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Foot : Lyon, AC Milan, Angers, Chelsea, Red Star, Toulouse... Pourquoi les fonds d'investissement américains déferlent en Europe

Eldorado sportif mais surtout financier, le football européen voit les fonds d'investissement américains se multiplier à la tête des clubs. De quoi réactiver le spectre d'une Super Ligue et interroger la structure du football européen.

Article rédigé par Louise Le Borgne, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Les fonds d'investissement américains investissent de plus en plus dans les clus de football européens. (HENRI LAURIANO / FRANCEINFO: SPORT)

Cinq milliards d'euros pour Chelsea, autour de 10 millions pour le Red Star, 20 millions pour le Toulouse FC... Les rachats de clubs européens se multiplient. Leur dénominateur commun ? Etre passés sous pavillon américain après des acquisitions par des fonds d'investissement. Dernier exemple en date : l'Olympique lyonnais a officialisé, mardi 21 juin, la prise de participation majoritaire d'OL Groupe par Eagle Football Holdings, qui appartient à l'Américain John Textor.

Au jeu des chiffres et des effacements de dettes, les clubs s'échangent comme des cartes Panini. Mais l'arrivée de ces fonds auprès des propriétaires individuels pourraient redéfinir les règles du jeu et réactiver le spectre d'une lucrative Super Ligue en Europe.

Le clubs européens sont bankables

"Au départ, quelques propriétaires de franchises américaines sont venus dans le football : la famille Glazer à Manchester United, John Henry à Liverpool, Frank McCourt à Marseille. Mais ce qui est nouveau, c'est que l'on voit désormais apparaître des fonds d'investissement", analyse Luc Arrondel, chercheur au CNRS et spécialiste de l'économie du football.

Derrière le terme technique, les fonds d'investissement sont des placements collectifs qui recueillent et placent l'argent de leurs sociétaires pour en tirer des bénéfices. L'objectif du fonds d'investissement est clair : gagner de l'argent.

"Les levées de fonds dans la Sportech représentent 27 milliards d'euros dans le monde dont 12 aux USA, 6 en Asie et seulement 3 en Europe en 2021, même si cela est 3 fois plus important qu'en 2020.

Mark Wyatt, responsable Corporate Finance KPMG

lors d'une table ronde de l'organisation Sporsora sur les fonds d'investissement en mai 2022

L'Europe est un marché prometteur : avec l'inflation du prix des joueurs, ses droits télé en augmentation exponentielle et les plus-values faites lors de la revente de certains clubs, la probabilité de faire des bénéfices est forte. De quoi attiser l'intérêt de ces fonds d'investissement au moment où les clubs européens, fragilisés par le Covid-19, ont besoin de liquidités.

Le fonds 777 Partners, basé à Miami, a ainsi racheté le Red Star le 11 mai dernier. Clearlake Capital, société de capital-investissement, détient 60% de Chelsea après son rachat pour cinq milliards d'euros. À Toulouse, c'est le fonds RedBird qui est aux manettes depuis 2020. Le directeur général du TFC, Olivier Jaubert, en résumait ainsi les attentes : "Le point de départ, c'est la volonté de RedBird d'investir dans le football en Europe avec des critères clairs : il fallait un club sain financièrement, une métropole dynamique, des infrastructures de qualité et un centre de formation performant. (...) Aujourd'hui les fonds ne viennent pas dans le football pour perdre de l'argent." 

Des fonds déjà présents dans le sport aux Etats-Unis

Si ces acteurs sont inconnus en Europe, ils ne le sont pas aux États-Unis. Ces fonds d'investissement sont déjà omniprésents en baseball, en football américain (NFL), en basketball (NBA) et en Nascar (sport automobile). Mais aux États-Unis, l'économie du sport est très réglementée. Une loi contraint les sociétés de capital-investissement à ne détenir, au maximum, que 20% du capital d'un seul club de ces ligues.

