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Le Brésil n'est toujours pas guéri

Les années et les déconvenues se suivent pour le Brésil. Après le fiasco de "son" Mondial en 2014, la sélection cinq fois championne du monde a quitté la Copa America par la petite porte, éliminé aux tirs au but par le Paraguay en quarts de finale. Une sortie de route sans panache, sans saveur pour une sélection qui a toute les peines du monde à se relever et qui privée de sa star Neymar avance sans projet et sans idée.
Article rédigé par franceinfo
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Que ce soit Luiz Felipe Scolari ou Dunga, les entraîneurs titrés avec le Brésil se succèdent mais le football carioca se morfond toujours. Champion du monde en 2002, Scolari était venu remettre de l'ordre avant le Mondial 2014. Vainqueur de la Coupe des Confédérations 2013, son équipe a toutefois failli de manière incroyable un an plus tard au Mondial en encaissant 10 buts entre la demi-finale contre l'Allemagne et la "petite finale" face aux Pays-Bas. Evincé après ce désastre, il a laissé sa place à Dunga, vainqueur de la Copa America 2007 et de la Coupe des Confédérations 2009. Mais là encore, ressortir les vieilles recettes n'a pas souri au Brésil qui a été éliminé dès les quarts de finale de la Copa America 2015 par le Paraguay. Une défaite aux tirs au but moins humiliante que celle face à l'Allemagne, mais qui pose tout autant de questions.

Le Brésil s'est écroulé en compétition officielle

Quand Dunga prend la succession de Scolari, l'optimisme n'est pas forcément au summum au Brésil. Car la plaie du Mondial est encore à vif. Mais en faisant des choix forts - le capitanat à Neymar, Thiago Silva sur le banc, Fred écarté -, Dunga redresse la barre. Plutôt bien même puisqu'avant le début de cette Copa America au Chili, le Brésil reste sur dix succès d'affilée dont certains marquants contre la France à Saint-Denis (3-1) ou encore l'Argentine (2-0) lors d'une rencontre amicale post-Mondial. Mais tout ce qu'a patiemment reconstruit Dunga est un édifice fragile. Et la compétition officielle va venir le rappeler. Contre le Pérou, la Selecao ne doit son succès étriqué 2-1 qu'à des éclairs de Neymar, buteur et auteur d'une passe décisive lumineuse dans les arrêts de jeu pour Douglas Costa. Ensuite, elle s'incline contre une Colombie coriace mais loin de son niveau au Mondial un an auparavant, puis sans Neymar, expulsé contre les "Cafeteros", elle domine difficilement le Venezuela (2-1). Deux victoires et une défaite avant son élimination, sans perdre, mais sans rien montrer non plus contre le Paraguay. Bilan : deux victoires, un nul et  une défaite avec un total de cinq buts marqués et quatre encaissés.

Animation offensive, proche du néant

Lors de son premier passage à la tête de la Selecao, Dunga n'avait pas laissé une empreinte indélébile au niveau du style. On était loin du football samba, de l'école brésilienne qui fait rêver. Si les résultats avaient été au rendez-vous, son élimination en quarts de finale au Mondial 2010 (défaite 2-1 contre les Pays-Bas) avait mis fin à l'aventure. Et les critiques de fuser sur un jeu trop défensif, prudent, ennuyeux. "Les gens ont besoin de comprendre que le football a évolué. On a foi en ce que nous faisons. Le plus important est d'avoir cette conviction, que les joueurs croient en eux comme en leur entraîneur. Et je ne ferai pas de changements parce que certaines personnes le veulent ou n'aiment pas notre style", rappelait-il lors de la Copa America 2007, tournoi que le Brésil avait finalement remporté.

Huit ans plus tard, la conception du football du sélectionneur n'a pas changé. Il a voulu renforcer l'assise défensive et a misé sur une tactique prudente. La paire de milieux de terrain défensifs Elias et Fernandinho ne doit pas prendre trop de risques et l'animation repose sur les latéraux Daniel Alves et Felipe Luiz et sur Neymar dont on attend l'étincelle. La mainmise de la star du Barca sur le jeu était criante. Tout passait par lui, tout partait de lui. Son expulsion et sa suspension a obligé Dunga à revoir ses plans. Relancer Robinho, faire confiance à Coutinho, mais ce n'est pas en deux matches qu'on remodèle une équipe. Et après l'ouverture du score contre le Paraguay, l'équipe a reculé, puis subir la domination de l"'Albirroja".

L'impatience du pays

Quand il a repris les rênes de la sélection sur les cendres du Mondial, Dunga savait que le chemin allait être long. Mais au Brésil, la patience n'existe pas quand on parle de football. Après l'élimination, il a rejoué ce refrain là. "Nous savions depuis le début que cela ne serait pas facile. Nous avons enregistré beaucoup de victoires mais je n'étais pas encore satisfait", s'est défendu Dunga. Pour lui, cette élimination n'est pas une surprise. Le Brésil partait de trop bas pour se hisser à nouveau au sommet du continent. Sans compter qu'un mystérieux virus a décimé son effectif. Quinze de ses joueurs ont été victimes de migraines, douleurs au dos, vomissements dans les jours précédents le quart de finale. Un aléa qui a conduit le champion du monde 94 à revoir son programme d'entraînement.

L'un de ses joueurs, Filipe Luis, a toutefois semé le trouble après le  match en déclarant qu'il n'était "pas au courant": "Des joueurs ont peut-être été malades, mais pas moi". Mais plus que cette maladie, c'est l'impatience d'un pays que fustige Dunga. "Il faut regarder la vérité du football mondial. Les autres équipes ont beaucoup progressé, il faut rester humble et travailler, il faut de la continuité", a-t-il dit. Du talent pourrait-on ajouter car hormis Neymar, aucun des joueurs offensifs n'a explosé dans un grand club. Firmino, l'attaquant de pointe, et Douglas Costa auront l'occasion de prouver leur valeur à Liverpool et au Bayern Munich. Il est loin le temps où le quatuor offensif de la Selecao, Ronaldo, Adriano, Kaka, Ronaldinho, faisait rêver tout le monde.

Dunga déjà sur la selette

En conférence de presse, Dunga n'a pas voulu endosser la responsabilité de l'élimination. Le jeu trop défensif, les changements étranges et peu cohérents sont pourtant de son chef. Le retour en grâce de Thiago Silva à la place de David Luiz sans plus d'explication, son entêtement à maintenir la paire Elias-Fernandinho trop frileuse avec le ballon, ses huit joueurs défensifs en fin de rencontre face au Venezuela, la sortie de Robinho à quatre minutes du terme contre le Paraguay, autant de faits qui font couler beaucoup d'encre. Dunga, lui, est droit dans ses bottes. "Il est inutile de se lamenter sur notre sort, il faut travailler et cela ira prochainement mieux", assure-t-il.

Il appelle aussi à raison garder dans un pays où on a tendance à s'enflammer très rapidement. "Il y a une nouvelle mode au Brésil : dès qu'un joueur fait deux bons matches, on en fait une star. Un joueur est ou une star ou un flop après seulement deux matchs", a-t-il regretté. Cette élimination pose en tout cas la question de son éviction. Lui a vu cette compétition comme une base de travail pour les éliminatoires du Mondial 2018. Encore faut-il qu'il soit encore en poste pour les mener car comme il le sait très bien, le temps qu'il réclame aux supporters est une richesse que le Brésil ne possède pas quand on parle de football. 

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