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Des députés plaident pour plus de sport à l'école lors du déconfinement

Lundi dernier, 21 dĂ©putĂ©s ont adressĂ© une lettre aux ministres Roxana Maracineanu et Jean-Michel Blanquer afin de leur proposer un renforcement du sport Ă  l’école pendant le dĂ©confinement et le retour Ă  l’école progressif dĂšs le 11 mai. Cette solution pourrait, selon les dĂ©putĂ©s auteurs de la lettre, faire coĂŻncider retour en classe et sĂ©curitĂ© sanitaire. Pour le syndicat enseignant UNSA, l’idĂ©e est louable mais Ă  Ă©claircir.
Article rédigé par Apolline Merle
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 13min
  (GUILLAUME BONNEFONT / MAXPPP)

Et si le dĂ©confinement permettait de renforcer le sport Ă  l’école ? C’est en tout cas la volontĂ© de 21 dĂ©putĂ©s, membres de la majoritĂ©. Lundi dernier, ce groupe d’élus a envoyĂ© une lettre adressĂ©e aux ministres des sports et de l'Ă©ducation nationale, Roxana Maracineanu et Jean-Michel Blanquer, en listant plusieurs propositions en faveur d’un renforcement de l'activitĂ© physique Ă  l’école. Pour eux, la reprise progressive des chemins de l’école pourrait coĂŻncider avec un renforcement du sport dans le premier degrĂ©. 

“Depuis longtemps nous souhaitons amĂ©liorer la place du sport dans l’enseignement du premier degrĂ©. (...) Dans les Ă©coles, collĂšges et lycĂ©es, le dĂ©confinement dĂ©butera le 11 mai et sera ‘progressif, allĂ©gĂ©, pragmatique, personnalisĂ© et Ă©laborĂ© Ă  partir des concertations’. Une occasion se prĂ©sente donc Ă  nous d’expĂ©rimenter une organisation de la journĂ©e scolaire inspirĂ©e du modĂšle allemand”, Ă©crivent les dĂ©putĂ©s dans la lettre envoyĂ©e aux ministres. 

“On peut s'inspirer du modĂšle allemand, mais l'idĂ©e n'est pas de reproduire Ă  la lettre leur modĂšle", explique Bertrand Sorre, dĂ©putĂ© de la Manche, un des auteurs de cette lettre. "Lors de cette reprise progressive de l’enseignement, il va falloir faire preuve d'inventivitĂ© et de souplesse. Alors, nous nous sommes dit qu’une des pistes possibles Ă©tait de permettre une pratique du sport beaucoup plus importante par petits groupes, lĂ  oĂč c’est envisageable.”

Les écoliers français ne font pas assez de sport

Ces propositions viennent du constat que les petits Français ne font pas suffisamment de sport Ă  l’école. “Aujourd’hui, la pratique du sport des enfants en primaire est insuffisante. Beaucoup ne pratiquent aucune activitĂ© sportive. Et on le sait, le manque d’activitĂ© physique a des consĂ©quences sur la santĂ©â€, souligne Bertrand Sorre. 

Pour le dĂ©putĂ© du Cher, François Cormier-Bouligeon, autre auteur de la lettre, il s’agit d’une vraie inquiĂ©tude. “ll n'y a pas assez d'activitĂ© physique et sportive dans le premier degrĂ©. La consĂ©quences, c'est qu'en quarante ans, la capacitĂ© physique des jeunes a diminuĂ© de 25%. En 2017, une Ă©tude montre que, lĂ  oĂč les jeunes de 9 Ă  16 ans mettaient en moyenne 3 minutes pour courir 800 mĂštres, ils en mettent aujourd’hui 4”, dĂ©taille celui Ă  l'origine du projet, et qui considĂšre “depuis longtemps qu’on doit faire progresser l’enseignement du sport dans le premier degrĂ©â€. 

Dédoublement des classes 

Cette lettre de propositions coĂŻncide avec les premiĂšres annonces faites mardi 21 avril par Jean-Michel Blanquer, qui a fixĂ© quelques lignes du retour Ă  l’école, via une reprise progressive par niveau et avec des classes de 15 Ă©lĂšves maximum. Le ministre de l’éducation nationale a expliquĂ© que les Ă©lĂšves seront pris en charge dĂšs le 11 mai Ă  travers quatre cas de figure : un enseignement Ă  distance, des demi-groupes prĂ©sents en classe, des Ă©tudes, ou encore en activitĂ© sportive "Ă  cĂŽtĂ© de l'Ă©tablissement". 

Une annonce qui a beaucoup interrogĂ© le corps enseignant : qui s’occupera des deuxiĂšmes moitiĂ© de classe ? Une question lĂ©gitime Ă  laquelle les dĂ©putĂ©s tentent ainsi de rĂ©pondre. “Nous pensons que ce dĂ©doublement des classes, nĂ©cessaire pour respecter les gestes barriĂšres, est une opportunitĂ© de pouvoir pratiquer le sport en parallĂšle de l'enseignement scolaire sur ce temps d'accueil des enfants. Une partie de la classe pourrait participer Ă  des temps d’enseignement des savoirs fondamentaux, quand l’autre partie participe Ă  des temps d’activité physique et sportive, mais aussi culturelle et autres”, dĂ©taille Bertrand Sorre. 

