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Mondial : comment jouer dans l'enfer de la forêt amazonienne ?

Quatre matchs de la Coupe du monde vont se dérouler au stade Arena Amazonia de Manaus, où les joueurs devront supporter une température pouvant dépasser les 40°C et un taux d'humidité moyen de 80%.

Article rédigé par Fabien Magnenou
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Vue aérienne du stade de foot de l'Arena Amazonia de Manaus (Brésil), le 7 mars 2014, deux jours avant son inauguration.  (BRUNO KELLY / REUTERS)

A Manaus, on dit qu'il y a deux saisons : l'été et l'enfer. Ici, le taux d'humidité moyen est de 80% et la température peut dépasser les 40°C. Autant dire que le stade amazonien fait figure d'épouvantail pour les huit équipes qui auront le malheur de fouler sa pelouse, au cœur de la fournaise.

L'Angleterre, par exemple, doit y affronter l'Italie le 14 juin. L'opinion publique est à ce point inquiète qu'une marque de boisson énergétique a recréé ces conditions dantesques dans une tente spécialement conçue. Publicité garantie et verdict implacable : après 10 minutes de jeu, le journaliste du Telegraph (en anglais) a préféré regagner le banc, sous les yeux de l'ancien international anglais Steve McManaman. Lequel estime que "le niveau ambiant d'humidité va ralentir [les joueurs]. L'herbe va même leur sembler plus haute et plus épaisse." Difficile dans ces conditions de disputer un match de football ? Francetv info livre quatre conseils pour affronter un environnement aussi hostile.

1 Se préparer au pire

Jusqu'à 24-25°C, les préparateurs physiques parlent d'ambiance "neutre". Au-delà, dans les ambiances chaudes, l'organisme du sportif doit s'acclimater plusieurs jours avant l'épreuve. Le sélectionneur anglais Roy Hodgson a donc forcé ses joueurs à s'entraîner avec trois couches de vêtements sur le dos, sans compter les demi-heures passées à pédaler dans un sauna. Certains ont perdu 2 kg par séance. Cerise sur le gâteau, la préparation s'est achevée en Floride, avec un match amical contre le Honduras interrompu par un orage.

"En Australie, il faut à peu près quatre ou cinq jours pour s'acclimater à 90%", analyse Christophe Hausswirth, responsable du département recherche à l'Insep, contacté par francetv info. A Clairefontaine, depuis novembre 2013, une chambre thermique permet désormais aux athlètes de se préparer dans la sueur et la bonne humeur, jusqu'à 45°C. Dans de telles conditions, les parties basses du poumon sont moins bien ventilées et on respire alors "du haut du corps", précise Christophe Hausswirth. D'où cette sensation de suffocation, au bout de quelques minutes.

2 Boire beaucoup et manger salé

Le joueur britannique Seth Burkett a bien connu cette souffrance, lui qui s'est exilé dans la province amazonienne du Mato Grosso, au cours de la saison 2009-2010. "Après 10 minutes de jeu, je pensais sincèrement que j'allais m'évanouir", explique-t-il aujourd'hui dans son livre, The Boy in Brazil (éd. Floodlit Dreams, en anglais). Dans des conditions encore pires qu'à Manaus, il lui a fallu deux mois et "beaucoup de sel" pour s'acclimater, un complément important pour lutter contre les effets de la transpiration. "Le déficit en sodium perturbe la contraction musculaire, ce qui entraîne des crampes", explique Christophe Hausswirth.

A Manaus, donc, les joueurs risquent de se tordre de douleur bien avant la fin du match, "sauf s'ils peuvent aller s'hydrater dès qu'ils le peuvent, sans prévenir l'arbitre". Lors de la Coupe des confédérations au Brésil, en juin 2013, les joueurs ont déjà dû improviser. Si vous regardez bien les images (...), vous verrez que tout le monde se rue à chaque fois" vers les boissons quand le ballon sort du terrain, expliquait alors Cesare Prandelli. "Le problème, c’est que les joueurs vont frapper la balle en corner juste pour pouvoir boire”, ironisait le sélectionneur italien.

Pour éviter le grand n'importe quoi, les arbitres auront la possibilité de siffler une pause pendant le match en première et seconde période pour laisser les joueurs s’hydrater... et s'essuyer la peau. Car avec l'humidité ambiante, les pores finissent par se boucher et la sudation est bloquée. Le corps perd donc l'outil qui lui permet de faire baisser sa température et se transforme en cocotte-minute. Le danger est sérieux, même "s'il n'y a pas de risques outre-mesure" pour des sportifs aussi bien préparés.

3 Calculer ses efforts

La chaleur a des conséquences sur le corps et donc sur le jeu pratiqué. Elle risque de diminuer "l'attention sélective" de la star anglaise Wayne Rooney et consorts, qui ne seront "plus capables d'apporter la même attention aux faits qui méritent un court temps de réaction, précise Christophe Hausswirth. Si je suis attaquant et que je dois anticiper la passe d'un coéquipier, il va peut-être me manquer les 300 millisecondes qui feront la différence." La chaleur, en revanche, ne semble pas avoir d'impact sur la qualité technique des joueurs.
 
Autre conséquence directe de la météo, l'organisme va tenter de trouver un confort thermique, quitte à lever le pied, même inconsciemment. Les distances parcourues sur le terrain sont moindres et le jeu s'en trouve ralenti. "La différence avec l'Espagne et l'Italie, où il fait parfois très chaud, c'est que l'humidité peut augmenter la température ressentie de 3 ou 4°C." De quoi inviter à la prudence en début de partie, histoire de ne pas finir dans les choux.

4 Privilégier la récupération

Les préparateurs physiques évoquent une petite révolution. Certaines équipes – comme l'Espagne ou le Brésil – vont porter des gilets bourrés de glace pour se préparer à l'effort (pre-cooling), baisser la température corporelle à la mi-temps et optimiser leur récupération. Au total, quelque 120 athlètes français en ont déjà tiré bénéfice lors des JO de Pékin de 2008, où la température était de 30°C et l'humidité de 80%. Les Bleus l'ont étrennée un peu plus tard, en Ukraine, pour l'Euro 2012.

Veste ou non, les joueurs risquent d'avoir une sacrée surprise s'ils passent sur la balance après le match. "Ils vont perdre entre 3 et 4 kg environ, glisse Christophe Hausswirth. Les tennismen peuvent perdre 5 kg lors de certains matchs, alors que le temps de jeu effectif est de 20 minutes environ par heure." Pour autant, inutile de vider d'une traite une bouteille d'eau minérale. "La 'vidange' en eau d'un estomac est de 800 ml par heure", précise le responsable du département recherche à l'Insep. Il faut donc s'armer de patience, quitte à ajouter un peu de sucre pour aider l'organisme à assimiler le tout.

En résumé ? Des matchs disputés piano piano, avec des joueurs sujets aux crampes et maladroits dans le dernier geste. Jugeant "irresponsable de disputer une rencontre au milieu de l'Amazonie", le sélectionneur de la Suisse Ottmar Hitzfeld s'en est pris à la Fifa, en janvier, regrettant "que le côté commercial [ait] pris le dessus". Et dire qu'en 2022, au Qatar, la température pourra atteindre 50°C... "A ce niveau-là, aucune acclimatation n'est possible, tranche Christophe Hausswirth, qui a participé à un congrès dans l'émirat. C'est carrément injouable."
 

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