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Tour de France : Jacques Chirac et la Grande boucle, une histoire en pointillé

Depuis De Gaulle, le Tour de France est devenu un endroit où les présidents de la République aiment se montrer. Ce jeudi, la 12e étape entre Chauvigny et Sarrans rendra justement hommage à Jacques Chirac, en arrivant devant le musée qui porte son nom chez lui, en Corrèze. Pourtant, le "grand Jacques" était loin d’être un vrai mordu de vélo.
Article rédigé par Adrien Hémard Dohain
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 6min
Jacques Chirac et Jan Ullrich lors du Tour de France 1998. (PIERRE ANDRIEU / AFP)

"Un nom sera sur toutes les lèvres et un visage dans toutes les mémoires", avait annoncé Christian Prudhomme, le patron du Tour, lors du dévoilement de cette 12e étape entre Chauvigny et Sarrans. En plus de Raymond Poulidor, dont le village sera aussi traversé ce jeudi, l’étape du jour est en effet destinée à rendre hommage à Jacques Chirac, sur les routes de sa chère Corrèze. Et surtout avec une arrivée tracée devant le musée qui porte son nom à Sarrans, imaginée avant même le décès de l’ancien chef de l’Etat le 26 septembre dernier. Et ce même si Chirac n’était pas le plus cycliste des présidents.

Habitué des podiums du Tour

De Jacques Chirac, on connaît sa passion pour les Sumos, et sa méconnaissance globale du sport, comme le raconte Jean-Louis Debré : "À la suite d'une victoire de l'équipe de France de football, un journaliste lui avait demandé : 'Monsieur le président, vous faites du sport ?'. Il avait répondu que 'oui', et m'avait lancé un clin d'œil en précisant : 'je fais des barres parallèles'. Je me suis dit, quand même, il abuse ! Et il a ajouté : 'oui, un bar rive droite, et un bar rive gauche’". Au sport, Chirac préférait les sportifs, surtout ceux qui incarnaient la France qui se bat et qui gagne. Par extension, il gardait donc un œil sur le Tour de France.

"Ce qu’il aimait surtout, c’était que c’était un élément du patrimoine, une grande fête populaire", raconte Jean-Paul Olivier, qui précise : "C’était rare de le voir dans les voitures. Il a eu une longue carrière de président et de maire de Paris, mais vu la longévité de sa carrière, finalement il est venu assez peu souvent sur le Tour, paradoxalement". Justement, c’est en tant que maire de Paris que Jacques Chirac s’est, année après année, imposé comme un visage du Tour.

Jacques Chirac et Bernard Hinault à l'arrivée du Tour de France 1985. (DPPI / DPPI MEDIA)

A la tête de la ville d’arrivée du Tour de 1977 à 1995, Chirac n’a loupé que peu de remises de maillot jaune, après lesquelles il prenait le temps de saluer chaudement chaque vainqueur. "Il remettait les maillots, cela avait un caractère très protocolaire. D’ailleurs, cela a été la grosse bagarre avec le président Valéry Giscard d’Estaing pour savoir qui du président ou du maire de Paris devait remettre le maillot", raconte Jean-Paul Olivier. Finalement, Chirac obtient bien que ce soit l’édile parisien qui remette les maillots, tandis que l’Elysée offre un prix. "Chichi" a ainsi sacré des légendes tricolores comme Hinault, Fignon, Thévenet, mais aussi LeMond, ZoetemelkIndurain...

L'affaire Festina s'invite en Corrèze

En dehors des cérémonies protocolaires de fin de Tour sur les Champs-Elysées, Jacques Chirac a mis longtemps avant de prendre la route du Tour. En 1987, celui qui est alors Premier Ministre y fait coup double. D’abord, il se rend à Berlin-Ouest pour y donner le départ : "C’était un symbole, mais il ne s’est pas passé grand chose. Il était venu saluer toute la délégation française à l’hôtel", se souvient Jean-Paul Olivier, bien plus marqué par la suite, une étape en Corrèze : "Il était chez lui, c’était lors d’une étape à Chaumeil. Chirac y a assisté, il est venu sur le podium remettre le jaune à Martial Gayant qui avait gagné".

Mais le grand moment de Chirac sur le Tour, c’est en 1998, quand le Tour revient en Corrèze. "On était en plein dans l’affaire Festina. Là, c’était un peu madame Chirac qui recevait, plus que le président, puisqu’elle était conseillère générale du canton". La veille, le président organise une réception dans son château de Bity, avec tout le gratin du Tour. Le directeur de la course, Jean-Marie Leblanc, lui annonce l’exclusion à venir de l’équipe Festina.

En 2001, Bernadette Chirac remet le maillot à poids à Laurent Jalabert lors de l'arrivée à Sarrans. (FRANCK FIFE / AFP)

En octobre 2019, Leblanc racontait au Figaro : "J’arrive tard. Il restait le ministre Jean-François Lamour, des conseillers et Jacques Chirac, qui a insisté pour que je mange. Je le vois encore me verser un verre de bordeaux en m’encourageant à attaquer l’entrecôte grillée. Il voulait surtout avoir des informations sur l’affaire, car le lendemain, il devait visiter le village. Et entre nous, il n’était pas très versé sur les choses du Tour… Il était venu respirer l’air du Tour et s’offrir un bain de foule. J’ai rencontré un homme simple, ouvert, convivial, pas de ceux qui donnent le stress".

Le lendemain, tout sourire, Chirac remettra le maillot jaune à Jan Ullrich. Et c’est tout ce qui comptait pour lui, président amoureux des sportifs mais pas du sport, qui venait sur le Tour lorsqu’il passait dans sa tendre Corrèze. "Disons qu’il n’a pas été le plus important des présidents sur le Tour de France", euphémisme Jean-Paul Olivier. Toujours est-il que ce jeudi, en arrivant devant son musée à Sarrans, où le Tour était déjà arrivé en 2001, la Grande Boucle rendra hommage au Grand Jacques.

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