  (VINCENT ISORE / MAXPPP)

Le syndicat enseignant ouvert mais prudent

Pour le syndicat des enseignants - UNSA, la reprise du 11 mai a encore du mal Ă  se dessiner et trop de zones d’ombre sont encore Ă  Ă©claircir. “Ce qui me dĂ©range un peu dans cette proposition, c’est qu’on s’appuie sur une reprise dont on ne connaĂźt pas, pour l’instant, les contours. On avance Ă  l’aveugle, au jour le jour, y compris le ministĂšre", affirme Elisabeth Allain-Moreno, dĂ©lĂ©guĂ© nationale EPS au syndicat enseignant UNSA. "Il y a encore beaucoup d’hypothĂšses, et par consĂ©quent qui dit hypothĂšse, dit qu’on ne sait pas si cela peut fonctionner, je pense notamment aux demi-classes.”
 

Les acteurs locaux sollicités 

Comme toutes dĂ©cisions mises en place dĂšs le 11 mai, il faudra lĂ  encore rĂ©pondre Ă  un certain nombre de critĂšres afin d'empĂȘcher la propagation du virus. “Une fois qu'on a mis cet aspect-lĂ  de cĂŽtĂ©", dĂ©veloppe François Cormier-Bouligeon, "il faut faire confiance aux acteurs locaux que sont les enseignants, les communes, les acteurs du monde sportif pour se mettre d'accord sur des activitĂ©s qui seront forcĂ©ment innovantes.”

En effet, poursuit le dĂ©putĂ© du Cher, “quand on parle d'activitĂ©s physiques et sportives et de protection de la santĂ© des jeunes, cela veut dire qu'on ne va pas leur demander de faire du foot, du rugby ou du basket qui sont des sports de contacts”. En d’autres termes, il s’agit donc de mettre en place des activitĂ©s moins normĂ©es, Ă©vitant les contacts et respectant les rĂšgles sanitaires. 

Un triple intĂ©rĂȘt 

Les dĂ©putĂ©s proposent Ă©galement que ces temps d’activité sportive soient assurĂ©s “par les Ă©ducateurs des clubs sportifs locaux avec un financement de l'Etat exceptionnel. Cette solution nous paraĂźt prĂ©senter le triple intĂ©rĂȘt de sortir du confinement de maniĂšre innovante, de renforcer la place du sport Ă  l’école et de soutenir financiĂšrement les clubs amateurs dont les recettes ont chutĂ© du fait de la crise sanitaire”, Ă©crivent-ils dans la lettre officielle. 

Le milieu associatif est en effet touchĂ© de plein fouet par la crise sanitaire du coronavirus. “Dans les associations sportives, nous avons des ressources trĂšs importantes et de grandes qualitĂ©s, des animateurs formĂ©s et diplĂŽmĂ©s. Il nous semble donc intĂ©ressant de s'appuyer sur ces ressources-lĂ , sur ces compĂ©tences pour proposer une activitĂ© physique plus importante au sein des Ă©coles”, explique Bertrand Sorre. ConcrĂštement, les animateurs d’associations ou de clubs sportifs pourraient, avec une convention, venir dans les classes animer des activitĂ©s sportives et encadrer des groupes d’élĂšves. 

  (VINCENT ISORE / MAXPPP)

Pour Elisabeth Allain-Moreno, dĂ©lĂ©guĂ© nationale EPS Ă  l’SE-UNSA, “faire intervenir des acteurs autres que les enseignants, qui ne seront pas suffisamment nombreux, est une trĂšs bonne chose. Il est Ă©vident qu’on ne peut pas laisser les Ă©lĂšves attendre Ă  la porte de l'Ă©cole ou venir plus tard pour alterner avec les copains. Il faut pouvoir tous les accueillir et leur faire faire des activitĂ©s diffĂ©rentes. Et le sport s’y prĂȘte Ă©videmment. Pour nous, c'est un signe de solidaritĂ© de la sociĂ©tĂ©, oĂč tout le monde se serre les coudes.”

Autre appui, les Ă©tudiants en Staps

Le dĂ©putĂ© du Cher, François Cormier-Bouligeon, imagine aussi s’appuyer sur les Ă©tudiants en Staps. “Ils font partie des richesses sur lesquelles on peut s'appuyer. Ils sont formĂ©s Ă  ces mĂ©tiers. Comme sur le modĂšle des Ă©tudiants en mĂ©decine ou infirmiers qui viennent en renfort des hĂŽpitaux, ils peuvent prĂȘter main forte”, prĂ©cise le dĂ©putĂ©. Une proposition tout Ă  fait soutenue par le syndicat enseignant. “Dans le premier degrĂ©, tous les professeurs des Ă©coles n’ont pas forcĂ©ment ni la formation initiale ni continue en EPS dont ils auraient besoin.”

