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Coupe du monde 2018 : si vous ne voulez pas passer pour un "footix", voici les dix phrases à ne pas prononcer

Pour vous éviter de vous faire renvoyer dans les buts par vos amis lors du Mondial, franceinfo vous aide à éviter les préjugés classiques.

Article rédigé par Clément Parrot
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 16min
Des supporters français lors de l'Euro de football en France, le 7 juillet 2016, à Marseille. (GERARD BOTTINO / CROWDSPARK / AFP)

Comme tous les quatre ans, le monde du football s'apprête à vibrer au rythme des petits ponts, talonnades et reprises de volée. Le 14 juin, le coup d'envoi de la Coupe du monde sera sifflé en Russie. Le début aussi de longues conversations sur le style de jeu de l'équipe de France et de débats sur le meilleur joueur de la compétition. 

Devant l'écran, calé entre une bière et un bol de cacahuètes, il est aisé de se laisser aller à quelques poncifs. Au troisième verre, vous pourriez passer pour un "footix" – terme hérité de la Coupe du monde 98 qui désigne le plus souvent un néo-supporter pensant tout savoir. Pour éviter le ridicule avec ses amis devant les matchs, voici dix phrases à bannir de son vocabulaire.

1"Avec la vidéo, on ne va plus avoir de problèmes d'arbitrage !"

Pour la première fois lors d'une Coupe du monde, les arbitres auront la possibilité de faire appel à l'arbitrage vidéo dans quatre cas de figure : après un but, sur une situation de penalty, pour un carton rouge direct ou pour corriger l'identité d'un joueur sanctionné. Il peut être tentant de croire que cette innovation permettra de réduire à néant les contestations et les injustices qui ont accompagné l'histoire du football (l'Angleterre n'a pas oublié Maradona et sa "main de Dieu" lors du Mondial 86), mais le dispositif reste très controversé.

Les pourfendeurs de ce système regrettent l'allongement de la prise de décision arbitrale, qui nuirait aux émotions, et critiquent aussi l'efficacité du dispositif. "Ça ne donne pas satisfaction", estime Saïd Ennjimi, ancien arbitre international interrogé par franceinfo. Il constate que cette technologie ne supprime pas les contestations, bien au contraire, notamment pour déterminer une faute dans la surface. Il cite ainsi le cas récent la demi-finale de Ligue des champions entre le Real Madrid et la Juventus. L'arbitrage vidéo n'était alors pas utilisé, mais le penalty accordé au Real dans les ultimes minutes de la rencontre continue de faire débat. Et peu importe le ralenti ou l'angle de la caméra.  

2"De toute manière, à la fin, c'est l'Allemagne qui gagne"

On doit ce célèbre adage à une petite phrase de l'attaquant anglais Gary Lineker. Ce dernier commentait la défaite de son pays aux tirs aux buts face à l'Allemagne de l'Ouest en demi-finale du Mondial, en 1990. Depuis, la phrase ressort régulièrement à chaque affrontement face à la Mannschaft. Certes, l'équipe d'Allemagne est championne du monde en titre et détentrice de quatre Coupes du monde (en prenant en compte les victoires de la RFA, avant 1990). C'est autant que l'Italie et juste derrière les cinq trophées du Brésil. Avec huit participations, les Allemands détiennent aussi le record du nombre de finales de Coupe du monde.

Mais les cousins germaniques ne sont pas pour autant invincibles. Ils ont notamment perdu quatre fois en finale de Coupe du monde (en 1966, 1982, 1986 et 2002). Le succès de l'Espagne en demi-finale du Mondial 2010 ou celui de l'Italie en demi-finale en 2006 confirment que la Mannschaft est heureusement faillible. Côté français, la victoire des Bleus lors de l'Euro 2016 a permis de mettre fin à une période de presque soixante ans de domination allemande lors des compétitions officielles. Le football est donc un sport qui se joue à onze contre onze et, à la fin, c'est le meilleur qui gagne.

