Bosnie - France : les années Ligue 1 de Miralem Pjanic, chef d'orchestre made in France
Il aurait pu être aligné par Didier Deschamps, mais c'est évidemment la Bosnie-Herzégovine qu'il guidera mercredi 31 mars, bien décidé à faire tomber le champion du monde de son piédestal. Miralem Pjanic le rappelait d'ailleurs au micro de Canal + en novembre dernier : "J'aurais pu jouer pour l'équipe de France quand je suis arrivé à Lyon (en 2008). Domenech m'avait appelé, mais j'avais déjà pris ma décision". À l'époque âgé de 18 ans, le milieu de terrain avait poliment rejeté les avances tricolores, mais aussi celles du Luxembourg, où il a grandi jusqu'à ses 14 ans.
Né en Bosnie, élevé au Luxembourg et formé en France
"Mon rêve, c'était la Bosnie. Je sais ce que mon pays a vécu, et voir des supporters aussi fanatiques, pour moi, c'est quelque chose. J'aurais eu mal au coeur que, de l'autre côté, la Bosnie regarde un des siens jouer pour l'équipe de France", s'est justifié celui qui est né à Zvornik en ex-Yougoslavie, ville tristement connue pour les massacres qui ont fait près de 4000 morts entre 1992 et 1995. Des massacres que sa famille avait réussi à fuir juste avant l'explosion de la guerre pour rallier l'Allemagne, puis le Luxembourg.
Après avoir fait ses gammes avec le FC Schifflange et impressionné dans les catégories de jeunes de la sélection luxembourgeoise, il franchit la frontière en 2004 pour parfaire sa formation au FC Metz. C'est là que ce milieu de terrain de petite taille au toucher soyeux fait ses débuts chez les professionnels. En dépit de l'inexpérience de ses 17 ans, l'entraîneur des Grenats Francis de Taddeo n'hésite pas à le lancer dans le grand bain de la première division française contre le Paris Saint-Germain le 18 août 2007 (0-0).
Tout va très vite pour le jeune milieu qui montre directement son aisance dans le jeu de passe ainsi qu'une vision de jeu et des qualités techniques au-dessus de la moyenne. Il signe son premier contrat professionnel seulement trois mois après sa première apparition en Ligue 1. Lors de la saison 2007-2008, Pjanic scintille au sein d'une équipe qui finit bonne dernière et donc reléguée en deuxième division (5 buts et 38 matches pour lui).
À la conquête de Lyon sur le terrain
"À Metz, on a eu Robert Pirès, un joueur incroyable, qui pouvait éliminer tout le monde sur son côté gauche. On a eu Saha, un puncheur, un félin qui rentre dans l'arène. Il y a aussi eu Adebayor, aussi fort en l'air que dans les pieds. Mais Pjanic, c'est autre chose, des moments de talent à l'état pur, d'évidence, d'une beauté subjuguante", s'est souvenu De Taddeo à l'heure d'évoquer celui qu'il appelle encore affectueusement "Miré" dans les colonnes de SoFoot.
C'est une prestation décomplexée et audacieuse contre Lyon en quarts de finale de Coupe de France (défaite 1-0 de Metz), dont ne subsiste qu'une compilation vidéo aussi démodée que pixelisée (voir ci-dessus), qui lui a permis de s'affirmer comme un très grand talent en devenir. Jongles, passe à l'aveugle, frappe de loin et autres gourmandises ont justement tapé dans l’oeil de l'adversaire ce jour-là. À l'issue de sa toute première saison dans l'élite, Miralem Pjanic pose donc ses valises à Lyon, tout juste septuple champion de France.
L'acclimatation n'est pas aisée avec les Gones. Lors de sa première saison dans le Rhône, il est éloigné plusieurs semaines des terrains à cause d'une fracture du péroné et termine la saison sans avoir marqué le moindre but. L'OL n'est pas champion pour la première fois depuis 2001, sans savoir qu'il ne le sera plus jusqu'à aujourd'hui. Mais l'exercice 2009-2010 permet à Pjanic de s'installer parmi les cadres, au milieu de Michel Bastos et Lisandro Lopez, après avoir eu le temps d'apprendre auprès de Juninho. Plus tard, en 2015, le Brésilien le couronnera comme le "meilleur tireur de coup franc" de son époque.
La libération contre le Real
C'est d'ailleurs dans cet exercice qu'il marque son premier pion avec Lyon, face à Anderlecht en barrages de qualification pour la Ligue des champions. Compétition dans laquelle il retrouvera le chemin des filets dans un moment encore plus opportun. Le 10 mars 2010, c'est lui qui offre à l'OL le match nul (1-1) qui élimine le Real Madrid de la compétition lors du huitième de finale retour, d'un but opportuniste du pied gauche. Quelques semaines après, il participe à la première demi-finale de C1 de l'histoire de l'OL contre le Bayern Munich (0-1, 0-3).
D'abord jugé "trop fort" par un Claude Puel tellement impressionné qu'il en perd les mots, Pjanic finit par passer au second plan lors de sa troisième saison lyonnaise. L'arrivée de Yohan Gourcuff l'éclipse et lors de leurs rares associations, la lumière peine à poindre. "L'arrivée de Gourcuff ne m'a pas aidé, surtout que le coach Puel ne voulait pas nous associer. J'étais un deuxième choix. Ça n'a pas été facile à vivre, surtout à mon âge. J'avais besoin d'être rassuré, mais personne n'est venu m'en parler. Je me suis senti écarté", confie-t-il à L'Équipe au printemps 2011.
Quelques mois plus tard, il fait ses valises pour Rome, sans savoir qu'il obtiendra la bénédiction du roi Totti, fan affiché de celui qu'il appellera le "Petit prince". Cinq saisons pleines avec la Louve lui permettent ensuite de rallier la Juventus Turin, où il gagnera ses galons de titulaire, avec quatre titres de champion d'Italie à la clé. Mais l'ascension de "Miré" a connu un coup d'arrêt cette saison avec son arrivée à Barcelone.
L'Italie chavire, l'Espagne se refuse
Il n'a pas réussi à convaincre son entraîneur Ronald Koeman. "Il doit améliorer le rythme du ballon et être plus conscient de sa position sur le terrain", a même publiquement déclaré le Néerlandais. Pas à l'aise dans son placard catalan, Pjanic peut encore s'appuyer sur la sélection bosnienne pour rappeler son pedigree. Buteur contre la Finlande (2-2) puis laissé au repos contre le Costa Rica, il tient contre la France mercredi, l'occasion parfaite d'administrer une piqûre de rappel, presque dix ans après avoir quitté la Ligue 1.
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