Eric Baray, toutes voiles dehors
« Je suis arrivé le 29 mars à Bénodet, il fait beau, il y a la mer, on se demande vraiment pourquoi on veut traverser », sesclaffe Eric Baray. La natif de Fort-de-France est détendu à quelques jours du départ de la Transat Bénodet-Martinique. Il ne semble pas pressé de retrouver sa ville natale, Fort-de-France, de lautre côté de lAtlantique. Cest pourtant linverse pour celui qui a découvert la mer et la voile, grâce à un père « qui nous a mis à leau très jeune ». Des régates dOptimist (bateau dinitiation, ndlr) dès lâge de 10 ans, de la découverte des fonds marins avec son frère et sa sur à bord du bateau à moteur du père, lhomme apprend « le respect de la Nature et de lenvironnement ». Une passion dont il va tirer un rêve, le genre de rêve qui habite toute ladolescence de chaque enfant : fabriquer des voiles de bateau. Il laccomplira des années plus tard, après sa formation en génie civil. Le contact avec la voile, les bateaux, le monde de la mer va devenir son quotidien et occasionner de grandes rencontres. Eric Tabarly notamment. « Javais ouvert ma première voilerie en Martinique à 22 ans. Sa femme Jacqueline est rentrée dans le magasin pour me demander si elle pouvait passer un coup de fil. Cest comme ça que jai croisé Eric qui était sur son bateau avec la petite Marie (sa fille, ndlr) qui devait avoir deux ans à lépoque. Elle était tombée dans le cockpit du bateau, son père lavait attrapée par le pied et dit +tu restes là toi+ », raconte-t-il aujourdhui. Cest à cette période quil se lance aussi dans ses premières courses avec les grands. Sa passion va lamener à découvrir toutes les mers du globe, « jai navigué partout dans le monde, en Espagne, Italie, Caraïbes, Angleterre, Corse, Etats-Unis » énumère-t-il, conscient et heureux de la chance quil a eu. Dans un peu moins dun mois, si tout va bien, il retrouvera les eaux de lîle aux Fleurs qui lont bercé après une traversée qui sest souvent refusé à lui.
Recalé du Rhum
Cest en février quEric a su quil participerait à la transat Bénodet-Martinique. Une date tardive qui a la obligé à tout organiser dans lurgence. Pas lidéal quand on est à laune de son « plus gros défi en terme de navigation ». Car lui, qui a terminé dixième du Tour de France à la Voile, qui a été double lauréat de la Triskell Cup en Guadeloupe (2003 et 2010) entre autres, na jamais pris le départ de la Route du Rhum, course majeure des Caraïbes ouverte aux professionnels comme aux amateurs. Trois fois, il a présenté un dossier, pour autant de refus. Le manque de financement aura eu raison de son enthousiasme. « Javais déjà eu des problèmes avec le Fisc plus jeune quand javais navigué sans des budgets bouclés. Jaurai pu me lancer une année, mais je navais que la moitié du budget, jai renoncé. Je ne le fais plus aujourdhui ». Amoureux de la mer, cette passion lui a parfois coûté. Sil ne sépanche pas sur le sujet, il concède toutefois quil est fier davoir amener « (son) fils à ne pas faire les mêmes conneries que (lui) », avoue Eric, aujourdhui divorcé. « Par le passé, jai déjà fait des choses pas forcément sympas pour ma famille uniquement parce que javais envie de naviguer. La voile nest pas une fin en soi », relativise-t-il à trois jours du départ. « Il évoquait sans doute sa vie privée, sa vie sentimentale », explique Pascal Pierre-Louis, son ami denfance qui soccupe de sa communication à Bénodet, en référence aux « conneries » dEric. « On était à la maternelle, en primaire ensemble. Nos pères se connaissaient. On est venu faire nos études en métropole en même temps, lui à Montpellier, moi à Paris, on se voyait dès quon pouvait. On naviguait ensemble pour le fun, cétait notre appât à +gonzesses+ », se souvient Pascal en riant.
Grand enfant
Sur son Figaro Béneteau Van den vwél de 10,10 mètres de longueur loué à Marc Emig, son coach, le Martiniquais aborde plein dambitions cette course. Pour lui et pour la Martinique, qui vit la voile un peu dans lombre de la Guadeloupe et de son « Rhum ». « La voile est autant implantée en Guadeloupe quici, mais les gens là-bas ont été plus réceptifs. On a surtout les boules plus que de la jalousie, la Martinique avait refusé le Rhum, mais désormais les gens qui décident osent se lancer plus facilement dans des projets, se réjouit-il. On peut espérer que cette transat se pérennise et que pour les prochaines éditions, il y ait plus de dix-huit participants ». Avec lassociation qui donne le nom à son embarcation, Eric transmet son amour de la mer aux enfants grâce à la formation, toujours avec la même ferveur. « Jai 47 balais, jai toujours le feu, je nai pas besoin de café. Ma mère me dit que je suis survolté, mais cest de sa faute, elle était déjà branchée sur 100000 volts, elle men a donné 300000 (rires) », glisse-t-il. Ambitieux, « je lai toujours été », il a appris à se contrôler au contact de la mer au gré des conditions de navigation rencontrées. « Tu es en train de dormir dans ta cabine et tu sens un train passer sur le pont, tu te demandes ce qui tarrives. Ca taide à mûrir, à savoir quon nest pas des surhommes » assure-t-il. Malgré cela, il reste un « grand enfant qui sait être sérieux » et comme les enfants, il « naime pas perdre, même s(il) sait ». Très à laise avec eux, il a régalé en autographe, avec le sourire, les jeunes qui laccostaient à Bénodet. « Jécris des petits mots, +plein de soleil de Martinique », je ne me contente pas de signer, il ne faut pas se prendre pour un kéké (sic) », tempère-t-il. Malgré lengouement quil suscite en Martinique, il entend « garder les pieds sur terre et surtout navoir aucun reproche à se faire » à la fin de la transat. « Jaimerai pouvoir gagner, je ne veux pas baisser les bras », conclut-il.
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