3"La France ferait mieux de jouer en 4-4-2 plutôt qu'en 4-3-3"

Comme le détaille L'Equipe, le 4-3-3 (4 défenseurs, 3 milieux et 3 attaquants) est un système qui permet d'asseoir son contrôle et sa maîtrise du jeu au milieu, d'effectuer un pressing haut et de favoriser la créativité avec des permutations des attaquants et des milieux. Le 4-4-2 est un système simple à mettre en place, qui laisse peu d'espace aux adversaires et permet de s'adapter facilement à l'adversaire. Depuis sa prise en main de l'équipe de France, Didier Deschamps est un adepte du 4-3-3 et il devrait rester fidèle à ce système, comme le souligne le journaliste spécialisé Christophe Kuchly, coauteur du livre Les Entraîneurs révolutionnaires du football (2017, éditions Solar), interrogé par franceinfo : "C'est mieux d'avoir une idée et de s'y tenir, plutôt que de changer à chaque match."

Au bout de deux ans de préparation, on se doit d'avoir quelques certitudes sur le dispositif tactique.

Christophe Kuchly

à franceinfo

Et de toute manière, le dispositif ne fait pas tout. "Le système, c'est 50% de la réalité du terrain, poursuit Christophe Kuchly. Il faut aussi regarder les joueurs qui composent ce système. Un 4-3-3 avec Griezmann en pointe, ce n'est pas la même chose qu'un 4-3-3 avec Giroud devant. Le système, sans l'animation qui va avec, ça ne représente rien."

4"La meilleure défense, c'est l'attaque"

Le principe est connu : pour éviter de subir les assauts de l'adversaire, mieux vaut garder la maîtrise du ballon et attaquer. Le concept n'est pas absurde et certains grands entraîneurs en sont adeptes. Pep Guardiola, l'actuel coach de Manchester City, joue ainsi régulièrement le "tout pour l'attaque", comme le détaille Eurosport. En mars 2017, à la veille du match retour contre Monaco lors du 8e de finale de Ligue des champions, après avoir gagné 5-3 à l'aller, il déclare : "Il faudra attaquer autant que possible et marquer (...). Se contenter de défendre serait une erreur fatale." Mais il perd finalement le match et Monaco se qualifie.

Le "tout pour l'attaque" n'est donc pas toujours la meilleure stratégie. "La meilleure défense, selon moi, c'est de garder la possession du ballon, mais il faut les joueurs techniques pour cela, commente Christophe Kuchly. La meilleure défense, c'est de garder un certain équilibre et d'être capable d'aller chercher l'adversaire un peu haut pour rester menaçant. En tout cas, il ne faut pas garer le bus en se mettant à 10 derrière."

Dans l'histoire de la Coupe du monde, ce ne sont pourtant pas toujours les équipes offensives qui sont parvenues à soulever le trophée. L'Italie, au Mondial 2006, a prouvé que la solidité défensive pouvait suffire. Cette année-là, avec le système du catenaccio ("verrou" en italien), la Squadra azzura a marqué douze buts en sept matchs et n'en a encaissé que deux. Les joueurs ont aussi souvent laissé la balle à l'adversaire en terminant avec une possession de 48,5%. La France en 1998, avec un grand nombre de joueurs issus du championnat italien, a également choisi de miser sur cette rigueur défensive et n'a pris que deux buts en sept matchs. 

Laurent Blanc embrasse le crâne de Fabien Barthez dans un geste devenu rituel, le 28 juin 1998, au stade Félix Bollaert, à Lens (Pas-de-Calais). (PHILIPPE HUGUEN / AFP)

5"Avec Benzema à la place de Giroud, ce serait quand même mieux pour les Bleus !"

L'antienne revient à chaque nouvelle liste des Bleus. Depuis octobre 2015, Karim Benzema n'a plus été appelé en équipe de France en raison de l'affaire de la sextape pour laquelle l'attaquant madrilène a été mis en examen. Les pro-Benzema soulignent les performances réalisées avec le Real Madrid et les trois Ligues des champions remportées consécutivement, mais cela ne convainc pas Christophe Kuchly : "2018 n'est pas la bonne année pour rouvrir le débat Benzema, car mis à part son dernier mois, il a alterné cette saison entre le moyen, le médiocre et le très mauvais." 