Il est donc tentant pour ces fonds d'investir outre-Atlantique. "Ces groupes pensent aussi qu'ils possèdent des compétences spécialisées en promotion du sport qui pourraient être utilisées sur divers marchés, explique Victor Matheson, économiste spécialisé dans le football à l'université Holy Cross de Worcester, dans le Massachussetts (Etats-Unis).

"Il existe des synergies entre ces sports. Par exemple, John Henry est propriétaire de Fenway Park, un stade de baseball à Boston. Il peut utiliser ce stade ainsi que ses réseaux publicitaires et promotionnels pour accueillir des matches d'exhibition mettant en vedette Liverpool."

Victor Matheson

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RedBird, entré en mai au capital du Toulouse FC, compte aussi dans son portefeuille l'équipe de baseball des Yankees de New York, les Cowboys de Dallas en football américain, l'équipe américaine féminine de football et des parts en NFL et en Women NBA. Son arrivée en Europe n'est donc pas une surprise et s'inscrit dans cette diversification.

Toulouse, Bordeaux, Chelsea : des situations très différentes

Si les fonds d'investissement ont tous une motivation pécuniaire, ces derniers opèrent sous différentes stratégies. Certains investissent dans la multipropriété de grands clubs (Chelsea), dans des clubs en difficulté (Toulouse) ou dans des petits clubs (Red Star, SCO Angers), avec la volonté de les revendre en réalisant une plus-value. Enfin, certains investissent dans les ligues. En mai, CVC a investi 1,5 milliard d'euros en Ligue 1, soit 15% des parts, avec la certitude d'en tirer des revenus. "Vous achetez des parts donc vous avez le droit à une partie des revenus générés par la société commerciale, c'est mathématique et très intéressant pour ces fonds", témoigne Luc Arrondel.

Face aux prix mirobolants des clubs européens et des Ligues, les fonds d'investissement tendent donc à surclasser les fortunes personnelles. Un changement de style qui ne laisse pas indifférents les supporters. 

"Dans certains cas, des propriétaires sont plus là pour la gloire et les titres que pour l'argent. Roman Abramovich en fait certainement partie. Il dirigeait l'équipe plus comme un jouet que comme une entreprise. Si vous êtes un fan, vous espérez certainement avoir ce genre de propriétaire, prêt à dépenser plus que de raison pour son équipe."

Victor Matheson, économiste à l'université de Holy Cross

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Pourtant, un fonds d'investissement peut être une manne économique intéressante pour les clubs européens. "Si c'était seulement nocif, pourquoi les clubs accepteraient-ils ? Les clubs sont en difficulté financière et ça peut les aider à se relancer. À Toulouse par exemple, on peut constater que ça fonctionne. Ils vont remonter en Ligue 1, toucher des droits télé, peut-être vendre quelques joueurs du centre de formation... Par contre, à Bordeaux, il semblerait que King Street recherche uniquement la rentabilité. Les situations peuvent être très différentes", ajoute Luc Arrondel. 

Le spectre de la Super Ligue

Ces fonds d'investissement pourraient néanmoins faire évoluer la structure du football européen. Le futur propriétaire de Chelsea, Todd Boehly, est propriétaire des Dodgers (football américain) et a renégocié cette année les droits TV de la NFL à hauteur de 10 milliards de dollars par an. Son arrivée en Europe n'est pas liée au hasard. 

"Les Américains ne viennent pas pour perdre de l'argent. Je pense qu'ils ont en tête la création d'une Super Ligue, qui se rapproche beaucoup de la manière dont sont gérés les sports collectifs aux Etats-Unis, et qui s'accompagnerait d'une renégociation des droits TV"

Luc Arrondel, économiste du sport

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Autre conséquence, "on pourrait avoir une américanisation du football européen avec beaucoup plus de planification et des négociations du partage salaire-profit réalisées à chaque début de saison entre les propriétaires et les joueurs" explique Luc ArrondelJusqu'à présent, en Europe, ce sont les joueurs qui captent l'essentiel de la rente générée par le football. Les fonds d'investissement pourraient faire évoluer l'équilibre en place.

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