Des députés plaident pour plus de sport à l'école lors du déconfinement
Et si le dĂ©confinement permettait de renforcer le sport Ă lâĂ©cole ? Câest en tout cas la volontĂ© de 21 dĂ©putĂ©s, membres de la majoritĂ©. Lundi dernier, ce groupe dâĂ©lus a envoyĂ© une lettre adressĂ©e aux ministres des sports et de l'Ă©ducation nationale, Roxana Maracineanu et Jean-Michel Blanquer, en listant plusieurs propositions en faveur dâun renforcement de l'activitĂ© physique Ă lâĂ©cole. Pour eux, la reprise progressive des chemins de lâĂ©cole pourrait coĂŻncider avec un renforcement du sport dans le premier degrĂ©.Â
âDepuis longtemps nous souhaitons amĂ©liorer la place du sport dans lâenseignement du premier degrĂ©. (...) Dans les Ă©coles, collĂšges et lycĂ©es, le dĂ©confinement dĂ©butera le 11 mai et sera âprogressif, allĂ©gĂ©, pragmatique, personnalisĂ© et Ă©laborĂ© Ă partir des concertationsâ. Une occasion se prĂ©sente donc Ă nous dâexpĂ©rimenter une organisation de la journĂ©e scolaire inspirĂ©e du modĂšle allemandâ, Ă©crivent les dĂ©putĂ©s dans la lettre envoyĂ©e aux ministres.Â
âOn peut s'inspirer du modĂšle allemand, mais l'idĂ©e n'est pas de reproduire Ă la lettre leur modĂšle", explique Bertrand Sorre, dĂ©putĂ© de la Manche, un des auteurs de cette lettre. "Lors de cette reprise progressive de lâenseignement, il va falloir faire preuve d'inventivitĂ© et de souplesse. Alors, nous nous sommes dit quâune des pistes possibles Ă©tait de permettre une pratique du sport beaucoup plus importante par petits groupes, lĂ oĂč câest envisageable.â
Les écoliers français ne font pas assez de sport
Ces propositions viennent du constat que les petits Français ne font pas suffisamment de sport Ă lâĂ©cole. âAujourdâhui, la pratique du sport des enfants en primaire est insuffisante. Beaucoup ne pratiquent aucune activitĂ© sportive. Et on le sait, le manque dâactivitĂ© physique a des consĂ©quences sur la santĂ©â, souligne Bertrand Sorre.Â
Pour le dĂ©putĂ© du Cher, François Cormier-Bouligeon, autre auteur de la lettre, il sâagit dâune vraie inquiĂ©tude. âll n'y a pas assez d'activitĂ© physique et sportive dans le premier degrĂ©. La consĂ©quences, c'est qu'en quarante ans, la capacitĂ© physique des jeunes a diminuĂ© de 25%. En 2017, une Ă©tude montre que, lĂ oĂč les jeunes de 9 Ă 16 ans mettaient en moyenne 3 minutes pour courir 800 mĂštres, ils en mettent aujourdâhui 4â, dĂ©taille celui Ă l'origine du projet, et qui considĂšre âdepuis longtemps quâon doit faire progresser lâenseignement du sport dans le premier degrĂ©â.Â
DĂ©doublement des classesÂ
Cette lettre de propositions coĂŻncide avec les premiĂšres annonces faites mardi 21 avril par Jean-Michel Blanquer, qui a fixĂ© quelques lignes du retour Ă lâĂ©cole, via une reprise progressive par niveau et avec des classes de 15 Ă©lĂšves maximum. Le ministre de lâĂ©ducation nationale a expliquĂ© que les Ă©lĂšves seront pris en charge dĂšs le 11 mai Ă travers quatre cas de figure : un enseignement Ă distance, des demi-groupes prĂ©sents en classe, des Ă©tudes, ou encore en activitĂ© sportive "Ă cĂŽtĂ© de l'Ă©tablissement".Â
Une annonce qui a beaucoup interrogĂ© le corps enseignant : qui sâoccupera des deuxiĂšmes moitiĂ© de classe ? Une question lĂ©gitime Ă laquelle les dĂ©putĂ©s tentent ainsi de rĂ©pondre. âNous pensons que ce dĂ©doublement des classes, nĂ©cessaire pour respecter les gestes barriĂšres, est une opportunitĂ© de pouvoir pratiquer le sport en parallĂšle de l'enseignement scolaire sur ce temps d'accueil des enfants. Une partie de la classe pourrait participer Ă des temps dâenseignement des savoirs fondamentaux, quand lâautre partie participe Ă des temps dâactivitĂ©Â physique et sportive, mais aussi culturelle et autresâ, dĂ©taille Bertrand Sorre.Â
Le syndicat enseignant ouvert mais prudent
