Coupe du monde 2018 : Eden Hazard, le Diable rouge aux yeux "Bleus"
L'attaquant illumine la compétition de son talent. Arrivé au centre de préformation lillois à l'âge de 14 ans, il n'a jamais caché son admiration pour Zinédine Zidane et son attirance pour l'équipe de France, quand il était enfant.
Eden, Thorgan, Kylian. Trois frères avec un maillot de l'équipe de France sur le dos, floqué au nom de Zinédine Zidane. Des Diables rouges vêtus de bleu ? L'image peut faire sourire aujourd'hui, alors que la France affronte la Belgique en demi-finale de Coupe du monde, mardi 10 juillet à Saint-Pétersbourg (Russie).
D'abord dévoilée dans le documentaire Au bout d'un rêve, diffusé le 23 juin 2018, cette image a ensuite été reprise dans une publicité pour la marque Yokohama, sponsor du club de Chelsea. "Il n'y avait que celui-là sur le marché, a plaisanté la star belge sur BeIN Sports, avant de confier son amour des Bleus. Vous le savez, je l'ai déjà répété : on a plus été côté France que Belgique au niveau supporter de foot (...). Parce qu'on a grandi avec 1998." Car malgré le maillot rouge qu'il porte aujourd'hui, son cœur a (un peu) battu pour les Bleus.
Le coup de foudre pour Zizou
Eden Hazard traverse la frontière pour rejoindre, à seulement 14 ans, le centre de préformation de Lille en 2005. À l'époque, le petit Diable est discret sur sa sélection de cœur. "Il n'a jamais eu de signe ostentatoire en faveur d'un pays ou de l'autre", se souvient Frédéric Paquet, ancien directeur du centre de formation du Losc (aujourd'hui à Saint-Étienne) contacté par franceinfo. Un tel intérêt du jeune homme pour les Bleus n'a d'ailleurs rien d'étonnant, à l'époque où la France produit un football de qualité. "Les Belges frontaliers sont très imprégnés de la France et inversement. Cet [intérêt pour les Bleus] n'est pas propre à Eden mais à tous ceux qui vivent près de la frontière. Ils partagent les mêmes valeurs."
Les souvenirs de la Coupe du monde, ce sont plus des souvenirs de la France. Quand on était petits, c'était une période où la Belgique n'allait plus trop en Coupe du monde. On regardait beaucoup la France. Maintenant, on a changé.
Thorgan Hazard, frère d'Edendans le quotidien "L'Equipe"
La maison d'enfance d'Eden Hazard jouxte le terrain de Braine-le-Comte, où le petit garçon a frappé ses premiers ballons. La ville n'est située qu'à quelques dizaines de kilomètres de la France. "En général, cela amuse plutôt les frontaliers – Wallons, Flamands ou germanophones – de voir le grand voisin trébucher", corrige Emiliano Bonfigli, journaliste à la RTBF et auteur d'Une Coupe, un Diable (éd. Renaissance du livre). Davantage que la France, c'est d'abord Zinédine Zidane qui fait l'objet d'une admiration sans faille du jeune Eden Hazard. "Quand je l'ai rencontré en début d'année, il m'a expliqué que c'était celui qui avait déclenché sa passion pour le football" et, par extension, pour l'équipe de France.
Tout le monde sait le respect que j'ai pour ce monsieur, le joueur qu'il a été, l'entraîneur qu'il est maintenant. Ça a été mon idole (...). Évoluer un jour sous les ordres de Zinédine Zidane serait un rêve.
Eden Hazardsur RTLinfo, en novembre
Une naturalisation envisagée (côté français)
"Au départ, à Lille, il parlait de 'vareuse' au lieu de 'chasuble' et du 'ref' au lieu de l'arbitre, se souvient Mario Ferreira, qui a intégré la pré-formation du club en même temps que le futur international belge. Et il aimait les frites !" L'adolescent dort parfois chez un joueur les veilles de match, faute d'internat. "La fédération française devait bien suivre Eden Hazard, mais la fédération belge l'a fait jouer très vite, en 14, 15, 16 ans et Espoirs." Le jeune Belge est fasciné par Zinédine Zidane et le foot français, qui bénéficie alors d'une meilleure cote chez les jeunes. "Mais même s'il a fait toute sa formation scolaire en France, et qu'il a passé du temps à Lille, son choix a toujours été la Belgique." D'ailleurs, Mario Ferreira conserve toujours un maillot "Nike à manches longues" du jeune Belge, offert à cette époque.
