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Coupe du monde : une petite histoire des retards à l'entraînement, mal endémique chez les footballeurs

L'attaquante des Bleus Valérie Gauvin a perdu sa place de titulaire au début du Mondial à cause d'un manque de ponctualité. La dernière d'une longue série.

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 10min
Kim Min-jeong, la gardienne de Corée du Sud, à la lutte avec l'attaquante des Bleues Valérie Gauvin lors du match d'ouverture du Mondial, le 7 juin 2019 au Parc des Princes, à Paris. (LIONEL BONAVENTURE / AFP)

"C’est de ma faute, c’est comme ça." Elle était fataliste, Valérie Gauvin, au moment de se présenter en zone mixte devant la presse après la démonstration tricolore face à la Corée du Sud, en match d'ouverture de la Coupe du monde féminine, vendredi 7 juin. Annoncée titulaire certaine, cette avant-centre, dont le jeu rappelle celui d'Olivier Giroud chez les hommes, a pris place sur le banc à cause de deux retards à l'entraînement lors de la semaine précédant le match. "Je prends sur moi, je garde le sourire car le plus important, c'est l'équipe, mais je ferai plus attention la prochaine fois." La sélectionneuse Corinne Diacre a démenti en évoquant un choix tactique, mais personne n'est dupe.

Cela peut paraître anodin, un retard de quelques minutes. Mais c'est l'un des fondements de la vie de groupe des footballeurs, tous niveaux confondus. Thierry Henry, qui était du genre ponctuel, a eu cette phrase dans une interview au Guardian (article en anglais) : "Quand je vois des gars arriver à la bourre à l'entraînement, alors qu'on s'entraîne une heure et demie par jour...  Ça m'est arrivé une fois, quand j'étais à Monaco, et ce n'était pas de ma faute. Jean Tigana [le coach monégasque à l'époque] m'a fait bien comprendre que ce serait la dernière fois, et il avait raison. Si tu es en retard à l'entraînement au volant de ta voiture, tu seras en retard dans le jeu car il faudra compter sur tes jambes."

Excuse imparable : l'allergie aux chats

Comme le rigide Jean Tigana en son temps, le respect accordé par un groupe à un entraîneur se mesure aussi par la ponctualité de ses joueurs à l'entraînement, ou au rassemblement qui le précède. Certains coachs n'ont pas trop à fixer de règles, comme l'Irlandais Roy Keane. L'ancienne terreur du milieu de terrain de Manchester United fait toujours aussi peur depuis qu'il a troqué shorts et crampons pour un costume cravate. "Je suis sûr que tout le monde prévoit une heure de marge supplémentaire pour éviter d'être pris dans les bouchons et pour ne surtout pas le mettre en colère", rigolait le gardien Craig Gordon.

Ah, les bouchons. Raison valable ou prétexte utile pour gratter quelques minutes sous la couette. Il arrive parfois des cas de force majeure, comme ce chat qui avait élu domicile sous les roues de la voiture de l'attaquant finlandais de Wolfsburg Mikael Forssell, par ailleurs allergique au dernier degré à ces félins miniatures.

Ou la gardienne de Manchester City Karen Bardsley, retenue chez elle par des témoins de Jéhovah un peu collants : "Désolé Jésus, t'es un mec bien, mais tes disciples qui font du porte-à-porte sont en train de me mettre en retard pour l'entraînement !"

Le joueur d'Arsenal André Santos a provoqué une course poursuite à l'américaine sur l'autoroute M25, près de Londres (il ne manquait que l'hélicoptère de la chaîne locale pour filmer les sirènes hurlantes en direct). Les sirènes hurlaient, pourtant, mais pas assez fort pour que l'international brésilien, enfermé dans sa Lamborghini avec la musique à fond, les entende et lève le pied. Il roulait à un petit 160 km/h sur une portion limitée à 90. Ironie de l'histoire, il a finalement stoppé son véhicule... à 400 mètres du centre d'entraînement d'Arsenal, qu'il n'aura donc pas réussi à rejoindre en temps et en heure. Notez que l'amende signifiée par la justice à André Santos (3 600 livres, soit environ 4 000 euros) n'avait que peu de chance de dépasser celle infligée par le club pour un retard. 

Le défenseur d'Arsenal Andre Santos (à droite, en rouge) à la lutte pour le ballon avec le joueur de Marseille Jordan Ayew, le 1er novembre 2011 à l'Emirates Stadium (Londres) en Ligue des champions. (ADRIAN DENNIS / AFP)

Prenez le club de Watford, honnête pensionnaire de l'élite anglaise. Là-bas, les joueurs doivent pointer avec leur iPad, forme moderne de la pointeuse des cols bleus du début du XXe siècle, pour éviter les 1 000 livres d'amende que leur coûterait la moindre minute de retard à l'entraînement. A Wolfsburg, en Allemagne, les tarifs ont grimpé à 10 000 euros le retard, majoré de 50 euros par minute. Curieusement, personne n'a encore copié le système du club indien de cricket du MS Dhoni, où tous les joueurs sont sanctionnés quand l'un d'eux manque à l'appel au début de l'entraînement... mais ce n'est peut-être qu'une question de temps.

