La saga Tom Boonen : Au nom de tous les Belges
Quelques années avant Peter Sagan, Tom Boonen a été durant une décennie LA rock star du peloton. Qui peut s’enorgueillir d’avoir cassé son contrat chez l’US Postal, l’équipe de Lance Armstrong, pour rejoindre la formation Quick Step, taillée sur mesure pour son talent ? Boonen. Qui a quitté sa région natale pour s’installer dans un cadre monégasque bling-bling plus apprécié des footballeurs, des tennismen ou de la Jet Set que des forçats de la route ? Toujours Boonen. Qui a été apprécié de façon quasi unanime comme peu d’autres coureurs ? Encore Boonen. « Il n’a pas d’ennemi. Quand il remonte le peloton, tu le laisses passer par respect alors que tu laisses passer Cancellara par crainte des représailles », confie l’ancien champion de France Florent Brard qui a achevé sa carrière lorsque Boonen était au sommet. « Beaucoup sont respectueux voire admiratifs parce qu’il a contribué à la médiatisation du vélo et surtout des Flandriennes. Il a dépoussiéré ces courses qui intéressaient moins avant hormis les Belges. C’est le plus bel ambassadeur du cyclisme ». Pour Cédric Vasseur, « Boonen a apporté un vent de fraîcheur ». Et l’ancien coéquipier de Boonen chez Quick Step de préciser : « Il a modernisé l’image du vélo ». Pour tout ça, Monsieur Boonen va nous manquer.
Un palmarès monstrueux
Adoré des Wallons, adulé par les Flamands, Tom Boonen a été le fer de lance du cyclisme belge comme peu d’autres coureurs avant lui. Davantage qu’un Eddy Merckx, ultra-respecté en tant que meilleur cycliste de l’histoire mais qui n’a jamais totalement gagné le cœur de ses compatriotes car trop bruxellois, trop cannibale, le natif de Mol a conquis les fans de son pays très tôt. Gueule d’ange, silhouette élancée, boucle d’oreille et sourire ravageur, Tom Boonen avait tout pour séduire les foules. Encore fallait-il gagner de grandes courses pour asseoir un statut de star et user d’un panache hors du commun pour entrer dans l’Histoire de son sport. Ce qu’il fit assez rapidement en se construisant en seulement quelques années un palmarès digne de ses glorieux prédécesseurs, les Rik Van Looy, Rik Van Steenbergen, Alfred De Bruyne et autres Johan Museeuw et Peter Van Petegem, légendes flamandes. Sans être un Flandrien pur jus, Tom Boonen se rapproche des Flahutes par son côté dur au mal, son abnégation et son sens de la course bien qu’il affiche rarement un visage de souffrance. Sur la selle, le champion belge ne se départit pas d’une certaine froideur qui lui permet de garder son calme dans les moments clefs d’une course. Même si ça ne suffit pas toujours, comme en témoigne son Paris-Roubaix 2016 où il échoua d’un rien face à l’Australien Matthew Hayman après un numéro éblouissant.
VIDEO : Tom Boonen superstar
Le protégé de Patrick Lefévère s’est imposé sur tous les terrains, se transformant au fil de sa carrière en coureur complet dont la pointe de vitesse s’avérait une arme redoutable en cas d’arrivée groupée. Sans être un authentique sprinteur, Boonen a souvent fait la différence dans les derniers instants contrairement à son grand rival, Fabian Cancellara, souvent contraint de terminer seul pour s’assurer la gagne. En fait, il y a eu deux grandes périodes dans la carrière de Tom Boonen : les années 2000 où il dominait clairement les débats, et les années 2010 qui l’ont contraint à faire parler expérience et grinta car il n’était pas forcément le plus fort. La trajectoire du phénomène a été fulgurante. Fils d’un ancien cycliste professionnel pendant 5 ans, le petit Tom a commencé à pratiquer son sport favori à 12 ans. A 16, il est repéré par Dirk Demol, ancien lauréat de Paris - Roubaix (1988). Le phénomène passe pro à seulement 21 ans sous les couleurs de l’US Postal et se révèle en terminant 3e de Paris-Roubaix 2002, un pur exploit qui fera dire au vainqueur d’alors Johan Museeuw que son successeur était arrivé. Perçu comme un futur champion, il passe chez Quick Step l’année suivante et trouve en Patrick Lefévère l’homme idéal, le directeur sportif qui va faire fructifier tout son talent.
VIDEO : Sur les traces de Tom Boonen
Quand il se présentait au départ du Tour des Flandres ou de Paris-Roubaix, Tom Boonen avait la pancarte de favori. Mais il bénéficiait de l’équipe idéale pour magnifier ses qualités. Il tirait un avantage certain d’évoluer au sein d’une équipe belge avec une culture belge et un goût prononcé pour les Flandriennes, ce qui explique peut-être un léger manque de motivation sur les autres grandes classiques. « Quick Step, c’est comme une évidence », a un jour souligné Boonen. « Depuis le départ, il y a eu une forte connivence entre l’équipe et moi. C’était la bonne équipe au bon moment. J’étais à la place qu’il fallait, et quand Johan Museeuw a pris sa retraite, j’ai eu le leadership », a-t-il résumé. Si Tom Boonen a réussi un tel parcours, de ses records aux Flandriennes à son titre mondial (2005) en passant par son maillot vert du Tour de France (2007), il le doit à ses capacités intrinsèques et à son professionnalisme. Complet, puissant, rapide, capable de s’imposer en solitaire après un long effort ou au sprint en réglant ses compagnons d’échappée si nécessaire, l’Anversois a déployé la panoplie idéale du coureur cycliste moderne. Encore 3e du Mondial 2016 à Doha à 35 ans, Boonen est resté compétitif jusqu’au bout. Jusqu'à son dernier printemps sur un vélo.
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