Pour le syndicat des enseignants - UNSA, la reprise du 11 mai a encore du mal Ă se dessiner et trop de zones dâombre sont encore Ă Ă©claircir. âCe qui me dĂ©range un peu dans cette proposition, câest quâon sâappuie sur une reprise dont on ne connaĂźt pas, pour lâinstant, les contours. On avance Ă lâaveugle, au jour le jour, y compris le ministĂšre", affirme Elisabeth Allain-Moreno, dĂ©lĂ©guĂ© nationale EPS au syndicat enseignant UNSA. "Il y a encore beaucoup dâhypothĂšses, et par consĂ©quent qui dit hypothĂšse, dit quâon ne sait pas si cela peut fonctionner, je pense notamment aux demi-classes.â
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Les acteurs locaux sollicitĂ©sÂ
Comme toutes dĂ©cisions mises en place dĂšs le 11 mai, il faudra lĂ encore rĂ©pondre Ă un certain nombre de critĂšres afin d'empĂȘcher la propagation du virus. âUne fois qu'on a mis cet aspect-lĂ de cĂŽtĂ©", dĂ©veloppe François Cormier-Bouligeon, "il faut faire confiance aux acteurs locaux que sont les enseignants, les communes, les acteurs du monde sportif pour se mettre d'accord sur des activitĂ©s qui seront forcĂ©ment innovantes.â
En effet, poursuit le dĂ©putĂ© du Cher, âquand on parle d'activitĂ©s physiques et sportives et de protection de la santĂ© des jeunes, cela veut dire qu'on ne va pas leur demander de faire du foot, du rugby ou du basket qui sont des sports de contactsâ. En dâautres termes, il sâagit donc de mettre en place des activitĂ©s moins normĂ©es, Ă©vitant les contacts et respectant les rĂšgles sanitaires.Â
Un triple intĂ©rĂȘtÂ
Les dĂ©putĂ©s proposent Ă©galement que ces temps dâactivitĂ©Â sportive soient assurĂ©s âpar les Ă©ducateurs des clubs sportifs locaux avec un financement de l'Etat exceptionnel. Cette solution nous paraĂźt prĂ©senter le triple intĂ©rĂȘt de sortir du confinement de maniĂšre innovante, de renforcer la place du sport Ă lâĂ©cole et de soutenir financiĂšrement les clubs amateurs dont les recettes ont chutĂ© du fait de la crise sanitaireâ, Ă©crivent-ils dans la lettre officielle.Â
Le milieu associatif est en effet touchĂ© de plein fouet par la crise sanitaire du coronavirus. âDans les associations sportives, nous avons des ressources trĂšs importantes et de grandes qualitĂ©s, des animateurs formĂ©s et diplĂŽmĂ©s. Il nous semble donc intĂ©ressant de s'appuyer sur ces ressources-lĂ , sur ces compĂ©tences pour proposer une activitĂ© physique plus importante au sein des Ă©colesâ, explique Bertrand Sorre. ConcrĂštement, les animateurs dâassociations ou de clubs sportifs pourraient, avec une convention, venir dans les classes animer des activitĂ©s sportives et encadrer des groupes dâĂ©lĂšves.Â
Pour Elisabeth Allain-Moreno, dĂ©lĂ©guĂ© nationale EPS Ă lâSE-UNSA, âfaire intervenir des acteurs autres que les enseignants, qui ne seront pas suffisamment nombreux, est une trĂšs bonne chose. Il est Ă©vident quâon ne peut pas laisser les Ă©lĂšves attendre Ă la porte de l'Ă©cole ou venir plus tard pour alterner avec les copains. Il faut pouvoir tous les accueillir et leur faire faire des activitĂ©s diffĂ©rentes. Et le sport sây prĂȘte Ă©videmment. Pour nous, c'est un signe de solidaritĂ© de la sociĂ©tĂ©, oĂč tout le monde se serre les coudes.â
Autre appui, les Ă©tudiants en Staps
Le dĂ©putĂ© du Cher, François Cormier-Bouligeon, imagine aussi sâappuyer sur les Ă©tudiants en Staps. âIls font partie des richesses sur lesquelles on peut s'appuyer. Ils sont formĂ©s Ă ces mĂ©tiers. Comme sur le modĂšle des Ă©tudiants en mĂ©decine ou infirmiers qui viennent en renfort des hĂŽpitaux, ils peuvent prĂȘter main forteâ, prĂ©cise le dĂ©putĂ©. Une proposition tout Ă fait soutenue par le syndicat enseignant. âDans le premier degrĂ©, tous les professeurs des Ă©coles nâont pas forcĂ©ment ni la formation initiale ni continue en EPS dont ils auraient besoin.â