Pour se justifier de son choix, Didier Deschamps a répété à de nombreuses reprises qu'il préfère miser sur l'équilibre de son groupe plutôt que sur le talent individuel de Karim Benzema. Mais cette situation a pour conséquence de mettre Olivier Giroud sous pression. L'attaquant de Chelsea est dans le viseur des supporters à chaque contre-performance. Pourtant, avec 31 buts en 73 sélections (soit un ratio de 0,42 but par match), Giroud n'a rien à envier en termes de statistiques à Benzema (27 buts en 81 matchs, soit un ratio de 0,33). Mais, surtout, dans sa capacité à jouer en pivot dos au but, l'attaquant de Chelsea offre une autre option et s'est révélé complémentaire avec Antoine Griezmann.

Prendre Benzema à la place de Giroud, ce serait avoir un sous-Griezmann en attaque et se priver d'un profil différent avec Giroud.

Christophe Kuchly

à franceinfo

6"Plus on tire, plus on marque"

Pour marquer un but, tout jeune joueur sait qu'il est nécessaire de tirer et de cadrer. Mais la corrélation entre le nombre de tirs et le nombre de buts n'est pas évidente. "Tout dépend de l'endroit où vous allez tirer. Si vous frappez au-delà de 20-25 mètres, l'intérêt est assez limité. Mieux vaut frapper de temps en temps dans la surface, que régulièrement de loin", analyse Christophe Kuchly .

Par exemple, en considérant les finales des dix dernières Coupes du monde (mise à part celle de 1994, où le Brésil et l'Italie n'ont pas marqué de but), le nombre de tirs nécessaires pour marquer un but varie considérablement.

Comme le rappelle le livre Opta Coupe du monde (de Kevin Jeffries et Loïc Moreau, 2018, Solar éditions), il a fallu 23 tirs à l'Allemagne en 1990 pour marquer le but victorieux à la 85e minute, et encore, sur un penalty. A l'inverse, en 1986, l'Argentine parvient à marquer à trois reprises en ne tirant que dix fois au but (soit un ratio de 3,33). Autre exemple : en 2002, l'Allemagne tire 19 fois, contre seulement 11 fois pour le Brésil, et c'est pourtant les coéquipiers de Ronaldo et Ronaldinho qui finissent par l'emporter 2-0. 

Coupe du monde
Infogram

7"A part le Brésil et l'Espagne, y a pas vraiment de belles équipes"

Certes, le Brésil et l'Espagne s'avancent en tant que favoris de la compétition. Ces deux équipes ont raté leur Mondial 2014, mais semblent bien mieux armées cette année. Avec des styles différents, mais fortes d'effectifs impressionnants et de matchs de préparation convaincants, elles figurent en compagnie de l'Allemagne en tête des meilleures cotes des sites de paris sportifs. Mais ce serait un tort de se contenter de regarder les matchs brésiliens et espagnols lors de ce Mondial en Russie. "Ce qui est intéressant avec une Coupe du monde, c'est de découvrir des équipes, comme le Costa Rica lors de la dernière édition", estime Christophe Kuchly.

En dehors des autres têtes d'affiche comme la France ou l'Argentine, ce journaliste spécialisé conseille les matchs du Pérou et de la Colombie, deux formations sud-américaines séduisantes dans le jeu ces derniers mois. Il invite aussi à se pencher sur les outisders croates et polonais et avoue sa curiosité pour l'Iran – une équipe composée de joueurs performants dans les championnats européens. Les équipes africaines ont également de quoi produire du spectacle, que ce soit l'Egypte de Mohamed Salah ou le Sénégal de Sadio Mané.

