant que capitaine en mars, Didier Deschamps avait rapidement prévenu qu'il ne fallait pas s'attendre à ce que son attaquant soit le porte-parole officiel des Bleus. "Il sera amené à être très fréquemment en conférence de presse de veille de match, même s'il peut arriver que d'autres s'y présentent", avait déclaré le sélectionneur une première fois, le 15 juin dernier. D'un ton plus ferme, il avait ensuite appuyé, le 6 septembre : "Il n'y a aucune obligation que le capitaine soit toujours là. Je ne pense pas qu'il y aurait eu beaucoup de questions sur le match contre l'Irlande s'il avait été là".
Mbappé protégé au nom du groupe ?
Dans un contexte à vif, marqué par la guerre Hamas-Israël et l'attentat d'Arras, à seulement 50 kilomètres du Stade Pierre-Mauroy qui accueille le match amical contre l'Ecosse, Kylian Mbappé a été suppléé par Mike Maignan lundi. Il a été demandé à Didier Deschamps s'il relevait du rôle d'un capitaine de l'équipe de France de s'exprimer sur des sujets de société. "Pour certains ça va être un devoir, pour d’autres non. Pour moi, chacun est libre de s’exprimer, sur les sujets qu’il souhaite", a assuré "DD", appelant tout de même à ce que la prise de parole soit "modérée".
Rare face aux médias, surtout depuis la dernière Coupe du monde, Kylian Mbappé a déjà prouvé sa capacité à se faire entendre et à affirmer une position, que ce soit dans son attitude concernant son avenir au Paris Saint-Germain ou dans son rôle actif pour la révision de la convention sur les droits à l'image en sélection. Y avait-il une crainte de briser la quiétude de cette équipe de France, tranquillement sur les rails en direction de l'Euro 2024 et habituée à prendre grand soin de sa communication ?
"Kylian n'est pas un fanatique de la prise de parole, même s'il est très à l'aise dans l'exercice. (...) Dans ses flashs de jeunesse, il s'est parfois un peu trop laissé griser. Depuis, il a mis de l'eau dans son vin."
Philippe Tournon, ex-attaché de presse des Bleusà Franceinfo: sport
Pour Luis Fernandez, cinq fois capitaine des Bleus entre 1982 et 1992, "il y a cette volonté de protection, d'un groupe, d'un homme. La vigilance est aussi liée aux réseaux sociaux. Tout ce qui est dit est noté et repris, ou sujet à interprétations". Chaque prise de parole de Kylian Mbappé a une caisse de résonance énorme, qui dépasse largement les frontières de la France. Le moindre petit hic peut entraîner un effet boule de neige.
Une différence majeure avec Hugo Lloris
"Je me rappelle de sa conférence de presse avant la Coupe du monde 2018. On lui avait demandé ce que serait pour une lui une Coupe du monde réussie, sachant que le président Noël Le Graët avait fixé le cap des demi-finales. Il avait répondu qu'une Coupe du monde réussie, c'est une Coupe du monde qu'on gagne. Au retour au camp de base d'Istra, je me souviens que les anciens l'avaient repris en lui disant : 'On espère tous gagner, mais ne le dis pas comme ça, ça va nous retomber dessus si on se plante'", raconte Philippe Tournon, l'historique attaché de presse des Bleus (de 1983 à 2004, puis de 2010 à 2018).
Ce dernier se souvient de plusieurs "couples sélectionneur-capitaine" : la complicité entre Michel Hidalgo et Michel Platini (à une époque où un joueur pouvait passer "45 à 50 minutes devant la presse") ou la complémentarité entre Aimé Jacquet et son joueur Didier Deschamps, qui lui inspire une autre anecdote. "Aimé Jacquet ne se souciait pas du tout de savoir qui allait devant la presse. Didier avait trouvé que lors des matchs de poules de la Coupe du monde 1998, le public était un peu tiédasse. Ce jour-là, il s'était autoproclamé dévolu aux médias et était allé fustiger les costard-cravates, ces mecs qui applaudissent du bout des doigts, pour aller demander au public de faire un peu plus de bruit et de manifester un vrai soutien".
"Le Deschamps sélectionneur sait très bien ce qui se passe dans le groupe, quand et auprès de qui intervenir quand il le faut. Le besoin ne se fait pas sentir d'un capitaine à forte personnalité et qui joue ce rôle de courroie de transmission", analyse Philippe Tournon, pour qui "tout est affaire de personnalités". Que ce soit par son expérience, son caractère ou ses performances sur le terrain, "tout capitaine a un côté leader", rappelle Luis Fernandez qui, comme Mbappé, a été capitaine du PSG et de l'équipe de France. Au-delà des missions évidentes, du port du brassard au dialogue avec l'arbitre, l'essentiel réside dans sa capacité à tirer l'équipe dans le bon sens sur le terrain, de concert avec le sélectionneur.
"Faire en sorte que tout le monde travaille sereinement sur un seul objectif commun, 100% concentré sur le résultat, c'est là que le capitaine est déterminant. C'est aussi de faire en sorte que chacun puisse exprimer son talent et concourir au résultat, qu'il n'y ait pas de problèmes d'ego ou d'arrière-pensées. Parce qu'une ambiance plombée, c'est l'échec garanti", insiste Philippe Tournon, 337 matchs au compteur avec les Bleus. Face aux Pays-Bas, Kylian Mbappé n'a pas eu besoin de prendre la parole pour montrer le chemin vers l'Euro 2024. Il reviendra face aux médias. Lors de sa dernière conférence de presse en équipe de France, le 15 juin, malgré sa situation tendue en club, il avait assuré : "Ce ne sont pas quelques bruits qui vont me faire fuir ma responsabilité".
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