Euro 2020 : Supporters divisés et rivalité écrasante, pourquoi la Turquie s'exporte loin d'Istanbul
Ce ne sera pas Istanbul, ses quatre clubs historiques et ses supporters hystériques, mais surtout pour leur club. Si le choix de la ville reculée et conservatrice de Konya ressemble à un traquenard pour les Bleus, il met surtout en lumière la défiance qui règne entre les bouillants supporters d'Istanbul et la "Milli Takim", contrainte depuis des années de chercher son public ailleurs.
Car si la passion et la rivalité entre les fans de Galatasaray, Fenerbahçe et Besiktas offrent à Istanbul des derbies enflammés, les divisions sont telles qu'elles ont sapé le soutien à l'équipe nationale.
Supporters arborant le maillot de leur club au lieu des couleurs nationales ou sifflant les joueurs évoluant dans une équipe rivale : excédée par les incidents, la Fédération turque de football (TFF) a décidé il y a cinq ans de mettre de la distance avec l'ex-capitale ottomane.
Istanbul victime de ses rivalités
Ainsi, sur les 25 derniers matches joués par les Turcs à domicile depuis 2014, seulement quatre l'ont été dans cette ville. A chaque fois que la sélection y a remis les pieds, comme l'an dernier contre l'Iran, seule une poignée de supporters a fait le déplacement.
Contrairement aux Bleus qui disputent la plupart de leurs rencontres à domicile au Stade de France, la sélection turque arpente donc le pays comme une caravane, jouant à Konya, Eskisehir (ouest), Antalya (sud) ou encore Trabzon (nord-est).
"Jouer à Istanbul, on aimerait, bien sûr", indique à l'AFP un responsable de la TFF. "Mais la première question qui se pose, c'est: dans quel stade ? Si vous jouez à Fenerbahçe ou Galatasaray, seuls les supporters de l'équipe en question vont venir pour soutenir leurs propres joueurs évoluant au sein de l'équipe nationale".
Demirel, symbole des divisions
L'incapacité des rivaux d'Istanbul à s'unir autour de leur sélection s'est manifestée de façon spectaculaire en 2014 lors d'un match au stade de Galatasaray face au Kazakhstan.
Copieusement sifflé par des milliers de supporters pendant l'échauffement, le gardien de l'équipe nationale Volkan Demirel, évoluant en club chez l'ennemi héréditaire Fenerbahçe, a retiré ses gants et quitté le terrain dans une explosion de colère, sidérant le pays.
Si le poison de la rivalité complique le ralliement des supporters stambouliotes autour d'une bannière commune, les revers accumulés par la sélection nationale depuis une décennie ont aggravé le problème.
Senol Günes, l'espoir retrouvé
"Jusqu'à l'an dernier, on avait probablement l'équipe la plus détestée de l'histoire du pays", souligne Bagis Erten, chroniqueur sportif turc, mentionnant les contre-performances, mais aussi la présence de joueurs clivants dans l'effectif. "Les supporters d'Istanbul sont particulièrement impatients, il est facile de perdre leur soutien. Or, l'équipe nationale a besoin de soutien tout le temps", explique-t-il à l'AFP.
Cet appui infaillible, la "Milli Takim" l'a trouvé dans les villes d'Anatolie, où le passage des stars nationales et internationales, plus rare, suscite davantage l'engouement. "Les tribunes sont pleines et les seules couleurs qu'on voit sont celles de l'équipe nationale", souligne avec satisfaction le responsable de la TFF.
Une réconciliation entre Istanbul et la "Milli Takim" est-elle possible ? Le retour sur le banc de Senol Günes, entraîneur respecté, et la présence de joueurs prometteurs dans l'effectif font souffler depuis quelques semaines un vent d'optimisme.
Un test aura lieu en septembre quand la Turquie recevra Andorre à Istanbul, cinq ans après le dernier match de compétition joué dans cette ville."Il est temps que l'équipe nationale rentre à Istanbul, elle représente l'ensemble du pays, on veut aussi la soutenir", déclare Bodan à l'AFP.
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