Excuse osée : le faux enlèvement 

La tradition des amendes est en tout cas solidement ancrée dans les grands championnats européens (sauf en France, où c'est interdit). Au point qu'elles font partie de la légende de l'ancien attaquant anglais du Real Madrid Laurie Cunningham, qui finançait ses nombreuses amendes en remportant des compétitions de danse disco, raconte le Guardian

Rien n'égalera jamais l'idée qui a traversé, en janvier 2011, l'esprit de Somalia, joueur du club carioca de Botafogo, qui a été jusqu'à simuler son propre enlèvement pour camoufler une panne de réveil. Le joueur, arrivé à la bourre au siège du club, explique, essoufflé et en état de choc, avoir été enlevé sur le coup de 7 heures, quand il sortait de chez lui. Pas de chance, la porte de son immeuble se trouve en plein milieu du champ d'une caméra de surveillance, qui prouve que c'est un Somalia pas plus affolé que ça qui a franchi, seul, le seuil, à 9 heures bien tassées... après être revenu sur les coups de 4 heures du matin chez lui, rapporte le site spécialisé UOL Esporte. Le joueur finira au tribunal pour dénonciation de crime imaginaire, et écopera en plus de la retenue sur salaire de 40% infligée aux retardataires par le club. 

Des sommes qui peuvent paraître considérable pour le commun des mortels, mais pas si extraordinaires pour des contribuables dont le salaire mensuel comporte cinq ou six zéros. "Je ne suis pas un grand amateur des amendes pour être honnête, écrit dans son livre l'entraîneur anglais Neil Warnock, qui a écumé le championnat anglais depuis trois décennies. Aujourd'hui, ça ne sert à rien de taper au portefeuille pour éduquer les gens. (...) Il faut s'en servir quand il n'y a pas moyen de faire autrement, mais le pouvoir de l'entraîneur réside surtout dans sa capacité à choisir le onze de départ."

La sanction salée : payer le resto à toute l'équipe

Le Belge Eden Hazard avait ainsi été laissé en tribune par José Mourinho – entraîneur adepte de la ligne dure en matière de discipline – pour des retards répétés. Et le coach portugais ne s'était pas privé pour se la jouer éducateur devant la presse : "C'est un gamin, les gamins font des erreurs, et leurs pères doivent faire preuve d'intelligence dans leur éducation."

D'où le choix de sanctions plus originales. Au Real Madrid, sous Carlo Ancelotti, le contrevenant devait inviter au resto tous ses coéquipiers. Comptez une vingtaine de morts de faims, plus le staff, et au final, l'amende est plus salée qu'un chèque sonnant et trébuchant. A la Fiorentina, on a déjà bouclé dans un hôtel les joueurs pour les punir de retards à répétition et de petits yeux à l'entraînement après des nuits trop courtes. 

Au-delà du côté éducatif, l'absence de retards à l'entraînement vous pose un leader... ou pas. Quand Arsène Wenger choisit William Gallas pour porter le brassard des Gunners en 2007, cette décision déçoit une partie du groupe. A commencer par le gardien allemand Jens Lehmann. "On a appris cette décision dans la presse, et on n'arrivait pas à y croire, raconte-t-il au Telegraph. La saison précédente, il était régulièrement arrivé en retard pour l'entraînement, et s'était absenté sans autorisation."

A contrario, un Ngolo Kanté qui reconnaît multiplier les (petits) retards cette saison a été publiquement absous par ses coéquipiers de Chelsea dans une vidéo... et même par Didier Deschamps au moment où l'infatigable milieu de terrain arrive en retard à Clairefontaine, plombé par une panne d'Eurostar. "Mais Ngolo, tu cours plus vite que le train, non ?" 

Blague à part, à son arrivée à Leicester, Kanté pensait venir... en courant au centre d'entraînement. Avant d'en être dissuadé par ses coéquipiers et d'investir dans une Mini Austin qui fait tache dans les parkings des centres d'entraînement de la Premier League (où les voitures sont, d'ordinaire, beaucoup plus rutilantes).

Pire, les sanctions pour les retards utilisées à mauvais escient peuvent vous mettre votre meilleur élément à dos. On le voit dans cette Coupe du monde avec Ada Hegerberg, Ballon d'or en titre, et fâchée avec la sélection norvégienne pour une flopée de raisons. L'une d'elles : s'être fait publiquement réprimander pour être arrivée tard à un dîner de l'équipe nationale, raconte le magazine sportif Josimar. Nulle négligence ou paresse de sa part : elle signait des autographes avec des fans. Commentaire de la championne : "Ça me dépasse !"

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