La finale de 1982 entre le PSG et Saint-Etienne racontée par l'ancien capitaine des Verts, Christian Lopez
Nous sommes le 15 mai 1982, jour de finale de Coupe de France entre le PSG et l'ASSE. À l’époque, Saint-Etienne est encore le plus grand club français...
Christian Lopez : "On venait d’être champion de France et de disputer une finale de coupe de France en 1981 on faisait partie des 2 ,3 meilleures équipes françaises. Avec Gérard Janvion, j’étais le seul rescapé de l’épopée de 1976, sinon il y avait quelques jeunes mais on s’appuyait plus sur des joueurs d’experience qu’on avait fait venir. Le club avait changé d’orientation sportive et s’appuyait moins sur les jeunes de la formation. Mais nous avons eu de belles saisons même si ça s’est terminé de manière dramatique."
Vous aviez terminé deuxième du championnat une semaine plus tôt, à un point seulement de Monaco... Aviez-vous un sentiment de revanche ?
CL : "Oui on avait perdu le titre lors de la dernière journée et en Coupe, on avait perdu en finale l’année précédente contre Bastia. Pour moi particulièrement qui était en partance de Saint-Etienne où j’avais fait toute ma carrière, ce match revêtait beaucoup d’importance. Malheureusement, ça s’est mal passé, on se fait rattraper à la dernière seconde en prolongation et je rate le sixième penalty que je n’étais pas sensé tirer. Dans tout ma carrière à Saint-Etienne, j’ai joué pour des titres chaque année, et terminer comme ça c’était très frustrant. J’ai revu le match récemment, il n'y a rien à reprocher à personne. C’était un match engagé avec du rythme, des buts et une fin dramatique pour nous aux tirs aux buts. D’ailleurs, deux mois après, j’ai revécu la même chose à Séville avec l’équipe de France."
"J’ai eu la chance de disputer cinq finales, d’en gagner trois. Mais sur les deux fois où j’ai été capitaine, j’aurais bien aimé brandir la Coupe."
Ce match, vous l’abordez en tant que capitaine, vous aviez donc la possibilité de brandir la coupe en premier...
CL : "Même si je l’avais gagnée trois fois déjà avec Saint-Etienne, j’étais particulièrement motivé. Ça faisait trois ans que j’étais capitaine. En 1981, je n’avais pas pu la brandir après la défaite en finale, donc là, ça a été une nouvelle et belle déception. Ça aurait été une grande fierté mais ça ne ternit pas les 13 années que j’ai passées à Saint-Etienne. J’ai eu la chance de disputer cinq finales, d’en gagner trois, mais sur les deux fois où j’ai été capitaine, j’aurais bien aimé brandir la Coupe."
"À Paris, on jouait presque à domicile !"
Comment aviez-vous abordé l'opposition contre le PSG, un club jeune qui n’avait encore rien gagné ?
CL : "Il y avait des joueurs de talent notamment, deux ex-stéphanois Dominique Bathenay, et Dominique Rocheteau qui nous a fait mal en égalisant. C’était une belle équipe avec aussi des jeunes comme Luis Fernandez qui commençait à atteindre un haut niveau."
Ce match au Parc des Princes, aviez-vous le sentiment de le jouer à l’extérieur ?
CL : "Non. Quand on jouait à Paris, la moitié voire les trois quarts du stade étaient pour Saint-Etienne. On jouait presque à domicile !"
Vous saviez que ce serait votre dernier match à St Etienne ?
CL : "L’entraîneur Robert Herbin voulait me garder, mais en prolongeant mon contrat année par année, et en me changeant de poste puisqu’il voulait faire jouer Battiston libéro à ma place et me mettre en stoppeur. Devenir stoppeur à 29 ans, ça ne m’intéressait pas trop. Je suis donc parti, ce qui m’a empêché d’intégrer le staff après ma carrière comme je l’aurais souhaité. Mais au moment du match, c’était du 50/50. Je ne savais pas que j’allais partir à Toulouse. C’est lors du stage de préparation de l’équipe de France au mondial 82 à Font-Romeu que Gérard Soler m’a appris que son club de Toulouse cherchait un libéro. Et j’ai signé mon contrat quelques jours plus tard, au lendemain du match France-Galles à Toulouse justement."
