"Le système a protégé des athlètes innocents", affirme l'Agence mondiale antidopage à propos des nageurs chinois contrôlés positifs

L'AMA a réaffirmé sa confiance dans ses processus de contrôle, lundi, lors d'une conférence de presse faisant suite aux révélations de contrôles positifs de 23 nageurs chinois avant les Jeux de Tokyo.
Article rédigé par Mateo Calabrese
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
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Witold Banka, président de l'Agence mondiale antidopage, lors du colloque annuel de l'instance à Lausanne (Suisse), le 14 mars 2023. (FABRICE COFFRINI / AFP)

L'Agence mondiale antidopage veut chasser tout soupçon. L'instance de régulation a organisé une conférence de presse, lundi 22 avril, pour étayer sa ligne de défense face aux critiques qui s'amplifient. Les représentants de l'Agence ont aussi répondu aux questions des journalistes, y compris certains à l'origine de l'enquête publiée le 20 avril par le New York Times, et du reportage de la chaîne allemande ARD, qui ont révélé les contrôles positifs de 23 athlètes chinois non sanctionnés. "Aucune source n'a apporté de preuve", a affirmé Witold Banka, président de l'AMA, qui affirme avoir "respecté les processus".

D'après le New York Times et l'ARD, 23 nageurs et nageuses chinois ont été testés positifs en janvier 2021 à la trimétazidine, substance interdite au motif qu'elle améliore la circulation sanguine. Treize d'entre eux ont participé aux Jeux de Tokyo quelques mois plus tard, à l'été 2021, et trois ont été médaillés d'or. Un rapport rédigé par l'Agence chinoise antidopage (Chinada) a conclu, en mars 2021, à une contamination alimentaire, révélant des traces de trimétazidine dans la cuisine de l'hôtel où les nageurs étaient logés (hotte, récipients à épices, siphon). L'Agence mondiale antidopage, alertée en avril 2021, n'a pas diligenté d'enquête sur place, notamment en raison de la pandémie de Covid-19, ni fait appel de la décision chinoise d'innocenter les sportifs.

La contamination alimentaire "crédible" même si sa source "n'a pas été découverte"

"L'AMA ne pouvant pas conduire d'investigation indépendante, pourquoi a-t-elle accepté l'explication de la Chinada alors qu'il est rare de conclure à une 'absence de faute', et que la charge de la preuve incombe à l'athlète ?", s'interrogeaient notamment les organisations Global Athlete et FairSport dans un communiqué commun. "La source de la contamination n'a pas été découverte" a reconnu Ross Wenzel, conseiller général de l'AMA, mais les représentants de l'agence disent avoir étudié "en profondeur" le scénario de contamination établi par la Chinada, et l'avoir testé avec succès avec des experts scientifiques indépendants. 

L'AMA a adhéré à la thèse de la contamination alimentaire face au "faisceau d'indications corroborant cette théorie". Parmi ces "indications", les représentants de l'autorité ont mentionné des "concentrations très faibles" de trimétazidine, des "résultats fluctuants incompatibles avec une ingestion délibérée même en microdosage" (certains athlètes ont réalisé des tests négatifs quelques heures avant ou après leur test positif), ou encore le fait que parmi les athlètes résidant dans d'autres hôtels, aucun n'a été contrôlé positif (bien que l'AMA ne sache pas précisément "dans combien d'hôtels" différents ces athlètes étaient logés).

L'AMA affirme qu'elle "aurait perdu" si elle avait fait appel

L'instance a également été interrogée sur la différence de traitement avec le cas de Kamila Valieva, patineuse russe suspendue quatre ans en 2022 pour un contrôle positif à la même substance. Cette sanction faisait suite à une procédure d'appel de l'AMA alors que l'Agence russe antidopage avait innocenté sa patineuse pour des motifs similaires à la Chinada. Ross Wenzel a avancé qu'une "vaste majorité des tests positifs présentaient une concentration inférieure au cas de Valieva [2,1 nanogrammes]", ajoutant qu'il n'était alors pas possible "d'exclure une prise volontaire" de la substance par l'athlète russe, qui n'avait pas apporté de preuves "crédibles" de contamination alimentaire.

"Théoriquement, l'AMA aurait pu faire appel" auprès du Tribunal arbitral du sport, a même avancé le conseiller général, mais "nous aurions certainement perdu", faute de "preuves crédibles d'actes répréhensibles" des 23 nageurs chinois. Il a aussi évoqué de "nombreux précédents" d'affaires similaires non dévoilées au public, citant "plus de dix athlètes contrôlés positifs sur le sol américain en 2014", où l'AMA, qui avait cette fois diligenté une enquête sur place, avait conclu à une "contamination par la viande".

"La communication publique de tests positifs requiert une violation du code antidopage", a également précisé Ross Wenzel pour justifier la non-divulgation de ces tests positifs au public : "Cela aurait constitué une violation du code mondial antidopage et de la vie privée". De son côté, Witold Banka, patron de l'organisation internationale, n'a exprimé aucun regret quant à la gestion de ce dossier. "Si nous devions le refaire, nous ferions exactement la même chose", a déclaré le dirigeant polonais.

"Le système a protégé des athlètes innocents", a même affirmé Olivier Niggli, directeur général de l'AMA, se félicitant que tous les processus de contrôle de l'instance aient été respectés. Ce sont justement ces processus qui sont dans le viseur de certains acteurs du sport, qui réclament plus de transparence, et remettent en cause l'organisation de la lutte contre le dopage fondée sur des agences nationales contrôlant leurs propres athlètes.

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