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Coupe du monde : Luis Suarez, le roublard prêt à tout pour faire gagner l'Uruguay

L’avant-centre de Liverpool représente la meilleure chance de la Celeste de se qualifier. Sa "grinta", son engagement total et ses coups tordus pourraient faire la différence, mardi soir, contre l'Italie.

Article rédigé par Boris Jullien
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Luis Suarez, en pleurs après son deuxième but contre l'Angleterre, le 19 juin 2014, à Sao Paulo (Brésil), lors de la Coupe du monde. (FRANCOIS XAVIER MARIT / AFP)

C’est un nouveau "miracle" uruguayen. Mal embarqué en ce début de Mondial après sa défaite inaugurale face au Costa Rica (3-1), l’Uruguay a renversé la tendance contre l’Angleterre (2-1), grâce à deux buts de son goleador, Luis Suarez, tout juste revenu de blessure. La Celeste peut encore espérer se qualifier pour les huitièmes de finale de la Coupe du monde si elle gagne contre l’Italie, mardi 24 juin, dans le groupe D. Cette petite nation de trois millions d’habitants au palmarès footballistique long comme le bras, qui a remporté plus de Copa America que les géants voisins que sont l’Argentine et le Brésil y croit. D'autant que sa vedette est prête à tout pour y parvenir.

Un instinct de survie

"Comme on dit chez nous, c’est quand les patates sont cuites que l’on montre vraiment ce qu’on a dans le ventre", rappelait Luis Suarez en 2011 dans une interview à SoFoot.com. Avant Angleterre-Uruguay, le président "Pepe" Mujica avait aussi déclaré dans The Telegraph (en anglais) : "Nous sommes capables de perdre les matchs les plus faciles et de gagner les plus compliqués." Une manière de résumer la garra charrua, la marque de fabrique de la Celeste. Autrement dit, une faculté à se révéler dans les moments les plus difficiles. Un instinct de survie, en somme.

Luis Suarez symbolise cet état d’esprit combatif. Sa grinta, son sens du but, et son engagement total pour la victoire - quitte à ne pas respecter les règles - constituent probablement la meilleure chance de se qualifier pour l'Uruguay. En 2010, lors du Mondial en Afrique du Sud, il utilise sciemment, à la 120e minute d'un incroyable quart de finale contre le Ghana, ses deux mains pour arrêter, sur la ligne de but, un ballon ghanéen qui file droit vers le fond de la cage. Carton rouge logique et penalty à suivre. Plutôt qu'une défaite certaine, il préfère ainsi offrir à son équipe un sursis dans les derniers instants. Gyan Asamoah a la balle de match au bout du pied. Et c'est manqué. Sur le bord du terrain, Suarez exulte comme s'il avait marqué. Il a raison : ses coéquipiers finissent par l'emporter au terme de la séance de tirs au but. Certains lui reprochent d'avoir triché. Lui n'y voit rien de mal. Son capitaine, Diego Forlan, non plus : "C'est incroyable, affirme-t-il après la rencontre. Plutôt que de marquer un but, cette fois, il en a arrêté un."

Il a les crocs  

Luis Suarez est comme cela. L'avant-centre de Liverpool a ce petit vice en plus qui fait de lui un joueur aussi adoré par les fans de son équipe que détesté des supporters adverses. Elu meilleur joueur de la Premier League anglaise, auteur de 31 buts en championnat cette saison, l'Uruguayen fait régulièrement les gros titres de la presse britannique. Car ses "performances" sur le terrain suscitent aussi le scandale. Quand il mord le bras de Branislav Ivanovic, le défenseur de Chelsea, par exemple. Ou quand il s'écharpe avec le Français Patrice Evra, et laisse échapper une insulte raciste. Le Daily Mail (en anglais) le compare à Diego Maradona. "Il existe des raisons valables de ne pas souhaiter qu'il devienne un modèle pour votre enfant", écrit le journal anglais.

Agressif, mauvais joueur, simulateur, dit-on, Luis Suarez fait tout pour gagner. Surtout le sale boulot. Des traits de caractère qu'il tourne en dérision pour un spot publicitaire dans lequel son comportement sur le terrain est transposé dans le monde de l'entreprise. 

"S'il faut insulter, plonger, faire une faute, il le fait", confirme son ancien entraîneur à Groningue (Pays-Bas), Ron Jans, dans So Foot n°113. Comme contre le Ghana en 2010, quand il se sacrifie, en sachant qu'il sera suspendu pour la demi-finale de la Coupe du monde. Et son premier coach en Europe de continuer : "Avec lui, le football n'est pas une guerre, mais presque. Il est obnubilé par la victoire. Je n'approuvais pas toujours ce qu'il faisait, mais j'aimais sa mentalité." Pour ces raisons, Suarez est un héros national en Uruguay, un joueur adulé.

Un plan irrationnel typique d'un ado

D'aucuns disent que Luis Suarez joue au football comme si sa vie en dépendait. Né à Salto, une petite ville de l'Uruguay, il grandit dans les quartiers défavorisés. A l'âge de 7 ans, la famille déménage à Montevidéo, la capitale. Quelques années plus tard, les parents divorcent. Puis son père, alcoolique, abandonne sa mère, ses deux sœurs, ses trois frères et lui. Dans ce contexte, le football représente une chance de s'extraire de la pauvreté. "Suarez entre dans l'adolescence. Il commence alors à sécher l'entraînement, à boire, à sortir tard le soir. Il est perdu", raconte Wright Thompson dans une longue enquête sur le passé de Suarez publiée sur ESPN (en anglais). "Son coach traîne souvent Suarez à l'entraînement. Le garçon jouait déjà avec la rage qu'on lui connaît aujourd'hui, mais sans la détermination et sans la grâce. Il gâchait sa vie." Jusqu'à ses 15 ans, lorsque Suarez rencontre Sofia Balbi.

Il tombe amoureux. Et s'assagit au côté de la jeune fille. L'histoire est trop belle. Sofia doit quitter l'Uruguay et émigre en Espagne. "Il aurait pu continuer de travailler et balayer dans la rue, et ne jamais se payer un billet d'avion. Malade d'amour, il a ainsi concocté un plan complètement irrationnel typique d'un adolescent : se consacrer au football, s'entraîner sans cesse et devenir assez bon pour se faire une place dans une équipe européenne", explique ESPN. Et cela a marché. Suarez est aujourd'hui marié à Sofia et père de deux enfants. Et le reporter américain Wright Thompson de conclure, assez justement : "Quand un défenseur vient sur lui, Suarez ne réagit pas comme s'il voulait lui piquer la balle. Il réagit comme si un défenseur essayait de le renvoyer à sa pauvreté dans les rues de Montevideo, seul."

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