8"On ne relance jamais dans l'axe"

Ceux qui ont eu l'occasion de fouler les pelouses pour des matchs amateurs ou d'équipes de jeunes ont forcément déjà entendu un entraîneur hurler du bord du terrain : "Jamais dans l'axe !" Un dégagement ou une relance dans l'axe de la défense prend le risque de se transformer en passe décisive pour l'adversaire. L'adage est d'ailleurs revenu à l'occasion de la finale de Ligue Europa entre Marseille et l'Atlético Madrid, où un contrôle raté de Franck Zambo Anguissa sur une passe dans l'axe de Steve Mandanda a permis aux Madrilènes d'inscrire leur premier but. Sans doute le tournant du match.  

Mais en réalité, une passe dans l'axe est tout sauf un interdit et permet même souvent aux équipes de se sortir du pressing pour relancer. "C'est un truc qui est dépassé depuis des années", estime ainsi le journaliste Raphaël Cosmidis, qui intervient dans l'émission "Vu du banc" disponible en podcast. "Relancer dans l'axe, c'est souvent la meilleure solution, ça t'évite de t'enfermer dans les côtés", ajoute Christophe Kuchly.

Les exemples de relances propres qui permettent de casser une ligne adverse et de se sortir du pressing ne manquent pas, comme dans cette séquence avec l'équipe de Manchester City face à l'équipe d'Huddersfield. Silva et Fernandinho attirent les milieux adverses, ce qui permet au gardien Ederson Moraes de réaliser une superbe passe dans l'axe, donnant l'occasion à Manchester de lancer une contre-attaque.

9"Cette faute, ça ne se siffle pas en Angleterre !"

Le football anglais est connu pour être plus rugueux, les arbitres laissant beaucoup plus jouer, à l'inverse de pays comme l'Espagne où les contacts sont très vite réprimandés. Selon Christophe Kuchly, cette réputation n'est pas totalement usurpée, même si elle est à nuancer : "Concernant les duels dans les airs, notamment avec le gardien, c'est vrai.  Ensuite, sur le reste du terrain, ça siffle peut-être un peu moins, mais ce n'est pas extravagant."

Il ajoute que les arbitres anglais ont tendance à être plus cléments sur la nature de la sanction, avec des cartons qui sortent moins souvent. Pour autant, l'arbitrage pour la Coupe du monde ne devrait pas subir l'influence de l'esprit du jeu anglais. "La Fifa donne la même grille à tous les arbitres, donc il ne devrait pas y avoir de différences d'analyse", estime Christophe Kuchly. Les écarts devraient seulement venir de la personnalité des arbitres et de leurs appréciations des actions de jeu.

10"Je pense qu'il faut passer en mode 'gegenpressing' et arrêter de se la jouer 'trequartista' car on manque de 'box-to-box'"

Malgré l'utilisation de ces trois termes à la mode, cette phrase ne veut pas dire grand-chose. Reprenons calmement. Le "Gegenpressing" (mot allemand pouvant se traduire par "contre-pressing") consiste à exercer un pressing sur l'adversaire de manière très agressive dès la perte du ballon. Il s'agit d'une tactique utilisée notamment par l'entraîneur Jürgen Klopp au Borussia Dortmund, puis actuellement à Liverpool.

Le "trequartista" (littéralement "trois-quarts" en italien) désigne un meneur de jeu qui évolue entre le milieu et la défense des adversaires. Il s'agit donc d'un leader technique qui prend en charge l'animation offensive de son équipe. Zinédine Zidane occupait cette fonction en équipe de France, avant de laisser les Bleus orphelins, sans véritable numéro 10. Selon So Foot, ce type de joueurs est d'ailleurs en voie de disparition.

Enfin, le "box-to-box" est un milieu de terrain complet, autant capable de ratisser des ballons devant sa défense que de se projeter vers l'avant pour participer au jeu offensif de son équipe. Arturo Vidal, Yaya Touré, Paul Pogba ou encore Blaise Matuidi sont de bons ambassadeurs de ce poste. Pour réviser tout le lexique tactique du football, Les Cahiers du football ont concocté un petit dictionnaire qui vous évitera de passer pour un "footix".

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