Euro 2016 : La question des hooligans russes tourne à l'incident diplomatique
"L'arrestation d'un autobus avec plus de quarante supporters russes par la police est un incident absolument inadmissible", a fustigé le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, devant la Douma (chambre basse du Parlement). Ces supporters ont été arrêtés mardi à Mandelieu-la-Napoule (sud-est), à 170 km de Marseille, où de graves violences ont éclaté samedi en marge d'Angleterre-Russie. Ils s'apprêtaient à rejoindre Lille (nord), où Russie-Slovaquie se joue mercredi (15h00). Ils ont été mis en garde à vue et transférés à Marseille dans l'enquête sur les violences de samedi. Onze d'entre eux ont été remis en liberté et les autres restent en garde à vue à Marseille pour un maximum de 48 heures, a indiqué mercredi une source proche du dossier.
"Les autorités françaises étaient obligées, au moment où elles les ont arrêtés, d'informer l'ambassade ou le consulat général à Marseille. Cela n'a pas été fait", a regretté M. Lavrov, précisant que les diplomates ont appris l'incident par les messages des supporters sur les réseaux sociaux. Parmi eux, Alexandre Chpryguine, président de l'Association des supporters russes et collaborateur du député ultranationaliste Igor Lebedev, membre du parti d'extrême droite LDPR.
Le ministère russe des Affaires étrangères a également annoncé avoir convoqué l'ambassadeur de France en Russie, Jean-Maurice Ripert, après ces arrestations. Moscou a notamment mis en garde contre une "aggravation" des relations franco-russes. Lors de cette convocation, "il a été souligné que l'attisement des sentiments antirusses autour de la participation de la sélection russe au Championnat d'Europe de football est susceptible d'aggraver considérablement l'atmosphère des relations franco-russes", indique ministère dans un communiqué.
Responsable sulfureux
Chpryguine a multiplié les tweets rageurs mardi pour dénoncer une arrestation injuste. Sa présence parmi les Russes interpellés n'a jamais été confirmée par les autorités françaises. Cet homme, qui a déjà été vu en compagnie du président russe Vladimir Poutine, a été photographié par le passé en train de faire un salut nazi en compagnie d'un musicien d'un groupe de rock d'extrême droite russe, bien qu'il réfute être un sympathisant nazi. "Nous avons des indices suffisamment précis sur la participation d'au moins un certain nombre d'entre eux aux violences inacceptables" survenues à Marseille avait déclaré mardi le représentant de l'Etat dans le département des Alpes-Maritimes, Adolphe Colrat, au sujet des individus interpellés mardi. Les hooligans russes, "extrêmement entraînés" selon les autorités, étaient en première ligne lors des rixes à Marseille samedi, mais aucun n'avait été arrêté, ce qui a valu des critiques aux forces de l'ordre.
Après les violences à Marseille, la France a reproché à la Russie d'avoir laissé ses hooligans les plus durs quitter le pays pour aller à l'Euro. "Tous ceux qui, de près ou de loin, ont participé à ces violences, à ces combats de rue, doivent être non seulement identifiés mais surtout renvoyés", a insisté mercredi le porte-parole du gouvernement, français Stéphane Le Foll. Au-delà des relations diplomatiques, la crainte de nouveaux incidents causés par des hooligans à l'Euro reste vive. Le match Russie-Slovaquie à Lille mercredi se déroule la veille d'un Angleterre-Pays de Galles, lui aussi sous haute surveillance à Lens, à une trentaine de kilomètres de là. De premiers heurts, sans blessés, ont eu lieu à Lille dès mardi en fin d'après-midi, avec à la clé sept interpellations. Deux Russes impliqués dans une rixe ont été placés en garde à vue, ainsi qu'un couple d'Ukrainiens pour port d'arme prohibée.
"Orel Butchers"
Sur les images de ces incidents, entre bouteilles de bières et chaises qui volent, on voit encore, comme à Marseille, des hooligans russes arborant le T-shirt des Orel Butchers, groupe affilié au Lokomotiv Moscou, avec une inscription sans équivoque: "Tour de France - Fuck Euro 2016". "On se battra", a d'ailleurs assuré à l'AFP un supporter russe à la sortie du train mercredi à Lille. "Peut-être aujourd'hui, peut-être aussi après-demain, qui sait ? Mais pas dans les stades, c'est pour les tarlouzes. C'est ici que ça se passe", a-t-il menacé. Lille a été placée sous haute surveillance: la préfecture veut "saturer l'espace urbain de présence policière". La Russie, pays hôte du Mondial 2018, n'a plus le droit au moindre faux pas de ses supporters. L'UEFA lui a infligé une suspension avec sursis de l'Euro mardi : elle sera disqualifiée au moindre nouvel incident dans un stade impliquant ses supporters.
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