Solidarité entre les villes et les communes

La dĂ©lĂ©guĂ©e nationale EPS Ă  l’SE-UNSA estime que la proposition du renforcement du sport Ă  l’école est certes une bonne idĂ©e, mais qu’elle n’est pas nouvelle et qu’elle a souvent Ă©tĂ© confrontĂ©e Ă  des problĂšmes dans sa mise en oeuvre. “Elle ne rĂ©sout pas les problĂšmes prĂ©sents. Par le passĂ©, il y a eu d’autres expĂ©rimentations, mais Ă  chaque fois, elles se sont confrontĂ©es aux mĂȘmes rĂ©alitĂ©s du terrain, comme une inĂ©galitĂ© des infrastructures ou des moyens humains limitĂ©s notamment. De plus, il va falloir tenir plusieurs semaines, et sans installation ou vĂ©ritable terrain, cette proposition peut devenir limitĂ©e.” Elisabeth Allain-Moreno ajoute encore : “Il faut faire attention, car en allant chercher dans des fonds de tiroirs des expĂ©rimentations qui n’ont pas encore fonctionnĂ©, mais qu’on ressort parce que l’on considĂšre que le contexte s’y prĂȘte, j'Ă©mets quand mĂȘme de la vigilance, mĂȘme si je salue cette action.”

“Je plaide vraiment pour que dĂšs maintenant, on rĂ©flĂ©chisse Ă  ce qui doit ĂȘtre la France d'aprĂšs, qui doit ĂȘtre solidaire."


Une rĂ©alitĂ© dont a conscience François Cormier-Bouligeon. “Toutes les communes n'ont pas le mĂȘme niveau d'Ă©quipement sportif, et toutes n'ont pas une couverture en termes de clubs ou d'Ă©ducateurs qui est la mĂȘme”, reconnaĂźt le dĂ©putĂ© du Cher.  “Je plaide vraiment pour que dĂšs maintenant, on rĂ©flĂ©chisse Ă  ce qui doit ĂȘtre la France d'aprĂšs, qui doit ĂȘtre solidaire. Par exemple, certaines communes rurales n'ont pas de clubs de sport. Dans ces cas-lĂ , les zones urbaines doivent venir en appui, et je pense qu'il est assez simple dans un dĂ©partement de faire le point sur les Ă©ducateurs qui sont disponibles et volontaires et d'organiser leurs prĂ©sences sur les communes qui sont plus dĂ©favorisĂ©es.“ “Le modĂšle reste Ă  organiser de maniĂšre trĂšs souple selon les Ă©coles et les endroits”, ajoute Bertrand Sorre.  

Qui financera ? 

Si dĂ©putĂ©s et syndicats s’accordent sur le renforcement de la pratique sportive Ă  l’école, la question du financement se pose. “C’est en nĂ©gociation", indique François Cormier-Bouligeon. Nous sommes actuellement en train de travailler avec les diffĂ©rents ministres pour regarder quelles sont les lignes budgĂ©taires qu'ils peuvent redĂ©ployer sur ce type d'actions. En tous les cas, je maintiens qu'il faut augmenter le Fonds pour le dĂ©veloppement de la vie associative, y compris cette annĂ©e pour faire face Ă  ce genre de dĂ©penses”. 

Si les ministres, Jean-Michel Blanquer et Roxana Maracineanu n’ont pas rĂ©digĂ© de rĂ©ponse Ă©crite, les dĂ©putĂ©s sont confiants quant Ă  leur soutien. “On a tacitement un aval Ă  ce type d’organisation. Depuis trois semaines, nous sommes en Ă©change rĂ©gulier avec la ministre des sports qui cautionne ce type d'organisation”, indique Bertrand Sorre, qui ajoute encore : “La ministre des Sports a dĂ©clarĂ© ĂȘtre favorable Ă  accompagner la vie associative sportive par des fonds nouveaux.”

Pour Bertrand Sorre, “les bras sont lĂ , on a l'argent mobilisable, donc profitons de cette opportunitĂ©, qui, certes, dĂ©pend d’une condition sanitaire dramatique, mais qui pourrait permettre de faire Ă©voluer la pratique du sport Ă  l'Ă©cole”. Dans l'esprit des dĂ©putĂ©s, ils ont un mois et demi avant la pĂ©riode estivale pour expĂ©rimenter cette intensification du sport, et pourquoi pas, en cas de succĂšs, permettre une refonte du programme scolaire, avec une intĂ©gration plus importante de l'activitĂ© sportive. “On a la chance d'accueillir les Jeux olympiques dans quatre ans", rappelle François Cormier-Bouligeon. "Il faut en faire quelque chose.”

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