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La Coupe de la Ligue va-t-elle manquer à quelqu'un ?

26 ans après sa création, la Coupe de la Ligue va tirer sa révérence à la fin de la saison, a annoncé la LFP mercredi. De plus en plus décriée, que ce soit par les observateurs ou les acteurs du football français, la "petite soeur" de la Coupe de France n'a plus grand monde pour la défendre. Retour sur l'existence mouvementée d'une compétition qui n'a jamais vraiment trouvé sa place.
Article rédigé par Andréa La Perna
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 9min
 

Il y a encore quelques mois, Didier Quillot, le président de la LFP, vantait "l'attractivité grandissante de la Coupe de la Ligue". C'est maintenant officiel, la compétition vit ses dernières heures. La Ligue a annoncé mercredi dans un communiqué que "le Conseil d'Administration puis l'Assemblée Générale ont décidé de suspendre l'organisation de la Coupe de la Ligue à l'issue de l'édition 2019-2020". Si elle se réserve le droit de relancer la compétition à une date ultérieure, l'annonce sonne comme un requiem. 

Créée en 1994, la "petite soeur" de la Coupe de France devait permettre au football français de ne pas rater le wagon du football business. A l'époque, le traumatisme Kostadinov est encore bien vivace et l'affaire OM-VA suscite un certain inconfort. Un an avant l'arrêt Bosman, le football mondialisé fait ses premiers pas. On rêve alors de jouer des coudes avec les cadors européens et cela passe par une augmentation des revenus.

Le Graët à la baguette

C'est sous l'impulsion de Noël Le Graët que la Coupe de la Ligue voit le jour. Celui qui est désormais président de la FFF avait obtenu de l'UEFA une place qualificative en C3 pour le vainqueur de ladite coupe, en échange d'une réduction du nombre d'équipes en première division de 20 à 18. En dépit de l'ire de Gervais Martel et d'autres, un vote officialise la naissance de la Coupe de la Ligue en novembre 1994 (en pleine saison). Le 24 de ce même mois de novembre est disputé le premier tour. Début mai 1995, le Paris Saint-Germain devient le premier vainqueur de la coupe face à Bastia (2-0), mais le scepticisme est déjà palpable. 

C'est finalement au bout de 25 années de levées de bouclier que disparaîtra la "Coupe Moustache" - surnom donné en référence à Frédéric Thiriez, alors président de la LFP (2002-2016) et fidèle défenseur de la compétition. A coups de jargon et de déclarations policées, il essayait de convaincre que l'image de marque prenait. Mais jamais le flot de critiques ne s'est tari. Dès 2003, les Cahiers du Football écrivait un "Manifeste pour sauver le foot". Première mesure proposée : "supprimer la Coupe de la Ligue". 

Le site indépendant s'appuie sur trois raisons. Premièrement, un rôle de "doublon" qui vient "dévaluer le mythe" de la Coupe de France, considéré comme le dernier bastion de "l'unité du football national". On évoque également des passe-droits, et des "primes excessives" offerts à une élite fermée. La Coupe de la Ligue est décrite comme une "session de rattrapage imméritée" destinée aux "cadors déficients". Enfin, c'est "l'affaiblissement de la représentation française en compétition européenne" qui est pointée du doigt, ce qui expliquerait en partie la faiblesse du coefficient UEFA.

Calendrier surchargé, passe-droits et échec européen

Prenez les trois derniers vainqueurs de la Coupe de la Ligue reversés en tour préliminaire de la Ligue Europa. Cette saison, Strasbourg a été éliminé par l'Eintracht Francfort avant même la phase de poules. Vainqueur en 2013, Saint-Etienne a connu pareil sort, stoppé par Esbjerg. C'était un peu mieux pour le vainqueur 2012, Marseille, qui avait intégré la phase de groupes sans la réussir (3e place et une défaite cuisante contre Limassol au passage).

Au-delà de la critique à charge du football business, les clubs eux-mêmes ont régulièrement exprimé leur mécontentement. C'est surtout leur calendrier surchargé qui est en cause. D'un côté, les équipes qui jouent leur survie dans l'élite ont d'autres préoccupations en tête. De l'autre, celles qui jouent les compétitions européennes aimeraient pouvoir les disputer à 100%. Il est assez commun de voir des clubs aligner une équipe bis dans la compétition, quitte à sacrifier l'opportunité de décrocher un trophée et un accès à la Ligue Europa (elle aussi parfois sacrifiée). 