Solidarité entre les villes et les communes
La dĂ©lĂ©guĂ©e nationale EPS Ă lâSE-UNSA estime que la proposition du renforcement du sport Ă lâĂ©cole est certes une bonne idĂ©e, mais quâelle nâest pas nouvelle et quâelle a souvent Ă©tĂ© confrontĂ©e Ă des problĂšmes dans sa mise en oeuvre. âElle ne rĂ©sout pas les problĂšmes prĂ©sents. Par le passĂ©, il y a eu dâautres expĂ©rimentations, mais Ă chaque fois, elles se sont confrontĂ©es aux mĂȘmes rĂ©alitĂ©s du terrain, comme une inĂ©galitĂ© des infrastructures ou des moyens humains limitĂ©s notamment. De plus, il va falloir tenir plusieurs semaines, et sans installation ou vĂ©ritable terrain, cette proposition peut devenir limitĂ©e.â Elisabeth Allain-Moreno ajoute encore : âIl faut faire attention, car en allant chercher dans des fonds de tiroirs des expĂ©rimentations qui nâont pas encore fonctionnĂ©, mais quâon ressort parce que lâon considĂšre que le contexte sây prĂȘte, j'Ă©mets quand mĂȘme de la vigilance, mĂȘme si je salue cette action.â
âJe plaide vraiment pour que dĂšs maintenant, on rĂ©flĂ©chisse Ă ce qui doit ĂȘtre la France d'aprĂšs, qui doit ĂȘtre solidaire."
Une rĂ©alitĂ© dont a conscience François Cormier-Bouligeon. âToutes les communes n'ont pas le mĂȘme niveau d'Ă©quipement sportif, et toutes n'ont pas une couverture en termes de clubs ou d'Ă©ducateurs qui est la mĂȘmeâ, reconnaĂźt le dĂ©putĂ© du Cher.  âJe plaide vraiment pour que dĂšs maintenant, on rĂ©flĂ©chisse Ă ce qui doit ĂȘtre la France d'aprĂšs, qui doit ĂȘtre solidaire. Par exemple, certaines communes rurales n'ont pas de clubs de sport. Dans ces cas-lĂ , les zones urbaines doivent venir en appui, et je pense qu'il est assez simple dans un dĂ©partement de faire le point sur les Ă©ducateurs qui sont disponibles et volontaires et d'organiser leurs prĂ©sences sur les communes qui sont plus dĂ©favorisĂ©es.â âLe modĂšle reste Ă organiser de maniĂšre trĂšs souple selon les Ă©coles et les endroitsâ, ajoute Bertrand Sorre. Â
Qui financera ?Â
Si dĂ©putĂ©s et syndicats sâaccordent sur le renforcement de la pratique sportive Ă lâĂ©cole, la question du financement se pose. âCâest en nĂ©gociation", indique François Cormier-Bouligeon. Nous sommes actuellement en train de travailler avec les diffĂ©rents ministres pour regarder quelles sont les lignes budgĂ©taires qu'ils peuvent redĂ©ployer sur ce type d'actions. En tous les cas, je maintiens qu'il faut augmenter le Fonds pour le dĂ©veloppement de la vie associative, y compris cette annĂ©e pour faire face Ă ce genre de dĂ©pensesâ.Â
Si les ministres, Jean-Michel Blanquer et Roxana Maracineanu nâont pas rĂ©digĂ© de rĂ©ponse Ă©crite, les dĂ©putĂ©s sont confiants quant Ă leur soutien. âOn a tacitement un aval Ă ce type dâorganisation. Depuis trois semaines, nous sommes en Ă©change rĂ©gulier avec la ministre des sports qui cautionne ce type d'organisationâ, indique Bertrand Sorre, qui ajoute encore : âLa ministre des Sports a dĂ©clarĂ© ĂȘtre favorable Ă accompagner la vie associative sportive par des fonds nouveaux.â
Pour Bertrand Sorre, âles bras sont lĂ , on a l'argent mobilisable, donc profitons de cette opportunitĂ©, qui, certes, dĂ©pend dâune condition sanitaire dramatique, mais qui pourrait permettre de faire Ă©voluer la pratique du sport Ă l'Ă©coleâ. Dans l'esprit des dĂ©putĂ©s, ils ont un mois et demi avant la pĂ©riode estivale pour expĂ©rimenter cette intensification du sport, et pourquoi pas, en cas de succĂšs, permettre une refonte du programme scolaire, avec une intĂ©gration plus importante de l'activitĂ© sportive. âOn a la chance d'accueillir les Jeux olympiques dans quatre ans", rappelle François Cormier-Bouligeon. "Il faut en faire quelque chose.â
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