Dopage: les langues se délient devant le Sénat
Les deux ont eu l'image de personnes clairement engagées dans la lutte contre le dopage. Chacun à son niveau. Marie-Georges Buffet et Pierre Bordry ont tous deux été auditionnés par la commission d'enquête du Sénat portant sur l'efficacité de la lutte contre le dopage. Sous serment, ils ont pu évoquer leur vécu. Aucune révélation majeure, mais un éclairage sur certaines pratiques, certaines habitudes.
L'ancienne ministre a ainsi évoqué l'année 1998 et les pressions "de toutes sortes" qu'elle a subi après avoir ordonné un contrôle antidopage inopiné sur les joueurs de l'équipe de France alors en stage de préparation à Tignes. "Les médias me sont tombés dessus de manière très violente, il y a eu un déferlement où on m'accusait d'empêcher l'équipe de France de se préparer dans de bonnes conditions. Je me suis sentie isolée et j'ai flanché, j'ai presque été amenée à m'excuser", a-t-elle raconté. Mais elle assure que ces pressions n'ont pas fait varier son attitude: "Ce que je peux dire, c'est que nous n'avons jamais donné de directive en ce sens. Ensuite, il faut se replacer dans l'époque. En 1998, il n'y a pas d'AFLD (ndlr: Agence française de lutte contre le dopage ), nous n'avions pas les outils d'aujourd'hui, seulement les contrôleurs du ministère". Ces paroles ne vont pas contribuer à réduire le scepticisme de certains concernant le sacre mondial de la France.
Verburggen en homme de pression sur Paris-2008
Elle est également revenue sur la candidature de Paris pour les Jeux Olympiques de 2008, où Hein Verburggen, déjà au coeur de l'affaire Armstrong, joue encore un rôle selon elle: "La candidature était supervisée par M. Verbruggen, président de l'UCI et membre du CIO qui donc présidait la délégation (venue en France pour évaluer sa candidature). Les pressions se sont exercées par l'intermédiaire de M. Verbruggen mais aussi d'autres membres du CIO. M. Killy à l'époque et M.Drut s'en étaient entretenus auprès du Premier ministre en me demandant de faire une lettre précisant que la loi française ne s'appliquerait pas dans sa globalité au moment des Jeux. Ca a été une pression extrêmement forte, on a remis la lettre à M. Verbruggen en haut de la Tour Eiffel."
L'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), Pierre Bordry l'a dirigée. C'est notamment durant sa présidence que les tensions avec l'Union cycliste internationale (UCI), dirigée alors par Verbruggen, ont été les plus fortes, aboutissant même à un Tour de France uniquement supervisé sur le plan du dopage par l'AFLD. N'ayant jamais eu sa langue dans sa poche, il a évoqué une rumeur: "J'invite la commission d'enquête à auditionner les responsables d'ASO sur l'éventualité du passage de la frontière espagnole par certains coureurs lors du Tour 2009", où le tracé du Tour faisait passer le peloton en Espagne et en Andorre durant trois jours.
"Il y a des rumeurs qui circulent, et il faudrait poser la question aux gens d'Amaury Sport Organisation selon lesquelles le groupe Amaury savait qu'il y avait des coureurs qui, dans cette zone (Andorre, NDLR), passaient la frontière espagnole. Je ne sais pas pourquoi ils passaient la frontière espagnole, ni quel besoin ils en avaient mais pour le Tour de France suivant, ils (les organisateurs, NDLR) ont donné des indications aux directeurs d'équipe, semble-t-il, pour leur dire qu'il ne fallait pas recommencer. Je retire de ces rumeurs, et je dis que ce ne sont que des rumeurs qu'il faudrait vérifier auprès des intéressés, que les dirigeants du Tour de France sont tout à fait engagés dans la lutte contre le dopage , mais qu'ils savent quand même pas mal de choses de ce qui se passe sur leur compétition."
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