Si l'on y regarde de plus près, rares sont ceux qui prennent la défense de la Coupe de la Ligue aujourd'hui. Sur les réseaux sociaux, les observateurs sont plutôt satisfaits de voir la compétition disparaître. Il faut dire que depuis des années, les dirigeants de club, eux-mêmes, ne cachaient pas leur peu d'attachement à la Coupe de la Ligue. Pape Diouf, l'ex-président de l'OM, l'appelait la "petite danseuse". Il y a deux ans, c'est Bertrand Desplat, le président de Guingamp, qui sortait le fusil sur le plateau de la chaîne L'Equipe. "C’est une coupe qui n’a pas de ferveur populaire. Aujourd’hui, les grands clubs entrent en 8es de finale. Ils devraient entrer en finale directement… Ça allégerait le calendrier", pestait-il deux ans avant de voir son équipe en finale.

Un coup au portefeuille

Les joueurs non plus n'ont pas écrit beaucoup de déclarations d'amour. En 2005, quand Strasbourg soulève le trophée pour la deuxième fois, Mickaël Pagis refusait toute euphorie. "On ne va pas non plus sauter au plafond, ce n'est pas la Coupe du monde", déclarait l'attaquant passé par Marseille et Rennes notamment. Si même les vainqueurs émettent une réserve... Face au désintérêt grandissant, la Ligue n'a jamais fléchi. Mais le coup de grâce touche au portefeuille. Les offres d'achat des droits tv pour 2020/2024 n'ont pas atteint le montant attendu (24M€), sachant que Canal + et France Télévision avaient passé leur tour.

Pendant des années, la Ligue n'a pas voulu émettre la moindre remise en question. Le manque d'attractivité de la compétition est désormais avéré et les propos de Didier Quillot, le président de la LFP, vantant "l'attractivité grandissante" de la Coupe de la Ligue, n'étaient donc bel et bien qu'une façade. La méthode Coué n'a pas inversé la courbe des audiences. La dernière finale entre Strasbourg et Guingamp le 30 mars dernier n'a rassemblé que 2.2 millions de téléspectateurs, c'est-à-dire deux fois moins que celle de 2014 entre Lyon et Paris.

Globalement, les audiences étaient en constante en baisse depuis au moins 5 ans. Et dans les stades l'engouement n'était pas systématique. Si Pierre-Mauroy a fait le plein pour la finale cette année, un quart entre Bordeaux et Le Havre n'a attiré que 7600 personnes cette saison (soit un taux de remplissage de 18%), rappelle Jérôme Latta pour Le Monde. Même si la Coupe de la Ligue a eu son lot de belles histoires, l'engouement n'a jamais pris.

Le modèle français n'est pas le seul à être bancal

L'épopée victorieuse de Gueugnon en 2000 est clairement estampillée Coupe de France. La ville de 8000 habitants qui soulève le trophée devant un cador de l'élite, c'est une histoire qui ne s'est pas reproduite depuis. Car en 2006, les formations engagées en compétition européenne ont obtenu une exemption des seizièmes de finale. Celles-là même ont vampirisé la Coupe de la Ligue (Marseille de 2010 à 2012, Paris de 2014 à 2018).

Transformée en cercle fermé, la compétition a permis à des clubs comme Marseille (2010) et Saint-Etienne (2013) de mettre fin à des années de disette. Après 32 années sans le moindre trophée, les Verts avaient bien fêté leur victoire contre Rennes en finale. Mais l'allégresse tient plus du fait d'avoir mis fin à la sécheresse, plutôt que d'avoir remporté "la Coupe de la Ligue". En 2008, quand le PSG l'a remportée, ce titre n'était qu'un cache misère en plein milieu d'une saison cauchemardesque pendant laquelle le club de la capitale a bien cru ne pas se maintenir... Les seuls regrets que susciteront sa disparition sont liés à la réduction des chances de décrocher un trophée. Mais n'est-ce pas là aussi redonner une vraie importance à la Coupe de France et accroître la concurrence en championnat pour une place européenne ?

A l'étranger aussi, la compétition peine à susciter l'engouement. En Angleterre, la League Cup a beau exister depuis 1960, c'est aussi la compétition nationale qui attire le moins les clubs. Demandez le à Nemanja Vidic. L'ex-défenseur de Manchester United avait donné sa médaille à son coéquipier Giuseppe Rossi pour le consoler de ne pas avoir participé à la victoire sur le terrain. En Allemagne, la Coupe de la Ligue est morte depuis 2007, en Espagne depuis 1986 et en Italie, elle n'a jamais vu le jour.

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