Argentine - Grèce 1994 : le dernier but en sélection d'un Diego Maradona survolté, possédé... et dopé
Ce 21 juin 1994, Diego Armando Maradona a rappelé à tous ses plus fervents détracteurs qu'il était bel et bien un joueur d'exception, mais aussi et surtout un être hors du commun. S'il est une chose dont le temps nous a permis d'en être certains, c'est que l'Argentin n'était pas un footballeur comme les autres. Par son talent évidemment et son génie, mais aussi par sa passion dévorante et sa folie communicatrice autour du ballon rond. Et en cette première journée d'été, pour l'entrée en lice de l'Argentine en Coupe du monde, le premier et finalement unique messie de l'Albiceleste a rugi une nouvelle fois. Son dernier cri. Un véritable chant du cygne à l'image du personnage tantôt admiré, tantôt décrié. Une interprétation marquée de toute sa rage surhumaine, de toute sa folie et de tout son amour excessif pour ce maillot bleu et blanc qui lui était si cher.
Le vrai visage de Dieu
Sitôt son but validé, il se rue à pleines cannes vers la caméra et pousse un cri presque bestial. Son visage est méconnaissable. Mi-ange, mi-démon, Maradona est sorti de ses gonds. Les traits grossis par sa soif de revanche envers lui-même, et envers ceux qui doutent encore de son aura. Un homme marqué assurément par les excès de sa vie, mais résolument déterminé à mener sa nation au triomphe, et son peuple vers la terre promise. Une version bien à lui du chef d'œuvre d'Edvard Munch, Le Cri. Une célébration irréelle, mais presque aussi célèbre que sa main de Dieu.
En bon capitaine, il avait ainsi crucifié ses adversaires grecs d'une frappe magistrale, une météorite propulsée à pleine vitesse dans la lucarne lui permettant ainsi d'inscrire son 34e but en sélection. Cette réalisation d'anthologie - et ça ne pouvait pas en être autrement - aura été sa dernière avec "son" Argentine. Car pour Diego Maradona, plus haut était le sommet de son art, bien plus virulente était sa chute.
Dieu vaincu par ses démons
Ce dernier cri aura finalement réveillé et fait ressurgir ses démons. Un baroud d'honneur imprévu qui vint précéder, et malheureusement dissimuler, un nouveau contrôle positif à un test antidopage opéré quatre jours plus tard, en amont de sa 91e et dernière sélection (Argentine - Bulgarie, 2e journée de la phase de groupes de la Coupe du monde 1994, ndlr). Le 30 juin 1994, le verdict tombe : un mélange explosif composé de d'éphédrine, de noréphédrine, de phénylpropanolamine, et de méthéphédrine est retrouvé dans son sang. Un peu plus d'un an après son retour en grâce suite à sa première suspension de 15 mois pour possession et usage de cocaïne, El Pibe de Oro est une nouvelle fois pris la main dans le sac. Le Dieu du foot ne trompe plus personne, et ne s'en relèvera plus jamais. Même sa fédération, qui l'adule autant que ses fidèles, est contrainte de le suspendre avant que la FIFA s'en charge officiellement plusieurs semaines après la Coupe du monde (nouvelle suspension de 15 mois, ndlr).
Une fin tragique pour l'homme le plus vénéré de l'Argentine, mais tellement prévisible. L'ancienne star de Boca Junior et de Naples s'était pourtant requinquée comme jamais avant la compétition, promettant même à "son peuple une victoire finale aussi grande et éclatante" que la précédente en 1986. Finalement, ses démons et son addiction aux produits illicites lui auront été fatales. En quête permanente d'une ultime résurrection (il avait encore tenté de revenir pour le Mondial 98 en France, ndlr), Diego Maradona se rendra enfin coupable d'un troisième et dernier contrôle positif en 1997 alors qu'il était retourné au pays, chez lui à Boca. L'écart de trop qui provoqua son retrait définitif des pelouses, à un peu plus de 36 ans. Cette surface qui lui donna tant, et qui lui permit d'au moins autant offrir. Génie du jeu, apôtre du beau geste et adulé dans le monde entier du football, Diego Maradona a été proclamé Dieu du ballon rond. Mais un dieu possédé...
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