Euro 2016 : en l'accusant de céder à des "pressions racistes", Benzema se montre-t-il ingrat avec Deschamps ?
L'attaquant français du Real Madrid, qui a été soutenu à bout de bras par le sélectionneur des Bleus pendant quatre ans, a provoqué une forte polémique, mercredi, autour de l'équipe de France à la suite de son interview donnée à "Marca".
Didier Deschamps n'avait vraiment pas besoin de ça. Après le forfait d'une demi-douzaine de joueurs majeurs, le sélectionneur français doit encaisser les accusations de Karim Benzema. Ce dernier a expliqué, dans une interview polémique à Marca, le 1er juin, que sa non-sélection était liée à des "pressions racistes". Si l'attaquant du Real Madrid affirme tenir en haute estime Didier Deschamps, il ne rend vraiment pas service aux Bleus "à qui il souhaite le meilleur" en lançant un débat aux forts relents communautaristes à quelques jours de l'Euro.
"En France, on lui demande toujours de faire plus"
Et pourtant, Didier Deschamps a porté son attaquant à bout de bras pendant les quatre premières années de son mandat, quand Raymond Domenech ne le portait pas dans son cœur - "il a la morgue d’un grand joueur sans en être encore un", écrivait-il dans son livre Tout seul, après la Coupe du monde 2010. Pendant sa terrible disette de 1 200 minutes sans marquer en sélection, il lui a maintenu sa confiance. Quand il a fait des caprices, en 2013, pour qu'Antoine Griezmann soit titulaire en attaque, plutôt qu'Olivier Giroud, qui l'obligeait à s'exiler sur l'aile gauche, le sélectionneur a maintenu sa confiance à l'attaquant du Real. Karim Benzema n'en a pourtant fait qu'à sa tête, n'adressant qu'un minimum de ballons à son malheureux coéquipier venu d'Arsenal. Didier Deschamps avait dû élever la voix lors d'un match amical face à l'Allemagne, raconte le livre La bande à Deschamps : "Karim, tu joues avec Olivier maintenant."
Le sélectionneur l'a toujours défendu mordicus, contre les 60 millions de sélectionneurs prompts à enterrer un avant-centre inefficace : "Il est beaucoup plus critiqué ici qu’ailleurs, le défendait Didier Deschamps en conférence de presse en 2013. Je trouve cette situation injuste. En France, on lui demande toujours de faire plus. Qu’on puisse mettre en cause qu’il n’est pas un grand attaquant me semble incroyable !" En 2014, après une Coupe du monde moyenne où Karim Benzema disparaît lors des matchs à enjeux, "DD" fait campagne pour que son poulain figure sur le podium du Ballon d'Or. En vain, il terminera à la 16e place (sur 23).
"Tous les pays nous l'envient"
Même sur le débat récurrent des joueurs qui ne chantent pas La Marseillaise, Didier Deschamps a eu un mot pour son avant-centre, qu'on n'a jamais vu entonner l'hymne national. "De quel droit je vais imposer à un joueur de chanter La Marseillaise ? On a d'autres chats à fouetter. Je préfère qu'ils la chantent tous, mais après, ce sont leurs convictions personnelles." Ce qui vaut à Karim Benzema une haine tenace d'une partie des amateurs de foot en France. Didier Deschamps n'a pas hésité à jouer la carte du symbole, en faisant de lui le capitaine des Bleus lors d'un match amical face au Brésil, au printemps 2015. Noël Le Graët, le président de la FFF, avait reconnu que la Fédération avait reçu "un wagon" de lettres haineuses à son encontre au plus fort de l'affaire de la sextape.
Même empêtré dans cette sordide histoire de chantage, Karim Benzema demeure le premier choix de Didier Deschamps. Il le réaffirme dans une interview à L'Equipe : "Vous n’êtes pas attaquant au Real pendant cinq ans, avec Mourinho, Ancelotti, Benitez ou Zidane comme ça. Tous les pays nous l’envient." La petite phrase avait plu au joueur, qui s'était pris en photo devant un kiosque à journaux.
Avant que le sélectionneur des Bleus se plie à la décision du président de la FFF, qui déclare l'attaquant "non sélectionnable" le 13 avril pour l'Euro en raison de l'affaire de la sextape et de sa mise en examen. Noël Le Graët ne cache pas non plus son affection pour Karim Benzema, mais il semble que la volonté de Didier Deschamps de protéger au maximum son groupe de toutes polémiques ait prévalu. Les bons matchs amicaux du mois de mars, où la France a battu les Pays-Bas (3-2) et la Russie (4-2) grâce à une attaque de feu sans avoir besoin de l'attaquant du Real y sont aussi pour beaucoup
Dans l'interview à Marca, qui a spécialement dépêché un journaliste dans le clan du joueur à Lyon, Karim Benzema espère que "la France se rendra compte qu'elle a été injuste avec moi" et qu'il pourra porte à nouveau un jour le maillot bleu. Même si Didier Deschamps est réputé pour son pragmatisme - il a rappelé André-Pierre Gignac avec qui il a eu des relations compliquées à l'OM - un retour de l'ancien avant-centre de Lyon en Bleu paraît relever de la science-fiction à court terme. Sur la forme, cela fait penser aux adieux à la sélection de Franck Ribéry et Samir Nasri, qui eux aussi se sentaient incompris au point de s'en plaindre dans un journal étranger.
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