Tour de France : Le chrono, ce mal-aimé pourtant si romantique
Si certains souhaitent encore la limitation voire même la disparition du contre-la-montre du Tour de France, ils sont invités à regarder la 20e étape du Tour de France 2020. Samedi, l’unique combat chronométré de cette édition a offert un final rocambolesque pour le moins, historique pour le plus. Le numéro de Rémi Cavagna, la détresse de Primoz Roglič , l’avènement de Tadej Pogačar : les 36,2 kilomètres entre Lure et La Planche des Belles Filles ont offert un scénario haletant comme le chrono sait parfois si bien nous l’offrir.
Voir un défilé permanent de coureurs se battre seul contre le chrono peut parfois avoir des allures de spectacle rébarbatif, surtout quand l’issue semble convenue. A ce titre, les souvenirs des Tour de France 2011 et 2012 font mal. En 2011, Cadel Evans la joue anguille : l’Australien remporte la 4e étape à Mûr-de-Bretagne mais ne s’empare du jaune qu’à l’issue du chrono de la… 20e étape, comme Tadej Pogačar.
Le spectre de 2012
En 2012, le Tour pousse la caricature jusqu’au bout : 84 kilomètres d’effort solitaire, et un top 10 final composé en grande partie de rouleurs peu adeptes des grandes offensives : Wiggins, Froome, Luis Leon Sanchez, Velits, Van Garderen, Porte, Kiryienka… En 2013, rebelote : cette fois c'est carrément 90 kilomètres de chrono répartis en trois étapes (deux individuel, un par équipes). L'occasion pour Chris Froome de prendre le relais d'Evans et Wiggins et d'écraser le Tour cette fois en montagne, mais aussi lors du contre-la-montre.
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Seul face à la montre
La lassitude qui s’est emparée d’une partie du public depuis pour ce type d'étape peut se comprendre. Le Tour de France 2019 est un merveilleux contre-exemple avec un seul chrono de 27 kilomètres, obligeant les leaders à faire la course. Pourtant, l'ironie de l’histoire veut que ce soit le seul contre-la-montre de l’édition 2020 qui ait fait basculer le Tour dans la folie. Tout le monde voyait Primoz Roglič consolider son maillot jaune avec force samedi. Marquer un point final à une quête débutée il y a trois semaines. La présence de la Planche (abrupte) des Belles Filles devait l’y aider.
Mais rien ne s’est passé comme prévu : Tadej Pogačar a grapillé de plus en plus, Roglič a vacillé, de plus en plus. Un affrontement à distance mais un combat d’hommes qui a provoqué une décharge comme le Tour en a rarement. Casque remonté, visage écarlate, Roglič a senti le vent tourner en même temps que le chrono. Lorsqu’il arrive, il s’effondre, interdit comme son équipe, Pogačar peut célébrer. L’histoire du Tour s’est une nouvelle fois écrite contre-la-montre.
Ce chrono a également sacré des petites histoires : celle de Rémi Cavagna, qui s’est définitivement imposé comme un des meilleurs rouleurs de la planète. Celle de Thibaut Pinot aussi. Lui comme Christian Prud’homme imaginaient sans doute un autre enjeu au départ du local samedi. Mais seul un chrono peut rendre sa fierté à un homme qui a tout donné pour finir ce Tour. Chez lui à Mélisey, proche de sa maison, son collège, ses vaches, Pinot a pu fendre une foule qui lui était entièrement dédiée pendant une heure. Un hommage impossible avec une épreuve en ligne. Du romantisme à toute épreuve et à tous les échelons de la course. Le chrono plat a par le passé souvent cloisonné la course, mais lorsqu'il s'élève, il peut aussi apporter des sensations à tous les étages.
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