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Mini-golf, femmes prohibées et adoption de chien... la recette brésilienne pour gagner un Mondial

Malgré une réputation sulfureuse, la sélection auriverde est considérée comme la meilleure équipe au monde. Francetv info vous livre les clés de ses succès.

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Les joueurs du Brésil Ronaldo (de dos), Roberto Carlos (à droite) et Ronaldinho célèbrent un but lors de leur 8e de finale contre le Ghana, à Dortmund (Allemagne), le 27 juin 2006.  (MEXSPORT / AFP)

Le Brésil, qui débute jeudi son Mondial face à la Croatie, a disputé sept finales de Coupe du monde, en a gagné cinq, et n'a jamais manqué cette compétition depuis son inauguration en 1930. Et pourtant, l'équipe auriverde traîne une image de sélection ingérable et ses joueurs pâtissent d'une réputation de fêtards invétérés soumis à une pression populaire étouffante. Mais comment le Brésil réussit-il malgré tout à être la meilleure équipe du monde ? Éléments de réponse.

Un an avant la compétition : nommer un journaliste sélectionneur... et le virer

Imaginez qu'en plein marasme post Euro 2008, la Fédération française de football décide de remplacer Raymond Domenech par le journaliste Pierre Ménès au poste de sélectionneur. Un fantasme ? Le Brésil, lui, l'a fait, en 1970. "Joao Saldanha critiquait tellement la sélection que la fédération a fini par le nommer sélectionneur", se souvient le membre du staff Francisco Marios, dans le Los Angeles Times (en anglais). Cet ancien joueur devenu journaliste n'a qu'une petite carrière de coach quand il prend les rênes de l'équipe nationale, à un an de la Coupe du monde. La phase de qualification est une promenade de santé ponctuée de six victoires pour aucune défaite. A l'approche du Mondial, il prend sa première décision forte : éjecter Pelé de la sélection. "Hors de forme", tranche-t-il. Les militaires au pouvoir ne l'entendent pas de cette oreille et le poussent à la démission avant le début de la compétition... remportée par le Brésil grâce à un but de Pelé en finale.

Lors de la préparation : faire fuir les femmes de l'hôtel

Suède, 1958. Le Brésil n'a pas le droit à l'erreur, après une finale perdue à domicile en 1950 et un camouflet en 1954. La victoire est impérative, les autorités brésiliennes mettent les grands moyens. Un psychologue analyse chaque joueur – l'équipe de France a introduit cette pratique sous Laurent Blanc, en 2010 – et les médecins de la sélection recommandent de ne pas soumettre les joueurs aux tentations. Première mesure : les 28 femmes composant le personnel de leur hôtel de Göteborg sont remplacées par des hommes pendant la durée de la compétition. Deuxième mesure : demander à la colonie nudiste voisine de vivre à l'abri de paravents, pour éviter toute convoitise, raconte Alex Bellos, auteur de Futebol, The Brazilian Way Of Life (en anglais). Bonne idée : le Brésil remporte ce Mondial. 

Pendant le Mondial : s'enguirlander avec le président

Le job de sélectionneur du Brésil est plus exposé que celui de chef de l'Etat. En 1994, aux Etats-Unis, Carlos Alberto Parreira se souviendra longtemps de son retour à l'hôtel après un nul 1-1 contre la Suède au premier tour. A la réception, on lui délivre les messages de la soirée : "Excusez-moi, Monsieur Parreira, mais un Monsieur Pelé a cherché à vous joindre. Il dit qu'il faudrait faire six changements dans l'équipe pour le prochain match, et se tient à votre disposition pour en parler. Monsieur Itamar Franco, qui prétend être le président du Brésil, vous fait parvenir ses salutations et suggère d'aligner un troisième attaquant au prochain match. Votre mère aussi a appelé. Elle voudrait que vous fassiez jouer Ronaldo, si ça ne vous ennuie pas", raconte le sélectionneur au New York Times (en anglais).

En quart de finale : adopter un chien

Le quart de finale du Mondial 1962, opposant l'Angleterre au Brésil (1-3), n'est pas entré dans l'histoire pour le scénario de la rencontre, mais pour un incident bizarre survenu en fin de match. A quelques minutes du coup de sifflet final, un chien pénètre sur le terrain et sème un par un tous les défenseurs anglais, qui essaient de le rattraper. Sauf Jimmy Greaves, qui s'empare de l'animal. Vexé, ce dernier lui pisse dessus. Amusé par l'incident, le fantasque ailier du Brésil Garrincha décide d'adopter l'animal. "Il l'a ramené au Brésil, raconte Jimmy Greaves dans une des nombreuses interviews où on lui a demandé de raconter l'incident. Là-bas, je suis connu comme l'homme qui attrapé le chien de Garrincha !"

Deux jours avant la finale : changer de maillot

Jusqu'en 1950, le Brésil évoluait en blanc. Après la terrible défaite contre l'Uruguay, en finale de la Coupe du monde, la fédération a lancé un grand concours pour changer les couleurs : le maillot jaune associé à un short bleu et des chaussettes blanches est adopté. Tout se passe pour le mieux jusqu'en finale de la Coupe du monde 1958. Les Brésiliens affrontent la Suède, pays hôte... qui évolue en tunique jaune et short bleu. Réunion d'urgence au sommet : pas question de ressortir les maillots blancs maudits pour jouer cette finale, raconte le site de la Fifa (en anglais)

Le tour d'honneur de l'équipe du Brésil, après sa victoire à la Coupe du monde 1958, à Stockholm (Suède). (GAMMA - KEYSTONE / GETTY IMAGES)

Une opération-shopping est organisée dans le centre-ville de Stockholm : les joueurs choisissent finalement un maillot bleu, couleur de la sainte patronne du Brésil, Notre Dame d'Aparecida. Le Brésil remporte la finale 5-2.

La veille de la finale : improviser un mini-golf nocturne

C'est Luiz Felipe Scolari, le sélectionneur de l'équipe en 2002, qui raconte l'anecdote, dans le magazine FourFourTwo (en anglais) : "Mes joueurs avaient du mal à dormir. Je les ai trouvés en train de jouer au mini-golf dans le couloir de l'hôtel. Au lieu de renvoyer tout le monde au lit, en les sermonnant sur l'importance du match du lendemain, je suis resté à les regarder, en les chambrant sur leur faible niveau. Vers 2 heures du matin, ils étaient plus détendus, et sont allés au lit. Tous ont bien joué le lendemain contre l'Allemagne [victoire 2-0]." La preuve qu'il y a des points communs entre "mono" de colonie de vacances et sélectionneur du Brésil...

Après la victoire : dribbler la douane

En 1994, le Brésil met fin à vingt-quatre années sans titre mondial. Une éternité. Surfant sur l'euphorie de la victoire, le président de la fédération brésilienne Ricardo Teixeira, et certains joueurs de l'équipe, demandent à ne pas être contrôlés à l'aéroport de Rio de Janeiro. Teixeira menace d'annuler la parade en bus dans les rues de la capitale si les douaniers mettent leur nez dans les containers. Ce sont ainsi 17 tonnes de produits électroniques qui sont importés illégalement au Brésil. Dans le tas, une tireuse à bière, que le président de la fédération destinait à un café qu'il venait d'acquérir. L'affaire sera finalement jugée en 2009, précipitant la chute de Teixeira, rapporte le Daily Telegraph.

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