"Si on avait joué avec le Platini de la Juve, on aurait peut-être serré le jeu comme le faisaient les Italiens…"
La rencontre en elle-même, quels souvenir en gardez-vous ?
CL : "En première mi-temps, on avait du mal à trouver Michel Platini qui jouait avant-centre. Quand Laurent Roussey est entré en deuxième mi-temps, et que Michel a un peu reculé, ça a été un tout autre match. Il a éclaboussé la rencontre par ses qualités techniques, et les deux buts qu’il a marqués. À 2 à 1 pour nous, on a continué à jouer. On avait une équipe très offensive et ce n’était pas dans la mentalité à l’époque de fermer le jeu quand on menait au score. Si on avait joué avec le Platini de la Juve, on aurait peut-être serré le jeu comme le faisaient les Italiens…"
Et finalement, arrive le but égalisateur de Rocheteau à la 120ème minute…
CL : "On fait une erreur de marquage. Bernard Gardon était sorti, et c’est Gérard Janvion qui est venu jouer stoppeur avec moi. À la réception du centre de Surjak, il y a trois ou quatre parisiens, et nous ne sommes que deux Stéphanois. Janvion avait suivi l’action au lieu d’être au marquage. Du coup, Rocheteau est seul, le ballon lui vient dessus, il frappe, et il la met au fond."
Le match va donc se jouer aux tirs aux buts…
CL : "Les cinq joueurs qui se sentaient le mieux se sont proposés de les tirer. Mais personne n’a pensé à la suite. Tout le monde a réussi. On se retrouve à égalité à cinq partout avec le PSG et l’arbitre me demande qui est le sixième ? Je me retourne vers tous mes coéquipiers : ils ont tous regardé ailleurs ! Il y avait quand même Raoul Noguès, Laurent Roussey ou encore Gérard Janvion qui auraient pu tirer avant moi. Mais comme personne ne voulait y aller, j’ai dit 'bon j’y vais !' Je ne savais même pas comment j’allais le tirer. Je n’étais pas à 100%. Et quand je revois comment je l’ai tiré, je me dis 'c’est pas possible !' J’étais face au ballon, je n’ai pas pris d’angle... J’avais décidé de le tirer au milieu, le ballon est parti à ras de terre et Baratelli l’a arrêté avec le pied."
"Je quittais, sur un échec, un club qui m’avait fait venir quand j’avais 16 ans. Ça m’a fait mal."
Et Pilorget donne la victoire au PSG...
CL : "C’était dur… Pour la deuxième année de suite, je n’allais pas brandir la coupe. Je quittais, sur un échec, un club qui m’avait fait venir quand j’avais 16 ans. Ça m’a fait mal. Ça a duré quelques jours mais je n’ai pas trop ressassé parce qu’on a enchaîné rapidement sur la préparation à la Coupe du monde, et j’ai pu passer à autre chose. Mais ce que vous ne savez pas, c’est que lors de la séance de tirs au but à Séville, j’étais le septième à tirer après Max Bossis ! Après coup, je me suis demandé comment je l’aurais tiré ce penalty. C’est presque un soulagement de ne pas avoir eu à le faire. Les penaltys, je ne les tirais plus depuis mes 16, 17 ans."
Avec le recul, peut-on dire que ce match marque la fin d’une époque pour Saint-Etienne ?
CL : "Oui c’est un tournant. Il y a beaucoup de départs, de changements, et le club a connu des heures difficiles, il est descendu, a eu du mal à remonter… Il n’a plus jamais terminé dans les trois premiers en championnat. Mais il y a eu une victoire en Coupe de la Ligue en 2013, et là donc cett finale contre le PSG. Les effectifs ne sont pas les mêmes, mais un match il faut le jouer, et je souhaite de tout cœur que l’ASSE gagne ce match-là."
Propos recueillis par Stéphane Lippert
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