Cette expérience en France marque durablement le joueur, qui fait bénéficier son pays natal de sa formation et de son talent. "C'est vrai qu'on en a profité, de même qu'avec les Anversois partis à l'Ajax Amsterdam", ajoute Emiliano Bonfigli. Le journaliste souligne encore des "intonations très françaises et un phrasé" très particulier, lors de ses conférences de presse. "Il est très à l'aise avec les médias et très naturel. La France forme les jeunes joueurs au media-training, alors qu'il n'y a pas toujours cet aspect-là en Belgique." Son frère Kylian a lui aussi fait ses classes à Lille, tandis que Thorgan a préféré le centre de formation du RC Lens.
La Fédération française de football aurait émis l'idée de naturaliser le jeune prodige, à en croire un article du Parisien en 2011. Mais cette option n'a jamais été envisagée par le principal intéressé. "Je suis à 99% belge et 1% français, expliquait-il alors au micro de la RTBF. Je reste belge avant tout, même si je dois beaucoup à la France." Ancien directeur général adjoint du Losc, Jean-Michel Vandamme résume cet épisode avec ironie, dans les colonnes de L'Equipe : "La question de sa naturalisation s'est posée, mais c'était plutôt un fantasme du Losc, car jamais ses parents ne l'ont évoquée."
Il est notre étoile On l’aime, on l’a forgé, on lui a appris à briller. Mais demain, on aimerait qu’il arrête de scintiller ✨, le temps d’un match. Le temps de #FRABEL - #AllezLesBleus pic.twitter.com/77DJuVWYKq
— LOSC (@losclive) 9 juillet 2018
"C'est le plus français des joueurs belges"
Elu meilleur espoir en 2009 et 2010, puis meilleur joueur de L1 en 2011 et 2012, Eden Hazard a très vite apprécié sa vie en France. Le joueur fréquente le Bella Italia de Lille et le Trou Normand de Baisieux, rapporte le quotidien belge La Dernière Heure – "avec des aiguilettes de volaille et du gratin dauphinois".
Grand fan des rappeurs français Gradur et Booba, le milieu de terrain se targue également de chanter "pas mal", et notamment "de la chanson française, genre Jean-Jacques Goldman". Quand il épouse Natacha, en 2012, l'union civile a lieu en Belgique mais les noces sont célébrées en France, à Saint-Canadet (Bouches-du-Rhône).
Le joueur compte également de solides amis en France, à commencer par Yannis Salibur, croisé au centre de formation lillois. "Je pensais qu'il était français. Et en fait non, j'ai découvert qu'il était belge quand il a dit 'nonante', plaisante l'actuel guingampais, dans les colonnes de L'Equipe. Il a toujours été fier d'être belge et le revendique. Mais en même temps, c'est le plus français des joueurs belges", conclut le papa... d'un petit Eden. "Un petit clin d'œil", confesse Yannis Salibur dans So Foot. Coéquipier du Belge à Chelsea, Olivier Giroud a poussé le bouchon encore plus loin, lors d'une conférence de presse.
Pour moi, Eden Hazard est presque un Français ! Il est Wallon, il parle français, on s'entend très bien en-dehors du terrain.
Olivier Girouden conférence de presse
Copains comme cochons, vous dit-on. Les déclarations d'amour de la star belge pour la France ont-elles contrarié les Belges ? Point du tout. Le joueur n'a ni l'accent de Liège, ni celui du Hainaut. Et "il a toujours parlé de son admiration pour Zinédine Zidane, explique Emiliano Bonfigli. Mais les Belges connaissent bien son naturel et son attachement à la Belgique et il est tellement sympathique aux yeux des gens". Eden a décidément tout d'une idole des deux côtés de la frontière.
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