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Eric Baray, toutes voiles dehors

Les dix-huit skippers de la Transat Bénodet-Martinique s’élanceront ce dimanche du Finistère pour rallier l’île aux Fleurs. Parmi eux, un seul martiniquais. Eric Baray, 47 ans, passionné de voile et amoureux de la mer, ambitieux avec son projet « van den vwél ». « Le vent dans les voiles », au sens propre comme au figuré.
Article rédigé par franceinfo
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« Je suis arrivé le 29 mars à Bénodet, il fait beau, il y a la mer, on se demande vraiment pourquoi on veut traverser », s’esclaffe Eric Baray. La natif de Fort-de-France est détendu à quelques jours du départ de la Transat Bénodet-Martinique. Il ne semble pas pressé de retrouver sa ville natale, Fort-de-France, de l’autre côté de l’Atlantique. C’est pourtant l’inverse pour celui qui a découvert la mer et la voile, grâce à un père « qui nous a mis à l’eau très jeune ». Des régates d’Optimist (bateau d’initiation, ndlr) dès l’âge de 10 ans, de la découverte des fonds marins avec son frère et sa sœur à bord du bateau à moteur du père, l’homme apprend « le respect de la Nature et de l’environnement ». Une passion dont il va tirer un rêve, le genre de rêve qui habite toute l’adolescence de chaque enfant : fabriquer des voiles de bateau. Il l’accomplira des années plus tard, après sa formation en génie civil. Le contact avec la voile, les bateaux, le monde de la mer va devenir son quotidien et occasionner de grandes rencontres. Eric Tabarly notamment. « J’avais ouvert ma première voilerie en Martinique à 22 ans. Sa femme Jacqueline est rentrée dans le magasin pour me demander si elle pouvait passer un coup de fil. C’est comme ça que j’ai croisé Eric qui était sur son bateau avec la petite Marie (sa fille, ndlr) qui devait avoir deux ans à l’époque. Elle était tombée dans le cockpit du bateau, son père l’avait attrapée par le pied et dit +tu restes là toi+ », raconte-t-il aujourd’hui. C’est à cette période qu’il se lance aussi dans ses premières courses avec les grands. Sa passion va l’amener à découvrir toutes les mers du globe, « j’ai navigué partout dans le monde, en Espagne, Italie, Caraïbes, Angleterre, Corse, Etats-Unis… » énumère-t-il, conscient et heureux de la chance qu’il a eu. Dans un peu moins d’un mois, si tout va bien, il retrouvera les eaux de l’île aux Fleurs qui l’ont bercé après une traversée qui s’est souvent refusé à lui.

Recalé du Rhum

C’est en février qu’Eric a su qu’il participerait à la transat Bénodet-Martinique. Une date tardive qui a l’a obligé à tout organiser dans l’urgence. Pas l’idéal quand on est à l’aune de son « plus gros défi en terme de navigation ». Car lui, qui a terminé dixième du Tour de France à la Voile, qui a été double lauréat de la Triskell Cup en Guadeloupe (2003 et 2010) entre autres, n’a jamais pris le départ de la Route du Rhum, course majeure des Caraïbes ouverte aux professionnels comme aux amateurs. Trois fois, il a présenté un dossier, pour autant de refus. Le manque de financement aura eu raison de son enthousiasme. « J’avais déjà eu des problèmes avec le Fisc plus jeune quand j’avais navigué sans des budgets bouclés. J’aurai pu me lancer une année, mais je n’avais que la moitié du budget, j’ai renoncé. Je ne le fais plus aujourd’hui ». Amoureux de la mer, cette passion lui a parfois coûté. S’il ne s’épanche pas sur le sujet, il concède toutefois qu’il est fier d’avoir amener « (son) fils à ne pas faire les mêmes conneries que (lui) », avoue Eric, aujourd’hui divorcé. « Par le passé, j’ai déjà fait des choses pas forcément sympas pour ma famille uniquement parce que j’avais envie de naviguer. La voile n’est pas une fin en soi », relativise-t-il à trois jours du départ. « Il évoquait sans doute sa vie privée, sa vie sentimentale », explique Pascal Pierre-Louis, son ami d’enfance qui s’occupe de sa communication à Bénodet, en référence aux « conneries » d’Eric. « On était à la maternelle, en primaire ensemble. Nos pères se connaissaient. On est venu faire nos études en métropole en même temps, lui à Montpellier, moi à Paris, on se voyait dès qu’on pouvait. On naviguait ensemble pour le fun, c’était notre appât à +gonzesses+ », se souvient Pascal en riant.

Grand enfant

Sur son Figaro Béneteau Van den vwél de 10,10 mètres de longueur loué à Marc Emig, son coach, le Martiniquais aborde plein d’ambitions cette course. Pour lui et pour la Martinique, qui vit la voile un peu dans l’ombre de la Guadeloupe et de son « Rhum ». « La voile est autant implantée en Guadeloupe qu’ici, mais les gens là-bas ont été plus réceptifs. On a surtout les boules plus que de la jalousie, la Martinique avait refusé le Rhum, mais désormais les gens qui décident osent se lancer plus facilement dans des projets, se réjouit-il. On peut espérer que cette transat se pérennise et que pour les prochaines éditions, il y ait plus de dix-huit participants ». Avec l’association qui donne le nom à son embarcation, Eric transmet son amour de la mer aux enfants grâce à la formation, toujours avec la même ferveur. « J’ai 47 balais, j’ai toujours le feu, je n’ai pas besoin de café. Ma mère me dit que je suis survolté, mais c’est de sa faute, elle était déjà branchée sur 100000 volts, elle m’en a donné 300000 (rires) », glisse-t-il. Ambitieux, « je l’ai toujours été », il a appris à se contrôler au contact de la mer au gré des conditions de navigation rencontrées. « Tu es en train de dormir dans ta cabine et tu sens un train passer sur le pont, tu te demandes ce qui t’arrives. Ca t’aide à mûrir, à savoir qu’on n’est pas des surhommes » assure-t-il. Malgré cela, il reste un « grand enfant qui sait être sérieux » et comme les enfants, il « n’aime pas perdre, même s’(il) sait ». Très à l’aise avec eux, il a régalé en autographe, avec le sourire, les jeunes qui l’accostaient à Bénodet. « J’écris des petits mots, +plein de soleil de Martinique », je ne me contente pas de signer, il ne faut pas se prendre pour un kéké (sic) », tempère-t-il. Malgré l’engouement qu’il suscite en Martinique, il entend « garder les pieds sur terre et surtout n’avoir aucun reproche à se faire » à la fin de la transat. « J’aimerai pouvoir gagner, je ne veux pas baisser les bras », conclut-il.

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